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Le PS a publiquement attaqué la manifestation. Le PCF n’y appelle pas officiellement et son secrétaire général a annoncé qu’il n’y serait pas présent, de même que Yannick Jadot et ce malgré la présence de nombreux responsables communistes et d’EELV. On a même pu entendre François Ruffin expliquer qu’il ne se rendrait pas à la manifestation parce qu’il jouait au foot le dimanche et s’excusant d’avoir signé l’appel, ayant lu le texte trop rapidement parce qu’il mangeait des gaufres en Belgique avec ses enfants…(1)
Comment expliquer cette division et plus largement le refus d’une partie de la gauche politique, sociale ou associative de prendre en charge la question de l’islamophobie ? Un premier débat porte sur le terme lui-même qui est refusé par certains à gauche au nom qu’il serait un obstacle à la nécessaire critique des religions. On peut discuter à perte de vue sur le mot, mais cette discussion ne doit pas faire obstacle à la chose elle-même : le racisme qui touche les musulmanes et les musulmans en tant que tels, parce qu’ils sont ou supposés être de religion musulmane. On a là un racisme qui est très similaire au racisme anti-juif : des individus sont assignés à une identité parée de stigmates négatifs. Le terme antisémitisme, qui renvoie les juifs à une pseudo origine sémitique, est au moins, sinon plus, aussi insatisfaisant que le terme islamophobie. Il s’est pourtant imposé pour désigner le racisme anti-juif.
Mais derrière le débat sur le mot, il y a une question qui taraude la gauche et plus largement la société française, c’est celle de la laïcité. Non seulement, la droite, longtemps rétive, et l’extrême droite qui en vomissait l’idée semblent en être devenues les défenseurs intransigeants, mais la gauche qui en avait fait un étendard s’avère incapable d’en définir un contenu qui fasse consensus en son sein. Cette situation s’explique par deux séries de facteurs. Le premier renvoie à des débats tranchés non sans mal avec la loi de 1905 mais qui reviennent aujourd’hui en force à propos, second facteur, de la place de l’islam en France.
Petit retour sur l’histoire
En 1905, le débat principal porte sur la définition même de la laïcité. Si les positions défendues par les uns et les autres ont pu évoluer lors des débats, on peut néanmoins distinguer deux grands blocs qui, sans être homogènes, sont porteurs d’une vision très différente de la laïcité.
On trouve d’un côté un bloc formé par les partisans d’une laïcité antireligieuse et par ceux d’un contrôle étroit sur l’Église. Pour les premiers, laïcité et athéisme se confondent et, face aux religions, l’État ne saurait être neutre. Son rôle est de les combattre au nom de l’émancipation humaine. Reprenant le mot d’ordre de Voltaire « écrasons l’infâme », ils érigent la laïcité en moyen de lutte contre les religions. Les seconds, dont le représentant le plus connu est à l’époque Émile Combes, se situent dans la tradition gallicane qui a dominé les rapports de l’Église et de l’État en France. Le gallicanisme, dont au XVIIe siècle l’évêque Bossuet a été un des théoriciens, combine deux éléments : d’une part, l’État a le droit d’intervenir dans les affaires religieuses, d’autre part, il doit promouvoir le développement d’une Église nationale autonome par rapport à la papauté. Ainsi, sous des formes diverses, c’est le gouvernement qui nommait en fait les évêques jusqu’à la loi de séparation de 1905. Après la Révolution française, le gallicanisme s’est incarné dans le régime du Concordat mis en place en 1801 par Bonaparte, régime dont Combes demande la prorogation.
Ces postions sont battues en 1905 par un bloc animé par Aristide Briand, Ferdinand Buisson et Jean Jaurès. Ce qui s’impose, c’est l’idée d’une laïcité séparatiste. La loi de 1905, dans laquelle d’ailleurs le mot « laïcité » ne figure pas, correspond à une double rupture : rupture d’une part avec la volonté des Églises d’exercer un magistère sur le politique ; rupture d’autre part avec la tradition gallicane et concordataire, l’État n’ayant plus son mot à dire ni sur l’organisation interne du culte, ni sur les questions relatives au dogme.
