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Débats

Réflexions sur « la question du parti » – Un tour d’horizon

mardi 24 janvier 2017 | tiré du site Europe solidaire sans frontières

A l’occasion du centenaire de la révolution russe, la revue Viento Sur m’a demandé un article sur « la question du parti » (Rousset 2017). En voici une version beaucoup plus développée. Plutôt que sur le passé, elle porte essentiellement sur le présent – et souhaite être une contribution à un débat international, et non seulement français.

Des corrections ou clarifications seront probablement incorporées ultérieurement

La question d’un parti militant renvoie pour nous à des éléments d’analyse très généraux (la théorie de la révolution sociale sous le règne du capitalisme – ce qui est l’objet même du marxisme), mais aussi à une foultitude de situations concrètes, très différentes les unes des autres, dont il paraît bien difficile de présenter une synthèse. On s’en tiendra donc ici à des lignes de réflexion.
Partis, périodes, consciences

Nous abordons évidemment ici la question du parti du point de vue de la gauche radicale, anticapitaliste. Nous aurions dit, dans les années 60-70, du point de vue de la gauche révolutionnaire. L’adjectif « radical » prend, à mon sens, acte d’une situation. Dans de nombreux pays – à commencer par ceux qui composent l’Europe –, il n’y a pas un niveau, une qualité des luttes sociales qui permettent de donner chair à une organisation révolutionnaire. L’adjectif « révolutionnaire » ne renvoie pas seulement à un programme. Dans les années 60-70, la vie quotidienne des membres de l’extrême gauche était différente de celle des adhérents aux partis réformistes sociaux-démocrates ou staliniens. Bien des activités devaient être clandestines, ou partiellement clandestines. La perspective était celle d’une montée en puissance des luttes de classes et l’on devait s’y préparer. Les Etats d’ailleurs s’y préparaient, dans des pays comme la France, et la répression frappait en priorité le militantisme politique.

En Europe, la situation a changé après l’épuisement de la dynamique de la révolution portugaise et la sortie contrôlée du franquisme dans l’Etat espagnol. Une « normalisation » à la gauche de la gauche a suivi plus ou moins rapidement. La transition n’a pas été facile et une grande partie des organisations d’extrême gauche en Europe ont disparu en cours de route. Depuis, la vie quotidienne d’un membre de la gauche radicale n’est plus si différente de celle de l’adhérent d’un parti réformiste. La perspective d’une confrontation majeure de classes s’est embrumée dans un horizon lointain. De façon symptomatique, la répression a progressivement ciblé les mouvements sociaux (et les « classes dangereuses » – classes d’âge et sociales) et non plus les politiques en tant que tels.

Bien entendu, cette périodisation varie suivant les pays du sud, du centre ou du nord de l’Europe. Des résistances armées se sont longtemps prolongées en lien avec l’oppression nationale (Euskadi, Irlande du Nord, Corse), mais ces luttes ont cessé de s’inscrire dans une perspective révolutionnaire internationale, ce qui a posé la question de leur fonctionnalité et a changé le cadre des processus de paix. Malgré les différences de contexte, c’est aussi vrai pour les pays du Sud où des guérillas significatives continuaient à exister, de la Colombie aux Philippines.

Dans un premier temps, le changement de période a conduit l’extrême gauche « survivante » à repenser les rythmes et les modalités de sa construction. La course du « cent mètres » visait à profiter – avant qu’elle ne se referme – de la fenêtre ouverte par la crise de la domination impérialiste des années 60. Elle a laissé place à une course de fond pour mieux s’implanter et durer jusqu’à la crise suivante. Cependant, cette dernière n’est advenue que trois décennies plus tard (une génération !). Quant au changement de période, il a été beaucoup plus prononcé qu’escompté.

En fait, nous avons à faire à un changement d’époque (Sabado 2015b) marqué par l’implosion de l’URSS et la fin de la géopolitique des blocs ; l’épuisement de la dynamique révolutionnaire du XXe siècle y compris dans le tiers monde ; la mondialisation capitaliste ; une hégémonie idéologique du néolibéralisme qui, bien que temporaire, a profondément pénétré les consciences ; de véritables bouleversements des structures sociales tant au Nord qu’au Sud et à l’Est…

Dans ce cadre, la rupture générationnelle entre les héritiers des années 60-70 et les enfants de l’époque présente s’avère souvent particulièrement tranchée (Rousset, 2005). En règle générale, les jeunes sont peu intéressés à apprendre du passé contrairement à l’aile politique de la « génération 68 » qui se pensait dans la continuité de la révolution russe d’Octobre 17, de la révolution chinoise d’Octobre 49 ou de la révolution cubaine de janvier 1959, de la Guerre d’Espagne et de la résistance antifasciste…

Cette rupture de génération prend aussi des formes aiguës dans les pays où les « vieux » ont vécu l’expérience de la résistance à des dictatures et des régimes militaires et où les « jeunes » sont nés à la politique après leurs renversements, comme en Amérique latine ou aux Philippines.

