Édition du 23 avril 2024

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Opinion

Condamnation d’El-Béchir par la CPI

Réponse à Mme Jeanne Boisclair

Commentaire sur le commentaire de Mme Jeanne Boisclair concernant mon article « Comment voir d’un point de vue « objectif » la condamnation récente d’El Béchir par la CPI ». Madame Boisclair nous décrit bien les dérives d’el-Béchir. Elle nous décrit tout aussi bien les affres du Zimbabwe. Mais, là n’est pas la question.

Il n’est nullement question de nier ou masquer la réalité du Soudan ou du Zimbabwe.

Le Soudan et le Zimbabwe ne sont pas dans un univers clos.

Il est facile et simpliste d’attribuer toute la responsabilité de ces malheurs à el-Béchir ou encore à Mugabe.

Comme on peut attribuer le piètre état économique de Cuba à Fidel Castro sans tenir compte du blocus économique, politique et commercial qui perdure depuis près de cinq décennies.

Si les conditions de vie sont si déplorables à Cuba, c’est surtout dû à cet ignoble blocus en place depuis bientôt cinquante ans, bien plus qu’à toutes les politiques de Fidel Castro.

Si 4000 personnes sont mortes du choléra au Zimbabwe, c’est bien plus dû à la non-assistance accordée à l’État du Zimbabwe qu’à la responsabilité de Mugabe.

Si les tueries ont cours au Soudan, c’est bien plus dû aux conditions favorables à un tel massacre mis en place par la mondialisation bien plus qu’à la politique d’el-Béchir.

Bien entendu, el-Béchir tout comme Mugabe n’est pas un ange. Ils ont des torts, ils ont des défauts, mais de là à dire qu’ils sont des monstres beaucoup plus inhumains que certains autres !

Il faut bien regarder le monde et voir que des gens bien équivalents jouissent d’une protection médiatique tandis que d’autres subissent les foudres des médias.

On parle de démocratie !

Avez-vous vu beaucoup d’articles remettant en cause la récente élection de Bouteflika ?

Dans notre presse officielle, aucun n’a attiré mon attention.

Non, Bouteflika a été "réélu" avec 90.24% des voix et tout est transparent et normal.

Imaginez 90.24% des voix, même en Amérique latine ou des masses énormes de population supportent les présidents, rarement on dépasse les 70%. Chávez ce leader charismatique qui a été sauvé de l’assassinat par sa population (avril 2002), obtient dans les 60%.

On ne parle pas de présidence à vie pour Bouteflika.

Personne n’a entendu parlé de ce 12 novembre 2008 où, avec une révision de la constitution, Bouteflika a pu obtenir la permission de se représenter en supprimant la limitation à deux du nombre de mandats successifs, et ce, sans aucun référendum.

Pourquoi donc Bouteflika n’a pas le même traitement médiatique que Chávez ?

Uribe de Colombie aussi se dirige vers un 3e mandat ! La constitution colombienne n’autorise pourtant qu’un seul mandat. Pourquoi donc certains dirigeants sont des monstres de dictature et d’autres, de vaillants démocrates ?

Parlons du traitement que l’on réservait à Pervez Mucharraf du temps où il était « utile » ! Il était à ce moment-là un dictateur « démocratique », il avait pris le pouvoir par un coup d’État, mais « il n’y avait pas eu d’effusion de sang ! ».

On ne parle pas de présidence à vie pour Blaise Compaore au pouvoir depuis 1987 (suite à un coup d’État sanglant celui-là, le Jeudi Noir) qui a participé activement à l’assassinat d’un des plus grands Africains : Thomas Sankara.

Comment donc va le Burkina Faso ?

Comment se portent les droits humains et la démocratie dans ce pays ?

Comment vit donc ce brave Blaise ?

Réjean Tremblay notre illuminé chroniqueur sportif peut nous en parler.

Le Rwanda ! Le génocide se continue, se répand en RDC, combien de morts, combien d’atrocité ?

Pourquoi ne parle-t-on pas de Kagame de Kabila ? Pourtant, le génocide se poursuit quotidiennement en RDC.

Pourquoi ne parle-t-on pas des conditions de la femme en Arabie saoudite ?

Un des pires pays pour les droits des femmes ?

Lorsque je parle de l’acharnement médiatique pour certains, je veux mettre en lumière que d’autres, tout aussi coupables, sont épargnés. On peut toujours dire que c’est un début, ça fait au moins ceux-là de condamné, mais ce serait faire le jeu de l’injustice.

Qui sommes-nous donc en Occident pour condamner les gens, les poursuivre et les mettre à prix comme au temps du Far West ?

Les Africains sont assez grands pour s’occuper de leurs affaires.

Notre justice est biaisée.

Il faut constater que tous ceux qui sont poursuivis, condamnés et qui subissent l’acharnement médiatique, sont des dirigeants qui sont contre la mondialisation, qui sont contre l’exploitation de leur richesse ou qui entretiennent des relations privilégiées avec les Chinois, ou les Russes.

Il ne s’agit pas de faire le procès d’el-Béchir ou de Mugabe, il s’agit plutôt de mettre en lumière cette justice à sens unique.

Tout comme la démocratie est dénaturée, la justice l’est aussi.

Que pensez de la non-reconnaissance du vote palestinien ?

Que pensez des Bravos US lors du renversement (pendant 48 heures en avril 2002) de Chávez ?

Les instances internationales interviennent uniquement contre ceux qui déplaisent aux prédateurs économiques mondiaux.