La loi de 1905 promeut donc une double indépendance, celle du politique par rapport au religieux, mais aussi des Églises par rapport à l’État. L’État laïque, qui se distingue d’un État athée, traite toutes les convictions de façon égale, il n’en privilégie aucune. Les convictions philosophiques comme la foi religieuse relèvent du choix individuel. L’État laïque respecte donc la liberté de conscience (art. 1 de la loi de 1905). Il faut, dans ce cadre, insister sur un point. Dans un État laïque, ce sont les institutions publiques qui sont laïques, pas les individus.
La laïcité admet l’existence des religions, mais en les cantonnant strictement à leur objet, le religieux. La loi de 1905 traite donc, en théorie, toutes les religions de façon égalitaire. La religion catholique perd ainsi son statut particulier de « religion de la grande majorité des Français » que le Concordat lui avait attribué.
Un équilibre instable
La séparation est un équilibre instable. Le débat en 1905 se focalise sur la question de l’organisation des cultes et sur la rédaction de l’article 4 de la loi qui crée les associations cultuelles devant se voir attribuer les établissements de culte. Ces dernières devront « se conformer aux conditions générales du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice ». C’est, sans l’écrire explicitement, indiquer que les associations cultuelles catholiques seront placées sous l’autorité de l’Église (2). Mais les associations cultuelles sont refusées par l’Église, et il faudra attendre en 1924 un accord entre le Saint-Siège et l’État français portant sur la création d’associations diocésaines présidées obligatoirement par les évêques pour que le conflit s’apaise. Alors que la loi de 1905 ne fait aucune distinction entre les religions, la religion catholique obtient donc, de fait, un statut à part, statut confirmé par le fait que des fêtes religieuses chrétiennes deviennent des jours fériés.
De plus, la loi ne s’appliquera pas en Alsace-Moselle où le régime concordataire allemand perdurera pour l’essentiel. Si la République « ne subventionne aucun culte » (article 2), cela n’empêche pas l’État de financer les aumôneries et de permettre l’entretien sur fonds publics des lieux de culte mis gratuitement à disposition (articles 12 et 13 complétés par la loi de 1908). Le refus de financement des cultes sur fonds publics connaît donc des exceptions notables.
Par la suite, les affrontements vont se polariser sur l’école, terrain où le camp laïque subira défaite sur défaite, que ce soit en 1959 avec la loi Debré, ou en 1984 avec l’échec de la loi Savary(3). Mais, surtout, l’Église catholique n’a pas renoncé à édicter des lois morales qu’elle juge supérieures aux lois séculières. Elle s’oppose ainsi au nom de la « loi naturelle » à la loi sur le divorce et à celle sur l’IVG. Lors de la loi sur le mariage pour tous ou sur la PMA, on a pu voir que les religions, à l’exception notable de la Fédération protestante de France, n’avaient pas renoncé à leur comportement dominateur en voulant imposer leur conception de la famille à la société.
L’islam impensé
La loi de 1905 n’a jamais été appliquée dans les colonies françaises, et notamment en Algérie, et ce malgré la demande des responsables musulmans. Les autorités coloniales préféraient en effet maintenir un contrôle étroit sur tous ceux qui étaient soumis au code de l’indigénat, à tel point que le terme « musulman » a pris à l’époque une connotation ethnique détachée de son caractère religieux. La Cour d’appel d’Alger a statué en 1903 que ce terme « n’a pas un sens purement confessionnel, mais qu’il désigne au contraire l’ensemble des individus d’origine musulmane qui, n’ayant point été admis au droit de cité, ont nécessairement conservé leur statut personnel musulman, sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils appartiennent ou non au culte mahométan ». Et la Cour de parler d’« indigènes musulmans chrétiens » (sic).
