Ce qui fait que, autant les parlementaires (toutes orientations confondues) que les médias (sans parler des gérants d’estrade qui étalent leur médiocrité intellectuelle sur les réseaux sociaux) exigent que Haroun Bouazzi présente des excuses pour des propos soi-disant inacceptables, voire insultant, qu’il aurait tenus au sujet d’une atmosphère pour le moins « toxique » à l’Assemblée Nationale (et aussi, ajouterions-nous — à moins qu’il ne l’ait fait — dans l’espace public) qui a pour conséquence la stigmatisation de l’« Autre », entendre tous les citoyens qui n’ont pas la chance d’être des Québécois de « souche » et qui, selon les dires du gouvernement lui-même, exerceraient une pression indue sur les services sociaux, seraient responsables de la crise du logement et représenteraient une « menace » pour la survie du français au Québec.
Que faut-il de plus pour s’inquiéter de cette montée, déjà entamée depuis la fin des années 2000, du nationalisme identitaire chez nos élites, et du fait que les deux partis qui, vraisemblablement, vont se disputer la prise du pouvoir aux prochaines élections (CAQ/PQ) assument sans broncher cette vision du Québec qui érige une frontière (de façon tout à fait aléatoire) entre « Eux », les nouveaux arrivants, et « Nous », les Québécois d’origine canadienne-française ? Encore là, fidèle à notre réputation de gens « affables », ouverts aux compromis, allergiques aux « extrêmes », il faudrait dire les choses sans vraiment les dirent, dénoncer le génocide à Gaza sans mentionner que la CAQ a longtemps « refusé » d’exiger un cessez-le-feu (et qu’elle s’y est contraint sur le bout des lèvres), qu’elle accuse Québec Solidaire (QS) d’être « complice » du Hamas, que, malgré la tuerie de masse en cours en Palestine orchestrée par le gouvernement Nétanyahou, lui-même noyauté et manipulé par l’extrême-droite religieuse, il faille quand même s’assurer que, au-delà des « chicanes » politiques entre Musulmans et Juifs, ces conflits ne viennent pas entamer « la bonne marche des affaires » au Moyen orient !
C’est exactement la teneur du discours qu’a servi Martine Biron à l’Assemblée Nationale pour justifier cette décision (qui relève d’un manque flagrant de professionnalisme en matière de relations internationales et de diplomatie, étant donné les circonstances) d’installer et de maintenir une ambassade du Québec à Tel-Aviv en plein processus « sioniste » de nettoyage ethnique dans le but avoué d’instaurer le « Grand Israël » au Proche Orient, quitte à grignoter des parties de territoire souverain en Égypte, en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Irak, en Arabie Saoudite, etc. Les « affaires » vont-t-elles pouvoir prospérer si la région s’enflamme comme elle a déjà commencé à le faire ?
N’en déplaise au Caucus de QS, aux éditorialistes du Devoir qui tentent constamment de souffle sur le chaud et le froid en même temps ou aux député(e)s à Québec qui s’évertuent à jouer les vierges offensées, l’intervention de Haroun Bouazzi se situe dans la droite ligne de la raison d’être même de la présence de QS à l’Assemblée Nationale. Le parti a vu le jour dans le contexte d’une résurgence du capitalisme sauvage en Occident, d’une sacralisation du néolibéralisme comme seule philosophie socio-économique acceptable, d’une dévalorisation grandissante de la délibération parlementaire au profit d’une concentration du pouvoir entre les mains de diverses instances décisionnelles (Exécutif, Conseil des Ministres, prérogative et veto présidentiels), du retour des mouvances d’extrême-droite dont les discours font la fortune des plate-formes numériques et de certains médias mainstream qui y voient une opportunité pour augmenter leur tirage et d’une soi-disant « crise » identitaire de la civilisation occidentale en train de perdre ses repères habituels qui l’avaient hisser au rang de modèle de démocratie à imiter.
Faut-il le rappeler, QS est un parti de « gauche », féministe, altermondialiste, écologiste, indépendantiste, qui défend un nationalisme « civique », donc inclusif, ce qui signifie qu’il s’engage à dénoncer toutes les formes de xénophobie, de racisme, de discrimination basée sur des considérations d’ordre ethnique, culturel, religieux (dont on peut observer les linéaments même dans l’enceinte « sacro-sainte » d’un parlement !) D’où son opposition à la Loi 21 (qui recèle, au regard du droit international, un aspect éminemment « discriminatoire »), son parti-pris pour la cause palestinienne — non pas parce que les Palestiniens sont des arabo-musulmans mais parce que leur État-en-devenir est occupé par un autre État, occupation déclarée « illégale » à plusieurs reprises par l’ONU, au grand fou rire d’Israël (si c’était les Juifs de Palestine qui étaient opprimés par les Arabes, QS prendrait position pour les Israélites, tout comme si c’était un autre gouvernement, disons français ou russe, que celui qui, actuellement, ne reconnaît pas le droit des « non-Juifs » à exister sur le même territoire, le jugement porté sur ce comportement anti-démocratique, colonialiste, anti-humaniste serait le même), sa dénonciation du peu d’intérêt du gouvernement de la CAQ pour la cause environnementale, soumise de plus en plus aux considérations « économiques » (au sens « néo-libéral » et « néo-capitaliste » du terme), alors qu’il règne sur la planète un « climat » de fin du monde digne de l’Apocalypse de Saint-Jean !
Donc, avis aux indécis et aux sceptiques : on est à « gauche » ou on l’est pas…
Mario Charland
Shawinigan
Diplômé en philosophie
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