Nous touchons ici à une question fondamentale. Les conceptions militantes dominantes ne sont pas forcément en adéquation avec certaines des tâches de l’heure ou avec la nature des épreuves à venir. Or, l’action politique se conduit à partir des consciences « réellement existantes » et non pas à partir d’impératifs catégoriques. Ainsi, même quand le « désir de parti » existe, il peut y avoir un fossé entre le parti possible (compte tenu des consciences) et le parti nécessaire (compte tenu des tâches). Une difficulté assez redoutable qui conduit à bien des tâtonnements.

Néanmoins, des partis utiles ont existé et existent encore bel et bien.

Des partis utiles possibles et nécessaires

Nous sommes aujourd’hui confrontés à un rejet sec de la notion même de parti dans une aile importante de la jeunesse militante, y compris chez celle dont l’engagement personnel est le plus radical. Du moins tel est le cas dans certains pays. Il y a à ce rejet de solides raisons qu’il nous faut pleinement prendre en compte. Le dépérissement de la démocratie bourgeoise a fini de discréditer le régime des partis, là où il avait un sens par le passé. Un secteur notable de l’extrême gauche s’est comporté de façon proprement manipulatrice et autoritaire, parfois carrément destructrice.

La « forme parti » n’est pas seule en cause, il importe de le noter. En fait, ce sont toutes les formes d’organisation d’hier et d’aujourd’hui qui méritent d’être passée en revue de façon critique. Des syndicats sont profondément bureaucratisés. Des ONG deviennent la « propriété » d’une personne. Des associations s’institutionnalisent au point d’appliquer en leur sein une grille de salaires fort inégalitaire. Des réseaux informels sont manipulés par une direction occulte. Des mouvements « virtuels » remplacent par un « click » Internet (sans engagement militant aucun) les procédures démocratiques collectives. Des hommes providentiels se ramassent à la pelle…

Aucun parti n’est parfait. Néanmoins, des partis ont joué un rôle clé, au XXe siècle, dans toutes les luttes de libérations, dans les révolutions qui ont été le plus loin dans la rupture avec le capitalisme. Certes, ces révolutions se sont sclérosées ; elles ont donné naissance à des régimes bureaucratiques, puis laissé place à un nouveau développement capitaliste. Il y a à cela des causes multiples sur lesquelles on ne peut revenir ici.

Les critiques sans nuances ni merci des partis révolutionnaires devraient se pencher sur ce qu’il advint des révolutions sans partis. Ou ce qu’il en advient aujourd’hui encore. Nous avons rarement vu une levée populaire aussi ample et couvrant d’emblée une aire géographique aussi vaste que ce que l’on appelle un peu improprement le « Printemps arabe ». L’irruption des « masses » dans l’arène politique fut spectaculaire, le combat mené contre une cohorte de forces contre-révolutionnaires proprement remarquable. Elle mérite toujours notre soutien ; mais l’initiative a changé de camp. La lutte se poursuit parfois dans des conditions épouvantablement difficiles, comme sur le théâtre d’opérations irako-syrien.

Les peuples de la région paient notamment au prix fort les abandons et les trahisons de la gauche dans le monde arabo-persan (ou au-delà), ainsi que l’affaiblissement des partis qui sont restés fidèles à leurs engagements – et qui méritent eux aussi notre soutien. Ils paient l’isolement international dans lequel ils ont été maintenus par les puissances – mais aussi par une partie de la gauche radicale appuyant Poutine et Assad ou regardant ostensiblement ailleurs. Des partis suffisamment implantés pour jouer un rôle important, il n’y en avait pas, sauf dans les Kurdistan. En quoi cela a-t-il aidés ?

Des partis radicaux, même de dimensions modestes, peuvent aujourd’hui être utiles. Pour l’illustrer, je vais prendre deux exemples de pays d’Asie parmi les plus violents : le Pakistan et le Sud philippin. Dans le premier cas, le Parti awami des Travailleurs (Awami Workers Party – AWP) opère de façon entièrement légale. Dans le second, le Parti révolutionnaire des Travailleurs – Mindanao (RPM-M) est encore clandestin. Comme quoi, la forme prise par les partis ne reflète pas seulement l’état des sociétés (marquée par une violence multiforme), mais aussi l’histoire des luttes antérieures et des gauches.

Le Pakistan et le Sud philippin ont aussi en commun la diversité et l’acuité des conflits confessionnels, sectaires, identitaires. C’est sur ce terrain (on pourrait en choisir d’autres) que la question de l’utilité d’un parti est ici testée. Comment en juger ? En étudiant ce qu’il fait (plus que ce qu’il dit) ; mais aussi en se posant la question : qu’est-ce que cela changerait s’il n’existait pas ?

