Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Qui dit vrai ?

C’est la question que pose l’éditorial du Devoir en date du 12 août au sujet des études et contre-études qui sont citées dans la propagande des pétrolières [1].

On en trouvera une illustration dans l’article « TransCanada rectifie certains faits » [2], signé par Philippe Cannon, qui fait des liens entre le pipeline Keystone XL et l’émission de GES. Dans tous ces arguments « pour » et « contre » l’exploitation des sables bitumineux, il règne un tel fouillis qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Le lecteur moyen, qui n’a pas le temps de faire une analyse poussée, est nécessairement perplexe. Je lui conseille plutôt de se fier au gros bon sens pour faire le tri entre les faits et la propagande qui sert les intérêts financiers de firmes comme TransCanada. Pour ce faire, analysons deux (parmi tant d’autres) des affirmations contenues dans ce « rectificatif ».

Lorsque M. Cannon écrit, citant une étude, que « ...Keystone XL n’aurait pas de répercussion significative sur le taux d’extraction dans les sables bitumineux... », le lecteur peut se demander pourquoi les compagnies pétrolières se démènent comme des diables dans l’eau bénite pour bâtir Northern Gateway vers l’ouest (525 000 barils/jour), TransCanada Est (1 100 000 barils/jour) vers l’océan Atlantique et Keystone XL (800 000barils/jour) vers le sud. Sans oublier l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge ! Est-ce que cela pourrait avoir une relation avec l’objectif avoué de l’industrie de doubler (sinon tripler) sa production dans les sables bitumineux d’ici 2030 ??? M. Cannon croit-il que le lecteur a une poignée de valise dans le dos ?

« ...[L]’oléoduc Keystone XL n’aurait aucun effet majeur sur les émissions de gaz à effet de serre... ». D’une façon très restrictive, c’est vrai qu’il n’y a pas d’émission de GES lorsque le pétrole est à l’intérieur du tuyau (si on exclut les stations de pompage). Mais en refusant de tenir compte des GES produits lors de l’extraction, du raffinage, du transport et de la combustion de ce pétrole, n’y a-t-il pas là une politique de l’autruche qui se cache la tête dans le sable ? Peut-on délibérément ignorer l’empreinte écologique totale des sables bitumineux ? On sait aussi que l’Office national de l’énergie veut exclure les GES en aval et en amont lors des audiences concernant TransCanada Est. Ignorer les faits ne les a jamais fait disparaître !

J’invite le lecteur intelligent à contre-vérifier les autres affirmations dans le texte de M. Cannon.

Comme toute propagande, le « rectificatif » de M. Cannon contient quelques mini-particules de vérité, et une opinion dogmatique en faveur de l’expansion exponentielle de son industrie ; mais tous les faits qui ne correspondent pas à ses intérêts égoïstes sont systématiquement ignorés. Taire les effets des GES en amont et en aval du pipeline est inacceptable sur le plan scientifique. Pourtant, son industrie le fait tant et si bien que, selon le dernier numéro de la revue Popular Science, un sondage démontre qu’un Américain sur deux ne croit pas que les humains soient responsables des changements climatiques et ce, malgré le fait que 98 % des scientifiques en sont persuadés. À la page 58, la revue ajoute que ce consensus au sujet des GES est plus important que dans le cas du lien entre la fumée de cigarette et le cancer du poumon [3].

De façon globale, qui a intérêt à ce déni des faits ? Poser la question, c’est y répondre !

Gérard Montpetit
La Présentation,
Le 19 août 2014

Mots-clés : Edition du 2014-08-19
Gérard Montpetit

Membre du comité Non au schiste La Présentation

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