En bref
– Un projet de loi inutile. Sur la base de quelques anecdotes déplorables, le projet de loi 3 impose de lourdes contraintes administratives à des syndicats qui ont déjà des procédures rigoureuses et transparentes de reddition de comptes, détournant leurs ressources de la représentation des membres vers des procédures bureaucratiques sans valeur ajoutée.
– Une menace directe à la défense des droits des professeur•es. En limitant l’usage des cotisations syndicales, le gouvernement restreint la capacité des syndicats de la Fédération — et donc des professeur•es qu’elle représente — à défendre leurs droits et à contester les décisions politiques qui les touchent.
– Un pas de plus vers l’affaiblissement des contre-pouvoirs. Après l’adoption du projet de loi 89 sur le droit de grève, le projet de loi 3 s’inscrit dans une tendance à réduire la force des voix indépendantes capables de critiquer le gouvernement. La FQPPU appelle à faire front commun pour protéger la démocratie syndicale et les voix critiques dans le débat public.
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Une entrave à la représentation et à la défense des droits
Sous prétexte de « transparence », le projet de loi 3 obligerait les syndicats à scinder les cotisations de leurs membres en deux catégories : une « cotisation principale », réservée aux activités directement liées aux conditions de travail, et une « cotisation facultative », imposée à l’égard de tout ce qui touche l’action sociale, politique ou juridique. Concrètement, un syndicat ne pourrait plus utiliser les cotisations principales pour contester une loi, même si elle porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes qu’il représente.
Or, la portée constitutionnelle d’un litige n’est pas toujours prévisible. En exigeant des syndicats universitaires qu’ils devinent à l’avance la nature exacte de chaque recours, le projet de loi les empêche de défendre efficacement leurs membres face à des décisions gouvernementales qui touchent leurs conditions d’enseignement, leur liberté académique ou la gouvernance de leur établissement. En restreignant ainsi leur champ d’action, le gouvernement se réserve en pratique un droit de veto sur la contestation juridique et sur la parole collective — un glissement dangereux pour toute démocratie.
Un projet de loi bureaucratique et inutile
Le projet de loi 3 prétend renforcer la transparence syndicale. Pourtant, des organisations comme la FQPPU publient déjà chaque année leurs états financiers, vérifiés, débattus et adoptés démocratiquement. Plutôt que de s’appuyer sur cette reddition de comptes éprouvée, le gouvernement propose un nouveau dispositif kafkaïen. La Fédération devrait désormais répéter le même exercice vingt-deux fois par année — c’est-à-dire une fois auprès de chacun de ses syndicats affiliés.
Cette redondance et les critères comptables flous qui l’encadrent détourneraient du temps et des ressources des missions syndicales essentielles : la défense des conditions de travail et la mission d’intérêt public de nos universités. Sur ce plan, le projet de loi n’apporte rien à la démocratie syndicale. Il la ralentit, l’alourdit et la rend plus coûteuse, au détriment des travailleuses et travailleurs qu’il prétend mieux servir.
Une charge administrative qui mine la démocratie
Sous couvert d’offrir davantage de temps aux membres pour se prononcer, le projet de loi 3 impose un nouveau dispositif de vote lourd et redondant. Chaque syndicat devrait tenir, au moins une fois par année, un vote secret de 24 heures, entre 72 heures et 30 jours après l’assemblée générale. En clair, les syndicats devraient désormais mettre en place des structures de vote complexes pour des décisions déjà prises démocratiquement.
Dans les faits, cette procédure transformerait des assemblées vivantes — où les membres échangent, débattent et votent en connaissance de cause — en un processus administratif où la démocratie deviendrait un simple protocole de conformité. Le Code du travail garantit déjà la transparence : les membres ont le droit de recevoir les états financiers, d’assister aux assemblées et d’amender les budgets proposés. En multipliant les formalités, le gouvernement ne renforce pas la démocratie syndicale : il en érode l’esprit.
Une pièce d’un puzzle plus large : la réduction des contre-pouvoirs
Le projet de loi 3 ne surgit pas dans le vide. Il s’ajoute à une série d’initiatives gouvernementales qui, sous couvert d’efficacité ou de modernisation, affaiblissent les institutions capables de contester le pouvoir politique. Après l’adoption du projet de loi 89, qui restreint le droit de grève au nom du « bien-être de la population », voici une réforme qui encadre le financement syndical et la parole collective.
Ces mesures convergent vers une même logique : réduire la capacité des organisations citoyennes, universitaires et syndicales à exprimer des désaccords légitimes. Or, les contre-pouvoirs ne constituent pas des obstacles. Ils sont les garants de la transparence, de l’équilibre et du débat public éclairé. C’est grâce à eux que nos institutions progressent et que les politiques s’améliorent. En cherchant à les restreindre, le gouvernement fragilise la confiance démocratique et sape la vitalité de la société civile.
La FQPPU appelle à faire front pour la démocratie syndicale
Face à cette réforme néfaste, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université appelle le gouvernement à retirer le projet de loi 3, ou à en modifier substantiellement les dispositions les plus dommageables pour la démocratie.
« Le projet de loi 3 s’ajoute à d’autres mesures qui, brique après brique, retirent de la solidité à l’édifice de la démocratie québécoise », déclare Madeleine Pastinelli, présidente de la FQPPU. « Chaque nouvelle attaque, prise individuellement, n’est peut-être pas spectaculaire et peut même sembler justifiable. Mais ces retraits discrets, à force, fragilisent la structure entière. Cette réforme, qui s’inspire des politiques antisyndicales menées aux États-Unis, risque de reproduire leurs effets désastreux : une chute du taux de syndicalisation, un affaiblissement des protections sociales et un musèlement des contre-pouvoirs démocratiques. »
La Fédération réaffirme qu’elle poursuivra, aux côtés de ses affiliés et des autres organisations syndicales du Québec, la défense du droit fondamental à la représentation collective. Elle continuera également à sensibiliser les élu•es et le public aux conséquences de ce projet de loi sur l’équilibre des pouvoirs et sur la vitalité démocratique du Québec.






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