L’Etat pakistanais est une construction artificielle, fragile. Son unité, sa stabilité sont remises en cause par des questions nationales irrésolues. Par des régionalismes et des communautarismes vivaces. Par l’impact de la guerre d’Afghanistan et le jeu des puissances. Par le clanisme des familles possédantes. Par l’extrême diversité de la mosaïque de structures sociales. Par l’hyper violence des fondamentalismes religieux (en l’occurrence musulmans). Par le fractionnalisme au sein des agences de sécurité…

Le AWP a été fondé en 2013 grâce au regroupement de trois organisations (Rousset 2013b), y compris le Labour Party Pakistan (LPP) (Rousset 2010b) dont l’action antérieure est ici prise en compte. Très réactif, il défend les paysans de la ferme militaire d’Okara (torturés). Les syndicalistes du textile à Faisalabad (emprisonnés). Les blogueurs libres penseurs et antimilitaristes (enlevés). Les hindous ou chrétiens dont les villages sont brulés par des islamistes. Les victimes chiites ou sunnites des attentats fondamentalistes. Les femmes enterrées vivantes pour avoir défié l’autorité patriarcale et entaché « l’honneur » de la famille. Les transgenres violentées. Les nationalistes baloutches sommairement liquidés. Les populations sinistrées par une catastrophe naturelle, inondation (Pendjab) ou tremblement de terre (Cachemire). Les défenseurs des droits condamnés à la perpétuité pour leur engagement solidaire (Gilgit-Balistan). Au-delà des frontières, des communistes afghans sont invités, les liens sont renforcés avec des internationalistes indiens, des responsabilités sont assumées dans le développement des réseaux régionaux ou mondiaux…

Ainsi, le AWP (et avant sa fondation, le LPP) s’élève contre toutes les oppressions, toutes les exploitations, en défense de toutes les victimes. Il reconnaît la diversité et affirme simultanément la communauté d’un combat progressiste. Or, les deux ne vont pas toujours de pair. L’expression de la diversité peut privilégier un repli particulariste, identitaire. « Produire » de la diversité ne signifie pas nécessairement produire du commun (Johsua 2017). Inversement, au nom de l’unité, les droits des minorités, des femmes, sont trop souvent étouffés.

Chaque initiative solidaire vaut pour elle-même. Prise ensemble, c’est une culture de solidarité « d’en bas », sans frontières, qui prend forme. En ces temps de divisions, ce n’est pas rien ! Le LPP, puis le AWP, apportent à ce combat les moyens d’un parti implanté dans un large éventail de secteurs sociaux et de régions. Ce serait une perte s’ils n’existaient pas.

Le RPM-M (RPM-M 2006, Rousset 2010a), pour sa part, est implanté dans l’île méridionale de Mindanao, la région la plus militarisée de l’archipel philippin. Toutes les formes possibles de groupes armées y opèrent. C’est là que cohabitent « trois peuples » : les Moros (musulmans), Lumads (tribus montagnardes) et descendants chrétiens issus du mouvement de colonisation « interne » du Sud philippin. Dans ce contexte, les conflits sociaux (pour la terre notamment) prennent souvent la forme de violences intercommunautaires. Les rivalités entre clans politiques (en particulier moros) peuvent devenir sanglantes. L’état de guerre entre des mouvements musulmans et le gouvernement, ainsi que l’existence de guérillas de gauche, posent la question des conditions d’une paix juste et durable. Opérations militaires et calamités naturelles provoquent régulièrement des catastrophes humanitaires.

Le RPM-M répond à cette situation en prenant lui aussi la défense de toutes les victimes. Il combat l’oppression des musulmans, mais n’accepte pas pour autant qu’un commando islamique hors contrôle massacre des villageois chrétiens. Il reconnaît le droit à l’autodétermination des Moros, mais refuse que ce même droit soit dénié aux Lumads sur leurs territoires ancestraux. Il mobilise des personnes issues des trois peuples pour qu’elles portent ensemble aide aux populations frappées par des catastrophes humanitaires. Il soutient la représentation des trois peuples au sein des mêmes mouvements luttant pour la paix. Il veut que les intérêts des couches populaires, que les droits démocratiques, environnementaux et sociaux « transversaux », soient réellement pris en compte dans les négociations de paix…

Le RPM-M est par ailleurs une organisation territoriale. Il est issu de la scission d’une région (Mindanao Centre) du Parti communiste des Philippines, maoïste. Il juge que la lutte armée n’est pas la forme de combat adéquat aux Philippines ; mais le désarmement ne va pas pour autant de soi. Une organisation territoriale porte une responsabilité vis-à-vis des populations où elle est implantée. Le RPM-M a appris à respecter la gouvernance autochtone des Lumads, qui possèdent leurs propres forces d’autodéfense pour faire face à de puissants groupes d’intérêts (minier, forestiers…). Les unités militaires du RPM-M sont en position défensive, la guérilla n’étant pas active ; mais elles peuvent se porter en renfort si des villages sont menacés. Désarmé, faute de pouvoir se protéger, le RPM-M devrait se replier et laisser le champ libre à des groupes armés hostiles. La situation des Lumads et des villages menacés en serait gravement fragilisée.