Mugabe a bien sûr des défauts. El-Béchir aussi. Mais ils ont tous les deux des appuis et sont supportés, pas uniquement par des gens sans cœur et inhumains, mais par des gens qui ont une vision africaine différente de celle des rois-nègres qui sont au service du néolibéralisme.

C’est surtout sur cet aspect qu’il faut alimenter notre réflexion.

Pour ce qui est des condamnations, la diplomatie peut s’en charger.

Nos braves compagnies minières, pétrolières et de tout type d’exploitation peuvent aussi plier bagage s’ils considèrent qu’ils sont dans un territoire où les droits humains sont bafoués. Je croirai à la justice lorsque les prédateurs économiques n’auront plus les pieds dans ces régions où l’on nous fait voir qu’elles sont soumises à des êtres dictatoriaux vils et inhumains.

Le Zimbabwe subit bien plus le blocus du monde entier que son président.

Tout comme Cuba a beaucoup plus souffert de l’embargo que de Castro.

Avant de juger el-Béchir ou Mugabe, il faut voir le Burkina Faso, il faut voir les palais des rois-nègres amis des prédateurs néolibéraux, il faut voir les femmes lapidées en Afghanistan (après huit ans sans Taliban au pouvoir), il faut voir les morts en Irak, il faut voir les conditions de vie du camp de concentration de Gaza, il faut voir les femmes d’Arabie saoudite, il faut voir Guantanamo, Abou Ghraib. Il faut lire Noir Canada, il faut étudier les minières et les droits humains, les pétrolières et le saccage criminel de l’environnement.

Ensuite, on condamnera el-Béchir et Mugabe, ont pourra mettre leurs êtes rébarbatives à prix.

Avant de faire du ménage dans les pays africains ou du Moyen-Orient, on devrait commencer par faire du ménage chez-nous, ensuite on donnera des leçons du haut de notre perfection.

Pour l’allusion à la superbe résidence de Mugabe en Chine, il serait intéressant d’avoir de la part de nos vaillants journalistes des images des lieux. Il serait intéressant d’avoir des entrevues de domestiques, il serait intéressant de savoir quand Mugabe a mis les pieds en Chine et s’il va se prélasser dans son château régulièrement.

Des images de noirs africains près de ces lieux de contes de fées seraient éloquentes.

Il y a sûrement quelques noirs africains dans une somptueuse résidence chinoise, Mugabe n’est pas du genre à oublier les gens de sa race, de sa couleur. Il a tellement lutté contre la domination des blancs.

De dire « Président Mugabe et son épouse viennent de s’acheter une résidence dans la banlieue de Hong Kong d’une valeur de 4,5 millions d’euros et ce n’est pas le salaire équivalent à 15,000 euros par mois du Président Mugabe qui lui a permis de financer cet achat….. »

Sans aucune preuve autre d’une rumeur véhiculée à travers tous les médias et provenant d’une seule source (le Sunday Time de Londres, capitale du pays en guerre contre ce récalcitrant incorruptible) sans vérification, c’est peu journalistique et plutôt diffamatoire. Quelle surprise que notre correspondant Radio canadien, Michel Cormier en Chine, n’est pas été dépêché de toute urgence devant la somptueuse résidence chinoise de Mugabe. Un "stand-up" devant le porche montrant le drapeau ou les armoiries zimbabwéennes aurait été un "hit" médiatique !

Peut-on localiser sur Google Earth la résidence ? Qui donc a vérifié ?

Personne, voilà le journalisme que l’on a ! Il s’agit de propagande et de dénigrement médiatique systématique.

Il faut faire nous-mêmes les recherches. Il faut trouver cette résidence et il faut trouver du personnel de Mugabe à interroger en Chine.

http://www.myth-hunter.com/les-legendes/photo-et-media/710-residence-de-mugabe

Notre journalisme fonctionne sur la rumeur et la vision biaisée de la réalité.

C’est piteux.

J’ai tardé (involontairement parce que je n’ai remarqué le commentaire de Mme Boisclair que cette semaine)à répliquer à ce commentaire, mais ceci permet de mettre en lumière le journalisme éphémère que nous avons. Jamais aucun suivi. Le suivi c’est la réalité. Les gens meurent de soif quotidiennement, mais on a l’impression qu’ils meurent que pendant que les médias en parlent. On nous en parle pour nous émouvoir et pour aller chercher notre bénédiction pour soutenir telle ou telle décision et non pas pour dénoncer cette injustice quotidienne. Si le journalisme dénonçait, il y aurait du suivi, mais le journalisme sert à manipuler l’opinion. La maison de Mugabe en Chine est un bel exemple.

Que s’est-il passé avec el-Béchir depuis sa condamnation fracassante ?

Qui donc a rencontré el-Béchir ? Où donc est allé el-Béchir ?

Savez-vous qu’il a reçu l’appui des pays d’Amérique latine au Qatar la semaine passée lors d’une rencontre des pays arabes et d’Amérique latine ? (Eh ! Oui ! Une réunion de bêtes noires !)

Non, nos journaux ne s’occupent qu’à peaufiner le méchant, ils s’occupent à le déshumaniser et à lui attribuer toute la responsabilité du désordre soudanais.

Quel simplisme médiatique ! Quelle propagande efficace !

Donc, « le point de vue "objectif" » ne se trouve vraiment pas dans nos médias.

Notre opinion est constamment manipulée, tordue.

Il faut en être conscient et lorsqu’on nous oblige à condamner sans retenue, sans appel possible qui que ce soit, il faut vraiment étudier le pourquoi des condamnations radicales.

Même les bons peuvent être méchants.

Serge Charbonneau

Québec

Mots-clés : Opinion
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