Édition du 23 avril 2024

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Opinion

Vous avez dit : « Justice internationale ! »

Faut-il laisser le monde impérialiste aller tel qu’il va, plutôt que de risquer des pertes de vie au cours du processus de transformation ? Dans la vie, c’est plutôt le contraire qui arrive : malgré les pertes humaines, le monde semble être resté inchangé, à voir les profondes inégalités qu’engendre ce système mondial entre les nations (supposées libérées du colonialisme), et même à l’intérieur de ces nations, y compris dans nos propres pays.

(sur le reportage de Radio-Canada sur les procès pour crimes de guerre au Cambodge)

On a l’impression d’assister à des procès de Nuremberg à répétition : on croirait que les inégalités reculent et se résolvent au sein de la communauté internationale, puisqu’on y fait "justice", alors qu’elles augmentent à un rythme effarant. La Chine vient d’identifier le problème chez elle et elle semble résolue à le régler : l’impact des décisions du dernier congrès se fera plus sentir dans le monde que tous les scénarios de catastrophe imaginés pour lui manifester de l’hostilité, chez ceux-là même qui se refusent à voir ce genre de problèmes chez eux. Si on ne se contente pas de procès d’intention envers les communistes et qu’on aborde les questions de géopolitique, la Chine n’a sans doute pas fini de surprendre.

La répétition de ces procès de Nuremberg est-elle vraiment, à ce qu’on laisse entendre, la conséquence des leçons tirées de la montée du fascisme incontrôlée au sein des démocraties traditionnelles des années 30 - une espèce de mesure préventive contre le retour de la Bête Immonde ? Alors, pourquoi s’inquiéter de la volonté d’indépendance de nations comme le Cambodge dans ces procès - pays soi-disant délivré du colonialisme puisque la communauté internationale, truffée d’inégalités qui tuent de mort lente elles aussi, veille ?

C’est sûr que devant un Pol Pot, même en tant que communiste, on ne peut être que profondément troublé. Comment ne pas devenir nous-mêmes un de ces Pol Pot, au nom d’un marxisme intégral, totalement pur de toutes scories ? Est-ce que cette théorie est à l’abri de toute contestation ou est-ce qu’elle n’est pas perfectible, grâce à une volonté de l’appliquer de façon nouvelle et créatrice pour le Québec tout en conservant son côté subversif ? Peut-elle garder ce caractère révolutionnaire si elle se pervertit de la sorte une fois au pouvoir dans les consciences ou au gouvernement ?

Et au Québec...

Je n’ai pas de réponse toute faite. La communauté des marxistes dans le monde cherche avec nous. Nous pouvons dire cependant, qu’ici au Québec, les communistes se soumettent au regard critique et au jugement politique sur leurs gestes dans les alliances qu’ils et elles ont élaborées, par exemple, dans Québec solidaire. Et ils et elles s’en tiennent au respect des conditions dans lesquelles elles ont été établies.

D’un autre côté, on ne peut accuser les communistes québécoisES de crimes qu’ils et elles n’ont pas encore commis, même pour "prévenir". Ce serait nous accuser par association et nous nier le droit à la présomption d’innocence. Nous avons montré que nous sommes capables de nous éloigner de certainEs des nôtres qui manifestent plus d’intérêts pour la « dictature » que pour les ouvrierEs eux et elles-mêmes.

Les suites du 11 septembre 2001

Mais qu’arrive-t-il concrètement depuis ce 11 septembre fatidique ? Bien des choses passent à la trappe de la « lutte antiterroriste ». Pourquoi, par exemple, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie ne sont-elles plus reconnues comme une partie du peuple colombien en insurrection contre une tyrannie financée et appuyée à grand prix par le narcotrafic paramilitaire corrompu, avec la complicité des É-U ? C’est odieux ! Radio-Canada pourrait en témoigner puisque ses journalistes ont visité les secteurs libérés du pays. Est-ce qu’on peut dire, comme l’insinuent certainEs, qu’elles préparent un gouvernement totalitaire ? Comme si la tyrannie était parfaitement prévisible dans la référence au marxisme ! Ou comme si celle que les FARC combattent devait être tolérée, avec tout son histoire criminelle, parce que les É-U de Bush le signifient du haut de leur hégémonie sur le monde ?

L’intrusion politique des É-U au Myanmar tient de la farce à côté de ce que coûte en vies humaines leur agression illégale de l’Irak. Ils s’acharnent sérieusement sur Cuba ainsi et triomphent déjà au son de tambours de guerre qu’ils font entendre ailleurs. Ces guerres de propagande ou bien réelles sont le prolongement des dénonciations par Reagan des « majorités automatiques » à l’ONU, composées d’une grande part de l’humanité pauvre, un genre de solidarité Sud-Sud que ne peuvent tolérer les locataires successifs de la Maison Blanche.

Désarmer touTEs les damnéEs de la terre ne conduira qu’à la « paix des cimetières » pour les peuples qui sont déjà engagés, un peu partout dans le monde, dans des guerres populaires (qu’il faut à tout prix démarquer du terrorisme) contre leurs oligarchies criminelles respectives. Et il est loin d’être encore sûr que les traités de paix dans ces guerres civiles seraient moins meurtriers que la luttes armée des oppriméEs. Le Salvador et le Guatemala ont créé parmi leurs peuples de profondes déceptions qui, selon Simon Bolivar, « font plus que la force » pour mobiliser encore, et après tant d’années de luttes complexes et difficiles, les peuples travailleurs de ces nations pour leurs libertés.

Les luttes inter-impérialistes du XXième siècle, par contre, ont fait des millions et des millions de morts. Elles étaient menées au début pour des accès aux ressources, aux marchés et à la main-d’œuvre à vil prix des colonies. Elles ont engendré des déplacements, des abus de pouvoirs, des crimes de masse, des mortEs, des handicapéEs, … à la tonne.

Le monde ne reviendra pas en arrière. Jamais les peuples du Tiers-Monde ne renonceront volontairement à leur indépendance. Et les guerres préventives de Bush contre l’Irak, Cuba, l’Iran ou l’Afghanistan ne viendront pas à bout de cette résistance contre la montée (ou le déclin, c’est selon) de l’agressivité de cette puissance arrogante et belliqueuse que sont devenues les É-U et leur gouvernement depuis le 11 septembre. Le désenchantement pourrait être brutal.

Le Canada est en guerre ! Et il y a de nouvelles effusions de sang pour nos soldats. Les armes parlent comme jamais. Est-ce que notre pays, comme d’autres, annonce en trottinant maladroitement derrière Bush les futures boucheries du XXIième siècle ? Ou est-ce que la leçon portera pour l’ONU et la communauté des nations du monde ?

Mots-clés : Opinion
Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

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