Nous parlons ici de partis d’envergure modeste (quelques milliers de membres), mais bénéficiant d’une implantation multisectorielle. Une organisation politique concentrant son activité dans un seul secteur social (par exemple les entreprises) ne saurait jouer le même rôle. Une formation essentiellement parlementaire non plus. Au cœur de l’action partidaire se pose en effet la question de l’articulation des formes et des terrains de lutte.

L’articulation des formes et des terrains de lutte

Si je nourris la réflexion d’exemples concrets, c’est qu’il faut se garder des schémas trop abstraits. On ne peut en effet effacer d’un trait les héritages nationaux ou régionaux. En Europe, les rapports entre grands partis et syndicats varient considérablement d’un pays à l’autre. En Inde, chaque parti (parlementaire) – y compris de droite – est entouré d’un éventail d’« organisations de masse » : confédération syndicale, associations paysannes et femme, jeunesses… Des « mouvements sociaux antipartis » leur font pièce. Des organisations indépendantes, mais pas nécessairement hostiles aux partis ont pris dernièrement plus d’importance. Toute action d’envergure pose la question de leur collaboration.

Un parti n’a pas le monopole de l’élaboration théorique et programmatique, contrairement à ce que beaucoup ont prétendu. Des militantes d’extrême gauche ont participé activement aux élaborations féministes des années 70, mais leur formulation s’est faite en dehors des organisations politiques constituées, avant d’y pénétrer en force (suscitant bien des rejets défensifs et conservateurs) – idem pour la question des sexualités et de l’homosexualité. Il en va de même pour ce qui est de l’écologie la décennie suivante. Idem encore en ce qui concerne l’évolution des rapports sociaux et du travail, ou la portée stratégique d’expériences de luttes innovantes…

En revanche, les partis militants offrent (peuvent, devraient offrir) dans la mesure du possible des choix globaux d’orientation alternatifs – à savoir comment articuler pour une période donnée formes et terrains de lutte. En cela, ils contribuent à préserver l’unité des mouvements sociaux, les choix politiques hétérogènes de leurs membres s’exprimant ailleurs au lieu de les diviser. Si division il y a néanmoins, elle s’opère sur le terrain propre à chaque mouvement social : syndicalisme de classe ou d’accompagnement, écosocialisme ou écologie profonde, production paysanne ou agro-industrie, féminisme de lutte de classe (socialist feminism) (Trat 2010 & 2013, Duggan 2010) ou institutionnel…

Tout cela présuppose évidemment que lesdits partis militants respectent le fonctionnement propre, la vie des mouvements sociaux ; ce qui n’est pas gagné d’avance. Une solution alternative est défendue par des courants de référence généralement anarchiste, la constitution de mouvements sociopolitiques de type « syndicats révolutionnaires » (en période non révolutionnaire). C’est construire des avant-gardes nécessairement concurrentes au sein du salariat, imposant des divisions de nature partidaire.

Deux terrains de lutte méritent ici une mention spéciale : la lutte armée et l’activité parlementaire. Cela peut paraître étrange de les associer ici. Pourtant, toutes deux ont de profondes implications sur les équilibres d’une organisation et toutes deux présentent de grands dangers si ces équilibres ne sont pas maîtrisés.

Lutte armée. La lutte armée s’impose parfois comme l’unique voie pour poursuivre un combat d’émancipation. La décision de s’y engager a cependant des conséquences très lourdes, comme sur les rapports entre clandestinité et activités « ouvertes » (above ground). Pour limiter les risques de dérives, mentionnons pour l’heure simplement que les autres terrains d’action ne doivent pas être étroitement subordonnés à la lutte armée. Que la politique doit continuer à commander au fusil. Que la sécurité ne justifie pas d’étouffer toute forme de débat, de démocratie, de prises de décision collective. Que l’engagement dans ce terrain d’activité ne doit pas devenir un mode de vie dont on ne peut plus sortir. Qu’un bon parti de lutte armée sait la suspendre ou l’interrompre quand l’évolution de la situation politique l’exige.

Le risque de dégénérescence de groupes militaires s’accroît quand ils se maintiennent alors que la situation ne justifie plus la poursuite de la lutte armée. C’est même vrai pour des organisations qui prennent en compte cette situation en adoptant une posture défensive, mais ne peuvent néanmoins pas désarmer. Ainsi, le RPM-M assure une rotation pour que les membres de la RPA (Revolutionary People’s Army – Armée révolutionnaire du peuple) puissent quitter les camps de montagne pour se replonger périodiquement dans la vie civile.

La sortie de la lutte armée n’est pas chose simple, comme on le voit dans le cas du RPM-M/RPA à Mindanao, du Parti communiste des Philippines ou des Bangsamoros – sans parler de la Colombie. D’autres mouvements (liés notamment à des minorités ethniques : Birmanie…) sont confrontés à la question des processus de paix. Un certain nombre de ces mouvements se rencontre régulièrement pour échanger leurs expériences en ce domaine : une collectivisation de la réflexion à laquelle plus d’attention devrait être portée sur le plan international vu l’importance de ces enjeux.