Le refus d’appliquer les lois de la République aux musulmans a été une constante et, hélas, l’empreinte du colonialisme n’a pas disparu, puisque l’État continue à vouloir avoir son mot à dire sur la religion musulmane, comme le montrent les tentatives régulières de la part des gouvernements de faire surgir un « islam de France » dans la plus pure tradition gallicane. Il s’agit en fait, pour les autorités, de créer un organisme qui puisse parler au nom de tous les musulmans. Or, la loi de 1905 ne connaît que des associations cultuelles, pas les cultes en tant que tels. Son article 2 postule que la République ne reconnaît aucun culte. La volonté de créer de toutes pièces un organisme représentant les musulmans en France relève d’une vision concordataire dans laquelle l’État reconnaît et prétend organiser les cultes. L’État participe ainsi à la création d’une communauté musulmane à laquelle sont, de fait, assignés tous les individus supposés musulmans. C’est d’ailleurs ce qui s’était passé lors du Concordat de 1801 avec le judaïsme. La loi de 1905 a justement voulu rompre avec cette conception, même si actuellement le Conseil représentatif des institutions juives (CRIF) prolonge l’esprit concordataire avec les dérives communautaristes qui en sont issues.
La loi de 1905 est une loi de séparation qui implique que l’État doit renoncer à régimenter les cultes. Un État laïque n’a rien à dire sur ce que doit être le dogme religieux. Il n’a pas à intervenir sur la façon dont les croyants vivent leur foi à condition que ceux-ci respectent les lois en vigueur. Imagine-t-on un gouvernement légiférer sur la messe en latin ou sur le port d’une perruque pour les femmes juives orthodoxes ? Par contre, une partie de l’opinion ne semble pas choquée que la puissance publique puisse dire ce qui est ou pas acceptable dans l’islam. De plus, l’égalité de traitement entre les religions n’est pas aujourd’hui assurée puisque la religion musulmane, qui n’était pas présente en France en 1905, n’a pu bénéficier de la mise à disposition gratuite des lieux de culte et de leur entretien par la puissance publique.
En fait, c’est la question de la place de l’islam, devenu deuxième religion du pays, qui se pose aujourd’hui avec en arrière-fond le débat sur « l’identité française ». Pour Marine Le Pen « pour mériter la nationalité française, il faut parler français, manger français, vivre français » (4). Nicolas Sarkozy n’est pas en reste : « On ne peut pas continuer à utiliser le mot ‘‘intégration’’, il faut utiliser le mot ‘‘assimilation’’ (…) L’intégration, c’est je viens comme je suis, je ne change rien à ce que je suis’’. L’assimilation, c’est ‘‘on vous accueille tel que vous êtes mais vous adoptez la langue, la culture, l’histoire, le mode de vie du pays qui vous accueille’’ (5) ».
Derrière une remarque apparemment de bons sens – pour vivre en France, il vaut mieux parler français -, c’est une conception d’une société homogène, dont les racines seraient chrétiennes ou, pour certains, judéo-chrétiennes, oubliant opportunément ainsi que la chrétienté a persécuté les juifs pendant des siècles. L’Autre est accepté à condition de nier la part musulmane de son identité et d’être semblable à une vision mythifiée de ce qu’est un citoyen français. À l’inverse de la nécessité de faire vivre l’unité du corps social dans sa diversité, l’exigence de l’assimilation – un mot issu du vocabulaire colonial -, tournée aujourd’hui essentiellement vers les musulmanes et les musulmans, implique de leur demander de ne plus revendiquer leur appartenance religieuse, d’être invisibles dans la société.
Combattre l’intégrisme religieux
Il est indéniable que des idées intégristes sont développées dans certains lieux de culte musulman et plus globalement que les fondamentalismes religieux chrétien, juif ou musulman semblent marquer des points. Plus globalement, comme on peut le voir régulièrement, les religions n’ont pas renoncé à vouloir imposer leurs normes sociales.
