Édition du 23 avril 2024

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Après la condamnation d’un opposant, au moins neuf morts au Sénégal

La condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » a déclenché de violents affrontements avec la police antiémeutes. L’accès aux réseaux sociaux a été limité par les autorités.

Tiré de Médiapart.

Le verdict était très attendu. Il a déclenché une vague de colère au Sénégal, notamment dans la capitale Dakar et à Ziguinchor, en Casamance (sud). Jeudi 1er juin, une chambre criminelle a condamné Ousmane Sonko, 48 ans, arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019 et adversaire le plus farouche du président Macky Sall, à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». Cette peine, prononcée en l’absence du prévenu qui n’a pas assisté à son procès, le rend inéligible pour la prochaine élection présidentielle prévue l’an prochain.

Le tribunal n’a en revanche pas retenu les accusations de viol et de menaces qui pesaient contre Ousmane Sonko, et qui émanaient d’une ancienne employée de 20 ans d’un salon de beauté où il allait se faire masser, cible de nombreuses insultes depuis sa plainte en février 2021.

« La corruption de la jeunesse » est une infraction prévue dans le Code pénal, à l’article 324, et qui concerne « quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, en favorisant ou facilitant la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou l’autre sexe, au-dessous de l’âge de 21 ans », rappelle RFI.

L’adversaire de Macky Sall, très populaire chez les jeunes, a toujours dénoncé un « complot ». « L’objectif était de salir un homme. Cet objectif n’a pas réussi. L’autre objectif était de le rendre inéligible. Cet objectif a eu l’effet escompté », a réagi son avocat Bamba Cissé à la sortie du tribunal.

Le 8 mai, Ousmane Sonko, ancien inspecteur des impôts, radié de la fonction publique pour avoir accusé des personnalités d’avoir bénéficié d’avantages fiscaux illégaux, a déjà été condamné en appel à six mois de prison avec sursis, pour diffamation et injures contre le ministre du tourisme, une peine qui l’empêcherait d’être inscrit sur les listes électorales si elle devenait définitive – il s’est pourvu depuis en cassation.

Alors que la tension était déjà vive ces derniers jours au Sénégal, la condamnation de Sonko a conduit à de violents affrontements entre ses partisans et la police antiémeute. Ils ont fait au moins neuf morts.

« Nous avons constaté avec regret des violences ayant entraîné des destructions sur des biens publics et privés et, malheureusement, neuf décès à Dakar et à Ziguinchor », a reconnu le ministre de l’intérieur Antoine Diome à la télévision nationale, qui a aussi admis la restriction par les autorités de l’accès aux réseaux sociaux.

« Ayant constaté sur les réseaux sociaux la diffusion de messages haineux et subversifs, l’État du Sénégal en toute souveraineté a décidé de suspendre temporairement l’usage de certaines applications digitales », a-t-il dit. Il a appelé au calme et assuré que l’État prenait « toutes les mesures » de sécurité nécessaires.

Le service de surveillance d’Internet Netblocks a dit dans un message à l’AFP noter une « situation (qui) ressemble à celle observée en 2021 ». Le Sénégal avait alors été en proie à des émeutes meurtrières, qu’une interpellation de M. Sonko avait déjà contribué à déclencher.

Deux ans de tensions

Cette affaire pourrit depuis deux ans le climat politique et social du pays. En mars 2021, l’interpellation de l’opposant, alors qu’il se rendait au tribunal pour être entendu pour la première fois, avait déclenché plusieurs jours de manifestations et d’émeutes d’une ampleur inédite et brutalement réprimées. Au moins quatorze personnes ont été tuées, dont douze par des tirs des forces de sécurité, des faits qui n’ont jusqu’à présent pas intéressé la justice.

Depuis, chaque convocation judiciaire d’Ousmane Sonko, fondateur parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), mobilise ses partisans et provoque des incidents impliquant les forces de sécurité.

En dehors du sort de Sonko, un facteur des tensions actuelles est l’incertitude entretenue par Macky Sall sur sa candidature ou non à un troisième mandat. Une telle candidature fait face à une forte contestation et au reproche de violer la Constitution. Celle-ci limite à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs.

Entretenant l’ambiguïté puisqu’il refuse jusqu’à présent de clarifier ses intentions, Macky Sall prétend que la loi l’autoriserait à concourir à nouveau s’il voulait s’engager dans ce sens. Une réforme constitutionnelle opérée en 2016 aurait remis le compteur des mandats à zéro, d’après lui.

La colère qui s’exprime est aussi liée au fait que de nombreux sympathisants, membres et responsables du Pastef ainsi que des journalistes ont été arrêtés et placés en détention pour divers motifs au cours des derniers mois. L’opposition et des organisations de la société civile les considèrent comme des prisonniers politiques, estimant qu’ils seraient plus de trois cents dans cette situation. « Il n’existe pas de détenus politiques au Sénégal », a affirmé pour sa part Macky Sall, le 22 avril.

La rédaction de Mediapart, avec AFP

AFP

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