Tiré d’Association France Palestine Solidarité. Photo : Capture d’écran du documentaire de Louis Theroux « The Settlers », BBC, 2025
Donnez à quelqu’un suffisamment de corde et il se pendra. Les colons israéliens, quant à eux, n’ont guère besoin d’être incités, comme le montre avec brio Louis Theroux (le roi de l’incitation) dans son dernier film, The Settlers (Les colons).
Le résultat est une heure d’arrogance, de racisme et de haine anti-palestinienne sans fard, exprimée par des personnages tels que Daniella Weiss, la « marraine » du mouvement des colons israéliens.
Passant d’un endroit à l’autre des plus de 140 colonies israéliennes de Cisjordanie, toutes illégales au regard du droit international, Theroux s’entretient avec toute une série de colons : jeunes et vieux, hommes et femmes, Russes et Américains - tous unis par un zèle religieux et une énergie digne du Far Ouest.
Plus que toute autre chose, le documentaire de Theroux montre le mépris total des colons pour la vie et la souffrance des Palestiniens, grâce à l’occupation militaire israélienne qui les soutient et leur permet d’agir en toute impunité.
À un moment donné, surplombant les ruines fumantes du nord de Gaza, Theroux se trouve au milieu d’un rassemblement d’activistes israéliens qui planifient l’implantation de colonies dans la bande de Gaza. Avant de danser et de chanter, le groupe discute nonchalamment de la manière dont « tout Gaza et le Liban devraient être nettoyés » des « sauvages » et des « chameliers ».
De retour au cœur de la Cisjordanie, Ari Abramowitz, un colon israélo-texan qui a illégalement fondé un centre touristique sur des terres palestiniennes, explique à Theroux qu’il n’existe pas de « Palestiniens ».
« Ce sont des Arabes, pas des Palestiniens... Et je me fiche de savoir si ces colonies sont légales. Ici, en Judée, certaines choses transcendent les caprices de la législation [israélienne] ».
Un « État » dans le déni
Pendant ce temps, un autre fondateur de colonie, Malkiel Bar Hai (qui porte un chapeau de cow-boy, une demi-douzaine de chevaux et huit enfants) explique que l’ancien nom de la Cisjordanie est « Judée », ce qui signifie « appartient aux Juifs... L’histoire dit qu’elle appartient à Israël » - ce que Theroux décrit immédiatement comme une lecture sélective de l’histoire qui ignore les Palestiniens qui ont vécu sur ces terres pendant des générations.
Dans ce qui est probablement le moment le plus fort du documentaire, Theroux demande à Daniella Weiss si elle est préoccupée ou « consciente que [les Palestiniens] souffrent vraiment » de la violence des colons et de son désir non dissimulé de déplacer les Palestiniens vers « l’Afrique, le Canada, la Turquie, etc ». Weiss rétorque dédaigneusement qu’elle ne se préoccupe que de son peuple et de sa famille, pas des autres, ce que Theroux qualifie de « sociopathe ».
Weiss est considérée comme une folle religieuse par certains en Israël, mais la réalité est qu’elle fait partie des 700 000 Israéliens qui vivent dans des colonies illégales en Cisjordanie.
Bien qu’il se manifeste à différents niveaux d’extrémisme et de ferveur religieuse, le mouvement des colons israéliens est un élément normalisé et inhérent à la société israélienne, ce qui explique pourquoi le pays n’a jamais connu de protestations généralisées contre un accaparement des terres aussi éhonté et évident en Cisjordanie.
Pourquoi ? Parce que pour qu’Israël atteigne un tel niveau d’indignation et de condamnation publiques, la nation devrait faire face à une horreur et à une réalité encore plus grandes : l’État moderne d’Israël a été fondé et construit sur la destruction et la dépossession continues du peuple palestinien, du fleuve à la mer, et pas seulement de la Cisjordanie. Un projet d’ethno-nationalisme irrédentiste fondé sur l’alya, le nettoyage ethnique et le génocide.
Le rêve des colons construit sur la mort
Les documentaires de Louis Theroux suivent généralement les groupes marginaux d’un pays. The Settlers rompt totalement avec cette tendance. Weiss l’admet elle-même.
Dans un autre moment extraordinaire, elle raconte avec jubilation à Theroux comment : « Nous [les colons] faisons pour les gouvernements ce qu’ils ne peuvent pas faire pour eux-mêmes... Netanyahou est très heureux de nos projets... mais il ne peut pas le dire. [Nous] aidons le gouvernement ».
Theroux est connu pour son approche « à la volée », mais ses documentaires se terminent toujours par sa propre voix éditoriale et son propre point de vue : « Le rêve des colons ne montre aucun signe d’apaisement, de même que les déplacements, les dislocations et la mort qui en découlent inévitablement. Avancé par des idéologues, soutenu par ceux qui ont le pouvoir, il n’a de comptes à rendre qu’à Dieu. »
Cette collusion entre l’État israélien et les colons de Cisjordanie est mise en évidence lors de la visite de Theroux à Hébron.
Alors qu’il visite la structure d’apartheid de la ville sous l’occupation israélienne et qu’il manque de se faire arrêter par un soldat caricatural du poste de contrôle de l’armée israélienne, le guide palestinien de Theroux résume l’état des choses sans affectation : « [Les Israéliens] ne nous considèrent pas comme des êtres humains égaux qui méritent les mêmes droits qu’eux, c’est aussi simple que cela ».
Une fois déshumanisé, tout est possible.
Traduction : AFPS
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Un message, un commentaire ?