Activités parlementaires et institutionnelles. L’activité parlementaire (et plus généralement institutionnelle) répond à des besoins très réels. Défendre dans toutes les arènes possibles les droits des dominé.e.s. Leur assurer une représentation politique. Combattre l’hégémonie idéologique dominante. Utiliser le groupe parlementaire pour aider les luttes ici et ailleurs ; pour obtenir la libération de prisonniers politiques ; pour aider à la coordination internationale des mouvements…

Cette activité ne peut évidemment pas être mise en œuvre en tous lieux en tout temps. Ses modalités et son potentiel dépendent beaucoup de la nature du régime politique et des législations électorales propres à chaque pays (qui, en règle générale, tendent aujourd’hui à se durcir).

C’est sur ce terrain que la gauche radicale a récemment connu ses plus grands succès en Europe ; et qu’elle a subi l’un de ses échecs les plus cinglants. La première vague de succès électoraux a notamment touché le Danemark, l’Etat espagnol, la Grèce, le Portugal – avec pour point d’orgue, la conquête du gouvernement par Syriza et le soutien populaire massif pour en terminer avec les politiques d’austérité (Ntavanellos 2015, Thornett 2015, Toussaint 2015, Udry 2015). La première leçon, évidemment, c’est qu’un tel événement remarquable a été possible. La seconde, malheureusement, est la trahison de ses mandats par la direction Tsipras et son intégration (en position subordonnée) à la gouvernance autoritaire de l’Union européenne. Après l’espoir, l’écœurement – et un point tournant négatif pour la gauche radicale en Europe. L’avenir de l’Alliance rouge et verte danoise (Voss 2011), du Bloc de Gauche portugais (Louça & Romero Baeza 2010), de Podemos (Antentas & Souvlis 2016, Camargo 2016, Sabado 2015a) reste évidemment des enjeux majeurs, mais le contexte leur est aujourd’hui plus difficile.

Un autre processus est engagé avec Momentum et Corbyn en Grande-Bretagne. Aussi important soit-il (Socialist Resistance 2016), il n’est pas évident qu’il va se reproduire ailleurs. En Allemagne, l’expérience est déjà faite (Die Linke). En France, ce fut la création du Parti de Gauche (abandonné par son créateur) et, avec le PCF, du Front de Gauche (cliniquement mort) ; reste Mélenchon. Le Parti socialiste risque l’implosion, sans échos et dynamique de masse. Idem avec le PSOE (Pastor, 2016). Les carottes sont cuites en Italie. Dans beaucoup de pays, c’est la droite extrême et l’extrême droite qui sont à même de polariser l’exaspération populaire.

L’avenir peut nous réserver à nouveau d’heureuses surprises ; mais il faut prendre la mesure de la « logique hégémonique » du terrain électoral et du pouvoir de cooptation des institutions. L’aune du succès d’une organisation devient ses résultats électoraux et non les progrès de son implantation sociale – or l’audience électorale n’implique pas automatiquement une avancée dans l’enracinement local. La succession des échéances électorales commande les priorités financières et accapare l’attention des directions. L’échec laisse le roi nu – et les coffres vides. Le succès est dangereux. Des organisations entières ont perdu leur âme militante dans les institutions, malgré la résistance farouche de minorités en leurs seins : Akbayan aux Philippines, Syriza en Grèce… D’autres ont perdu leurs députés pour ne pas perdre leur âme (comme le RPM-M aux Philippines).

Un parti radical doit pouvoir intervenir selon les possibilités et les nécessités en tous domaines, y compris parlementaire et institutionnel, y compris hostiles. Le danger est d’adapter la conception même du parti « réellement existant » aux jeux électoraux. La rotation des élu.e.s est de bonne politique. Les règles financières (reversement d’indemnité…) doivent être clairement établies et respectées. L’ancrage social doit être assuré au lieu de s’affaiblir avec le temps. On gagnerait à réfléchir à des exemples originaux en la matière. Le mouvement populaire coréen a impulsé la création du Parti démocratique du Travail (KDLP), la confédération syndicale KCTU et la Ligue des paysans (KPL) étant directement représentées à sa direction (KDLP 2005). Le KDLP a connu un véritable succès électoral, mais a été fortement réprimé au nom de la « sécurité nationale ». Par ailleurs, la cohabitation n’est pas simple, en Corée, en le courant « libération nationale » qui donne la priorité à la question de la réunification du pays et le courant « démocratie du peuple » qui donne la priorité aux luttes sociales.

L’exemple du KDLP est très spécifiquement sud-coréen et n’est pas reproductible ? Certes, mais la question de fond du lien entre partis radicaux et base sociale ne cesse de se poser.