Mais, dans un État de droit, qui plus est laïque, chaque individu a le droit de pratiquer et de prêcher le dogme religieux qu’il désire, dans le respect des limites mises à la liberté d’expression. La liberté d’expression ne permet pas d’appeler publiquement à la mort d’autrui, ni de faire l’apologie de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, ni d’appeler à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. On ne peut pas non plus user de la liberté d’expression pour appeler à la haine ou à la violence envers un sexe, une orientation sexuelle ou un handicap. La loi actuelle permet donc de sanctionner non seulement des actes délictueux, mais les déclarations qui les encouragent.
En tant que citoyens.es, nous pouvons critiquer tel ou tel aspect des religions chrétienne, juive ou musulmane, ou même considérer, si l’on est athée, que toute religion est obscurantiste. Nous pouvons, nous devons, en tant que citoyens, combattre le fondamentalisme religieux, mais la puissance publique doit être garante du libre exercice du culte et de la possibilité pour chacune et chacun de faire valoir ses opinions à condition de ne pas violer la loi. L’équilibre instable de la loi de 1905 se retrouve ici dans des circonstances radicalement différentes.
Les idées portées par l’intégrisme religieux, quel qu’il soit, sont effectivement contraires à toute perspective d’émancipation, plus particulièrement encore celle des femmes, et à l’existence même d’une société démocratique. Comment les affronter et empêcher leur développement ? La force de l’intégrisme religieux tient à sa capacité à donner un sens global à la vie des individus qui embrassent la foi. Le combattre suppose de faire vivre concrètement un autre imaginaire social. Dans une société où la concurrence entre individus est promue comme valeur suprême, où la compétitivité devient l’objectif majeur de la vie sociale et où la devise louis-philipparde « enrichissez-vous » semble le seul horizon, c’est en promouvant pratiquement dans la réalité sociale les valeurs de solidarité, d’égalité et de justice sociale, c’est par l’éducation quotidienne à l’égalité entre les femmes et les hommes que sera asséché le terreau de l’intégrisme et que ses adeptes seront marginalisés.
La laïcité, séparation du public et du privé ou séparation du politique et du religieux ?
Affirmer que la laïcité, c’est, comme on l’entend parfois, la séparation du public et du privé, c’est confondre foi et religion. Si la foi est une affaire individuelle privée, la religion est, par définition même, une affaire collective. On sait que le mot « religion » trouve son origine dans le mot latin religare signifiant « relier ». Une religion relie les individus entre eux sur la base d’un dogme qui se traduit par des pratiques collectives et individuelles, ce qui pose la question de sa présence dans l’espace public.
Le débat sur la neutralité de l’espace public a été tranché en 1905, lorsqu’un amendement portant sur l’interdiction du port de la soutane dans l’espace public avait été rejeté. S’affirmait ainsi le fait l’espace public n’est pas neutre. C’est un espace de liberté dans lequel les individus peuvent manifester, dans le respect des lois en vigueur (6), leur appartenance religieuse ou leurs convictions, qu’elles soient philosophiques, politiques ou syndicales. Ainsi, la loi de 1905 permet que les processions et les manifestations religieuses soient autorisées si elles ne créent pas de trouble à l’ordre public et les lieux de culte peuvent être apparents. Les convictions peuvent s’exercer dans l’espace public, mais sans exercer d’emprise sur celui-ci. Un homme juif peut, s’il le désire, porter la kippa dans la rue, de même qu’un musulman le kamis, un moine bouddhiste une robe safran et une femme musulmane ou juive orthodoxe un voile.
