Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Quand la laïcité ouverte esquive les vrais problèmes...

Les commissaires Taylor et Bouchard n’ont pas un mot à dire sur l’augmentation de la population étudiante inscrite dans les écoles confessionnelles au Québec qui sont de façon écrasante catholiques. Ils se taisent sur le financement public de ces écoles. Est-ce une autre vertu de cette laïcité ouverte que d’esquiver les vrais problèmes de la laïcité au Québec ?

Non au financement public des écoles privées et confessionnelles

Les commissaires Taylor et Bouchard n’ont pas un mot à dire sur l’augmentation de la population étudiante inscrite dans les écoles confessionnelles au Québec qui sont de façon écrasante catholiques. Ils se taisent sur le financement public de ces écoles. Est-ce une autre vertu de cette laïcité ouverte que d’esquiver les vrais problèmes de la laïcité au Québec ?

L’école publique croule sous les exigences et l’insuffisance des moyens. Mais le gouvernement du Québec encourage le développement d’écoles séparées regroupant les élèves sur une base confessionnelle.

Cette approche n’a rien avoir avec le développement d’une école laïque même ouverte. Elle va dans le sens contraire d’une intégration interculturelle. Environ 15 % des jeunes de Montréal fréquentent l’école primaire privée et la très grande majorité le fait au sein d’écoles confessionnelles. Au secondaire, c’est maintenant 20 % des élèves qui fréquentent l’école privée et ce pourcentage s’élève à plus de 30 % à Montréal. Avec moins du quart de la population canadienne, le Québec compte plus du tiers des élèves fréquentant une institution privée. Et la majorité de ces écoles ont un projet éducatif confessionnel.

Le droit à un enseignement privé pour les enfants est un droit reconnu, mais ce droit n’entraine nullement l’obligation pour les instances publiques d’en assurer le financement. Pourquoi ?

Ces écoles privées et confessionnelles éloignent les élèves d’une conception laïque du monde. Elles isolent les élèves d’une confession particulière de l’ensemble des élèves du Québec. Elles dressent un obstacle à leurs échanges et leurs questionnements. Les parents peuvent bien organiser ce type d’école, mais ils doivent suivre le programme du Ministère de l’Éducation, des loisirs et des sports. Comme, il y a un enseignement confessionnel dans ces écoles, comme le recrutement de ces écoles est sélectif et lié tant par le niveau de réussite exigé qu’à la confession, le financement public est irrecevable. Car il est en rupture avec les objectifs poursuivis par l’école publique : la réussite de tous et toutes et l’ouverture aux questionnements des jeunes sur l’ensemble des conceptions du monde présentes dans la société dans laquelle ils seront appelés à vivre. C’est pourquoi le gouvernement du Québec devrait mettre fin immédiatement au financement public des écoles privées confessionnelles.

La laïcité à plat ventre

Dans une de ses chroniques au Devoir, Michel David critique la laïcité à deux vitesses introduite par le cours Éthique et culture religieuse. Il mentionne que les enfants des parents bien argentés pourront profiter dans les écoles privées d’un enseignement religieux en plus du cours d’Éthique et culture religieuse. Pour Michel David c’est inéquitable. Dans un débat avec Michel David, Jean-Pierre Proulx un des inspirateurs de la définition la laïcité ouverte au Québec rejette la laïcisation de l’école privée. Il s’oppose également au retour de l’enseignement confessionnel dans l’école publique qui serait la négation de la démarche d’enseignement de la culture religieuse. Sa solution, subventionner les parents (mesures fiscales appropriées) en prenant en compte la prestation de l’enseignement confessionnel au sein des écoles privées et la capacité de payer des parents. Bref, il s’agirait d’élargir le financement public des parents désireux que leurs enfants fréquentent les écoles privées et confessionnelles et cela aux dépens de l’école publique. Et pourtant, il sait bien que ces écoles privées sont sélectives et n’ont comme objectif que la réussite des enfants des élites.

La solidarité entre la défense de l’école publique et celle de la laïcité

Il ne faut pas oublier qu’il y a une solidarité entre la défense des services publics et celle de la laïcité. Le système d’éducation public est aujourd’hui menacé. Il est menacé par sa privatisation rampante. Il est menacé par le financement public des écoles privées qui nuisent au développement de l’école publique. Il est menacé par le fait que les écoles privées retirent des couches entières de la population de l’école publique, celles qui généralement qui réussissent le mieux. Cette ponction financière et humaine sur l’école publique renforce la ségrégation sociale et diminue le rôle de formation citoyenne que peut seul donner le système d’éducation publique.

Il faut poursuivre une lutte active pour le principe de la priorité absolue des fonds publics pour l’école publique. Et sur ce combat, les propositions concrétisant la laïcité ouverte des commissaires Bouchard et Taylor sont étrangement silencieuses, car elles ne font aucun lien entre la défense de laïcité et la lutte contre la privatisation portée par les élites néolibérales.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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