Confrontés à l’absence de partis radicaux à basse de masse, d’autres courants syndicaux de lutte de classe se posent la question d’en fonder. C’est aujourd’hui notamment le cas pour le NUMSA, en Afrique du Sud (Irvin 2016). C’est donc une question actuelle à réintroduire dans la réflexion internationale.

Les précédents historiques en Afrique du Sud et au Brésil montrent comment le parti initialement fondé sur le mouvement syndical peut l’instrumentaliser. Après l’accession au gouvernement, ce fut le cas au Brésil avec le PT et la CUT (Antunes 2014) ; ou en Afrique du Sud avec l’ANC et la Cosatu (Gabriel 2014 ; Numsa, 2014 ; Amandla ! 2013). Il faut donc mieux s’en prémunir.

Enfin, l’une des particularités des processus européens contemporains, c’est le décalage temporel entre les mobilisations sociales qui ont ouvert à la voie à la gauche radicale et le moment où les succès électoraux se sont produits (Syriza, Podemos…). En conséquence, la base sociale organisée du mouvement parlementaire (ou du gouvernement dans le cas grec) reste étonnamment restreinte par rapport à leur audience électorale – un dangereux talon d’Achille.

L’expérience montre que la résistance aux dérives droitières de directions politiques et syndicales, ou que l’élargissement de la base sociale de la gauche radicale après un succès électoral ne sont pas spontanés. On ne saurait s’en remettre à une simple « dynamique » dont la situation serait porteuse. Tout cela relève de tâches politiques et de redéploiements organisationnels. Il faut agir en dehors des institutions et pas seulement en leur sein.

De Lénine et du parti

Le centième anniversaire de la révolution d’Octobre 1917 nous offre l’occasion de revenir sur l’expérience révolutionnaire du XXe siècle et de revisiter ses leçons à la lumière des problèmes contemporains. Avec la figure tutélaire de Lénine, la « question du parti » s’impose, parmi d’autres, non moins importantes.

Cette contribution n’a pas pour ambition de résumer l’histoire du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) et du bolchevisme en la matière – ni d’ailleurs l’histoire de la conception du parti dans la théorie marxiste. Cependant, le « léninisme » s’avère un point de repère utile, car, après Marx-Engels, il fut la seule référence commune aux partis communistes et à la majorité des courants d’extrême gauche du siècle dernier (maoïstes, trotskistes…).

Le débat sur « la » conception que Lénine avait du parti s’est souvent noyé dans des interprétations simplistes de Que Faire ? (Lénine 1902. Draper 1999). Il exige pourtant la prise en compte d’un contexte historique en évolution rapide et de la trajectoire militante et intellectuelle de Lénine, jamais achevée (Vercammen 1989) à l’interprétation complexe (Le Blanc 1989, Löwy 1991) – et de la place assignée par Lénine au politique, au rapport entre stratégie et tactique (Bensaïd 1997).

Enfin, notre propre lecture du « léninisme » est marquée par le contexte du moment ou l’expérience acquise. Elle demande à être régulièrement revisitée (voir l’introduction de 2008 à Bensaïd & Naïr 1969).

Contentons-nous ici de reprendre quelques lignes de force.

Horizon stratégique, analyse concrète. Lénine est particulièrement intéressant en ce qui concerne la façon dont il lie (et non juxtapose) théorie et objectifs à long terme d’une part et, d’autre part, la mise en contexte, « l’analyse concrète de la situation concrète ». Or, on l’a vu, le contexte actuel n’est pas favorable à la construction des partis dont nous avons, dont nous aurons, besoin. Il nous faut néanmoins mener une réflexion stratégique de fond. Il est possible d’avancer sur ce terrain sur des questions clés comme celle du « sujet révolutionnaire » – et beaucoup a été fait en ce domaine. Néanmoins, il reste impossible dans bon nombre de pays de répondre aujourd’hui à d’autres questions, telles que « comment désarmer la bourgeoisie ? ». Nous devons donc construire dans la durée, malgré l’existence de « points stratégiques aveugles », tout en analysant l’expérience historique contemporaine pour alimenter notre pensée stratégique.

Un parti délimité et militant. Un parti devrait-il n’avoir plus de frontières ni d’exigences à l’heure d’Internet et du militantisme à la carte ? Devrait-il être « fluide » en adéquation à un capitalisme lui-même « fluide » ? Fluide, la domination de classe ? Fluide le matraquage idéologique quotidien ? Fluide l’Etat sécuritaire ? Fluide les diktats de la dette, de l’Union européenne, des interventions impérialistes ? En quoi la violence de la guerre de classe s’est-elle liquéfiée ? C’est notamment cette question qui détermine la nécessité d’un parti délimité, dont les membres sont actifs dans des structures militantes.

