Édition du 23 avril 2024

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Premières Nations

Violences sur les femmes autochtones, sujet tabou au Canada

Les enlèvements ou les disparitions, la prostitution et parfois même les meurtres inexpliqués sont le lot fréquent des femmes autochtones au Canada où ce sujet de société reste tabou même si l’ONU vient de dénoncer un "phénomène inquiétant".

Les femmes autochtones sont plus souvent victimes de disparitions ou d’assassinats que les autres femmes en raison, selon les experts, d’une importante vulnérabilité, d’une discrimination plus grande de cette population et du désintérêt marqué par la société et les autorités à leur encontre. 

Si elles ne représentent que 4% de la population féminine canadienne, les femmes autochtones comptent pour 16% des victimes d’homicides commis contre des femmes sur les 30 dernières années et 11% des disparues, vient de révéler la Gendarmerie Royale du Canada (GRC).

Ce recensement de la police a été amorcé fin 2013, juste après la mission du rapporteur des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, James Anaya. "Le gouvernement devrait engager une vaste enquête nationale" sur les disparitions et les meurtres dont sont victimes ces femmes autochtones, a écrit mi-mai M. Anaya.

L’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) continue de militer pour une enquête nationale publique où "les gouvernements auraient la responsabilité" de suivre les conclusions, a déclaré à l’AFP sa présidente, Michèle Audette.

Pour l’instant, le gouvernement fédéral n’a pas donné suite à cette revendication de l’AFAC ou à la recommandation de l’ONU. L’Etat canadien a cependant pris des "mesures concrètes (base de données ADN, législation sur les droits des femmes..., ndlr) pour faire face à la question tragique des disparitions et assassinats des femmes autochtones", souligne Andrew McGrath, porte-parole du ministère de la Condition féminine.

Les racines de cette situation remontent à l’époque de la colonisation, note Mylène Jaccoud, professeure en criminologie à l’Université de Montréal, en parlant de "facteurs historiques systémiques de discrimination".

Un avis partagé par l’anthropologue Marie France Labrecque, pour qui les préjugés persistants subis par les femmes autochtones sont directement issus de l’époque coloniale. "Des historiens montrent que certains Européens ont traité les femmes autochtones comme des prostituées".

Une certaine impunité

Mme Labrecque cite des témoignages de familles venant signaler à la police la disparition d’une proche où il leur est répondu : "Votre fille est partie avec son ami, elle a fait une escapade, mais elle va revenir".

Cette "négligence" favorise une certaine impunité, selon elle. En considérant "la police comme une extension de l’appareil d’Etat (...) on peut dire en dernière analyse que l’Etat est responsable de cette impunité".

Près de 1,200 cas de femmes tuées ou disparues ont été recensés par la police depuis 1980. Globalement, tous les chiffres sur les violences faites aux femmes autochtones sont souvent en deçà de la réalité car ces femmes sont peu enclines à porter plainte, estime Marie-Hélène Poulin, professeure en psychoéducation à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).

Davantage d’efforts doivent être déployés par les autorités pour redonner aux populations autochtones "leur juste place" dans la société, et faire évoluer l’opinion publique. La perception "qu’une personne autochtone a moins de valeur" qu’une autre entretient chez les agresseurs le sentiment d’une relative impunité des crimes contre ces peuples, poursuit Mme Poulin.

Les violences contre ces femmes sont vécues "de toutes parts", aussi bien au sein de leur communauté qu’en dehors, relève Mylène Jaccoud, qui tempère la responsabilité des autorités face au drame de ces populations.

Il ne faut pas toujours voir dans l’attitude des autorités "de la mauvaise volonté ou du racisme", analyse-t-elle, en notant qu’il y a parfois un certain "découragement de la part des milieux policiers" face à l’ampleur des drames dans la communauté autochtone.

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