La révolution n’étant pas « un acte unique » (le fameux Grand Soir), un tel parti doit aussi être un « élément de continuité dans les fluctuations de la conscience collective ». Il permet de penser « la représentation du social dans la politique », il est « la forme spécifique sous laquelle la lutte des classes s’inscrit dans le champ politique » (Bensaïd 1997). Le fait qu’il soit constitué de militant.e.s lui permet d’être enraciné dans les couches populaires, en rapport et en lien organique avec les mouvements sociaux.

Un parti pour l’action politique dans toute la société. Un parti révolutionnaire ne confine pas son action à l’entreprise, au face-à-face direct entre un patron et ses salariés. Il « représente » la classe travailleuse, dans ses rapports non seulement à un groupe donné d’employeurs, mais aussi avec « toutes les classes de la société contemporaine et avec l’État en tant que force politique organisée » (Lénine 1902, p. 408). Les exemples donnés ci-dessus sur les partis « utiles » d’aujourd’hui illustrent l’actualité et l’importance de cette question dans un contexte qui pousse à la fragmentation des combats.

Un parti réactif. Un parti capable de percevoir l’émergence du neuf et de se réorganiser en conséquence, que ce soit en termes d’implantation sociale (exemple actuel : émergence du précariat dans des pays européens) ou de changement brutal de situation politique. Un parti capable aussi de répondre à l’imprévu – car imprévu, il y aura toujours. Sans être « fluide », ce type de parti est flexible…

Penser le neuf implique de ne pas rester prisonnier des débats d’hier et d’être capable d’un retour critique sur ses propres positions (Johsua 2015). Lire une conjoncture nouvelle à travers le prisme des polémiques antérieures est l’une des meilleures façons de rater une opportunité, une « bifurcation » possible. Cela peut coûter très cher.

Continuité et conservatisme. La construction d’un parti, comme de toute organisation populaire, est un processus d’accumulation de forces sociales, politiques, culturelles, organisationnelles… Un tel processus exige de la continuité et de la profondeur dans l’activité. Etre réactif ne signifie donc pas butiner et ne s’investir que de façon éphémère.

Toute organisation est aussi conservatrice. Elle tend à recruter à son image et à fonctionner selon des codes implicites reflétant sa composition initialement majoritaire, ce qui rend très difficile l’intégration effective de membres ne collant pas à cette « norme » dominante : les femmes dans des mouvements masculins, les salarié.e.s non diplômés (étant entendu qu’une bonne partie du salariat de faible revenu peut avoir été étudiant), les précaires, les migrants, etc. Le problème est particulièrement aigu au niveau des directions aux comportements souvent excluants, « familiaux » (une famille parfois déchirée…).

La politique de construction de l’organisation doit donc inclure une réflexion sur le poids de ces conservatismes et des mesures renforçant sa capacité d’accueil, de formation et d’intégration, en mettant l’accent sur le fonctionnement collectif (Duggan 1997). C’est bien plus qu’une question de quotas – et plus facile à dire qu’à faire, précisément parce qu’une bonne partie du problème relève de l’implicite, d’un état d’esprit, de codes informels.

Un parti capable de présenter une orientation d’ensemble (voir ci-dessus), des éléments de stratégie, puis une stratégie appropriée (en rapport avec les données de la période) quand le niveau des luttes le permet.

Là encore, cela implique une politique de développement de l’organisation qui lui permette de s’enraciner dans des secteurs sociaux d’où elle est absente. Il n’y a rien de spontané en ce domaine. Bien entendu, plus un groupe est numériquement faible et moins il peut se déployer…

Un parti capable de penser les médiations concrètes, les formes d’organisation transitoires en fonction du rapport entre le nécessaire et le possible, compte tenu des consciences et de l’héritage des luttes antérieures.

Dans bien des pays, les conditions réellement existantes ne permettent pas de construire « le parti révolutionnaire ». L’enjeu est alors de susciter ou de participer à la constitution de formations politiques disons hybrides, exprimant l’expérience contemporaine, permettant d’agir sur le présent, d’élever le niveau de conscience, d’accumuler des forces, de faire des pas en avant – tout en évitant qu’elles ne se sclérosent et ne donnent naissance à de nouveaux réformismes impotents.

Ces mouvements “hybrides“ peuvent s’avérer temporaires ; ils entreront en crise, mais non sans avoir permis une expérience nécessaire. Elles peuvent aussi donner naissance à des organisations plus durables, renouvelées, de la gauche radicale.

Par rapport aux conceptions du parti et du « léninisme » que nous avons porté, notons en particulier les trois évolutions ou clarifications suivantes.

Le « reste » ne suit pas. Nous avons pu contribuer à véhiculer une vision très simpliste de la révolution russe : le prolétariat prend le pouvoir, et le reste de la population laborieuse suit. C’est historiquement faux au regard de ce qui s’est passé dans la paysannerie et les nationalités en 1917. Soit dit en passant, l’un des échecs du bolchevisme est de n’avoir pas su s’implanter dans la paysannerie avant 1917 ni penser assez tôt les conditions d’une convergence durable ouvrière et paysanne – or, il s’agit ici d’une question de première importance (Rousset 2013a). Il en va de même concernant le rôle propre des mouvements de femmes pour maintenir et approfondir la dynamique révolutionnaire.

Pluralisme radical. Un bon exemple d’une telle réévaluation est la façon dont nous avons appliqué la notion de pluralisme au mouvement révolutionnaire lui-même et non plus aux seuls partis ouvriers (réformistes, centristes…), en rompant avec la formule traditionnelle dans nos rangs : « des partis ouvriers, un parti révolutionnaire »). L’expérience révolutionnaire est en effet trop complexe pour n’autoriser qu’une seule synthèse intégrale et ne s’incarner que dans un seul parti. Ce pluralisme révolutionnaire peut s’exprimer de diverses manières (pluralité de partis, coalition permanente, courants au sein d’un parti composite), mais il n’est pas passager – il est là pour durer.

Rien n’est jamais acquis. L’affirmation et l’intégration du féminisme ont été, pour nos partis, d’une importance toute particulière parce qu’elle concerne directement la moitié de l’humanité (et dialectiquement l’autre moitié) et parce qu’elle a un impact majeur en tous domaines – de la théorie et du programme jusqu’à la politique ou la vie quotidienne (avec une portée plus « intime » que d’autres questions qui ont, elles aussi, des implications sur les modes de vie : écologie, critique de l’ordre marchand, etc.).

Cependant, dans bon nombre de cas (il y a de belles exceptions), le féminisme passe aisément au second plan, voire est à nouveau vécu comme « diviseur » (une vieille rengaine !). Les qualificatifs d’anticapitalistes et d’antiracistes sont rarement oubliés. La référence écosocialiste a plus de mal à s’imposer – mais l’affirmation du profil féministe se fait fort occasionnelle. Par ailleurs, pour une aile de l’antiracisme politique, l’antisexisme ne mérite (au mieux) qu’une position subordonnée ; elle voit d’un mauvais œil celles et ceux qui articulent ces deux exigences.

Enfin, des comportements sexistes au sein d’organisations radicales – impliquant en particulier les directions – continuent à sévir et à provoquer de graves crises, comme celle du SWP britannique. Il faut donc prendre en compte la fragilité des « acquis » en ce type de domaines et prendre des mesures pour éviter leur étiolement.

Si des militantes d’organisations d’extrême gauche ont pu jouer un rôle d’impulsion dans le développement de la deuxième vague féministe, c’est notamment parce que leur expérience en leur sein les avait convaincues de la nécessité d’un mouvement autonome des femmes. Nous payons aujourd’hui son affaiblissement dans bien des pays.

Reconnaissance mutuelle d’autonomie. (Crémieux, 2003). La critique explicite des rapports hiérarchiques entre partis et mouvements sociaux a représenté une clarification particulièrement bienvenue. Nous avons pour « ligne de marche » l’auto-émancipation populaire et non pas le « commandantisme » vertical de l’avant-garde auto-proclamée, du parti de gouvernement ou de sa fraction parlementaire (voir le cas du Parti travailliste britannique).

Il y a eu dans le passé des moments clés où la création sociologique d’une classe ouvrière de première génération, la formation des syndicats et le développement d’un parti communiste ont été de pair (la Chine du sud au milieu des années vingt en offre un cas classique). Même alors, le processus d’auto-organisation dans le cadre d’une crise révolutionnaire et celui de la constitution d’un parti sont de nature différente. La classe ne se représente pas dans un parti révolutionnaire ; les femmes ne se représentent pas dans un parti féministe ; les populations « racisées » ne se représentent pas dans un parti « indigène » ; la nation ne se représente pas dans un parti national, fût-il communiste (voir Rousset 1982, pour le cas du Vietnam)… Quand les partis concernés prétendent le contraire, ils manipulent, manifestent leurs penchants substitutistes. Les partis ne sont pas des cadres d’auto-organisation (à la différence de véritables comités locaux, etc.).

Quant aux partis et mouvements sociaux, ils sont « côte à côte » et non pas « au-dessus, en dessous ». Le politique n’est pas étranger au mouvement social, son combat est politique en ce qu’il s’attaque à la domination capitaliste – c’est la base d’un dialogue possible et nécessaire entre partis radicaux et mouvements, la base de luttes et d’initiatives communes. La condition première de ce dialogue, c’est une reconnaissance mutuelle d’autonomie autant que d’objectifs communs.

Ces intérêts et objectifs communs ne cessent de s’élargir. Il ne s’agit pas seulement de défendre bec et ongles des droits sociaux et environnementaux. Nous vivons à l’heure de la crise écologique, du crépuscule de la démocratie politique et du judiciaire, de la mise en place d’une société sécuritaire et de régimes permanents d’exception. De l’exacerbation des oppressions. Dans une telle situation, il est temps de refonder un bloc de résistance et d’alternatives incluant partis de combat et mouvements populaires radicaux.

Pierre Rousset

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