L’interdiction récente faite aux députés d’arborer des signes religieux et politiques à l’Assemblée nationale est donc une atteinte aux libertés individuelles (7). Rappelons que seuls les fonctionnaires, en tant que mandataires de la puissance publique, sont astreints à un devoir de neutralité mais évidemment pas les élus. Concernant les signes religieux, rappelons aussi que, députés, l’abbé Pierre et le chanoine Kir venaient habillés en soutane à l’Assemblée sans que cela ne provoque alors la moindre polémique.
Pire même, la revendication de neutralité de l’espace public ne peut qu’aboutir à des mesures liberticides. Car pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Si l’espace public doit être neutre, il doit alors être possible d’y interdire, par exemple, toute expression syndicale ou politique qui, par définition, viole cette neutralité.
Au-delà de la question religieuse, nous ne pouvons pas être par principe favorable à une séparation du public et du privé. Ainsi par exemple, nous sommes pour que le contrat de travail, contrat entre deux personnes privées, soit encadré par des réglementations publiques (le code du travail) comme nous sommes favorables à ce que les relations entre des acteurs économiques privés soient encadrés par la puissance publique. De même, les féministes se sont battues pour que ce qui relève des relations de couple ne soit pas traité simplement comme des affaires privées mais puissent être soumis à une intervention publique, comme par exemple dans le cas de violences.
La focalisation sur le voile
Le débat sur le port du voile a pris en France des allures paroxystiques. Nous n’entrerons pas ici dans le débat qui ne saurait se résumer à savoir si le voile est un symptôme de l’oppression des femmes ou si, à l’opposé, il est l’affirmation d’une identité musulmane librement choisie( 8). Quelle que soit l’opinion de chacun, il est clair que la laïcité est brandie ici par beaucoup pour stigmatiser les femmes qui le portent et montrer l’islam du doigt. Il faut pourtant remarquer que la mise en œuvre de laïcité en France ne s’est pas accompagnée d’une amélioration du sort des femmes. Malgré la loi de 1905, les progrès en matière d’égalité femmes/hommes sont restés très limités. La France a ainsi le triste privilège d’avoir le temps le plus long, parmi les pays occidentaux, entre l’instauration du droit de vote pour les hommes et celui du suffrage universel généralisé. Pire, la laïcité fut utilisée comme prétexte par des courants laïques pour refuser le droit de vote aux femmes, ces dernières étant censées être sous l’influence de leur curé. Il a fallu attendre les années 1970 et 1980 pour que les femmes obtiennent l’égalité juridique et que les établissements scolaires deviennent obligatoirement mixtes.
Quel que soit le jugement sur la loi de 2004 portant sur l’interdiction des signes religieux à l’école, force est de constater qu’elle a ouvert les vannes à des dérives importantes : tentation récurrente d’interdire aux mères voilées d’accompagner les enfants lors de sorties scolaires alors même qu’elles ne sont pas des agents publics ; chasse aux coiffes, assimilées au voile et tentative d’interdiction des jupes trop longues considérées comme un signe religieux ; tentative de la part de personnalités de droite et de gauche d’imposer l’interdiction du voile dans les universités ; proposition de la majorité du Sénat, à l’époque de gauche, d’interdire le port du foulard aux assistantes maternelles. Le voile est considéré comme le signe à bannir absolument au nom de la laïcité, alors même que la loi de 1905 garantit la liberté de conscience et celle d’afficher ses convictions religieuses dans l’espace public.
La loi de 2010 interdit le port du voile intégral dans l’espace public. Précédée d’une agitation médiatique intense, cette interdiction, qui ne concerne que quelques centaines de femmes sur le territoire national, est présentée par ses défenseurs comme une loi en défense de la laïcité. Sauf que, pour ne pas être retoquée par le Conseil constitutionnel, elle sera justifiée juridiquement par des motifs d’ordre public. Certes, comme le dit Jean Baubérot, « Même choisi, le voile intégral se fourvoie. Le refus du risque d’uniformisation sociale conduit à porter un uniforme intégral – ce qui est très différent du fait de manifester son identité par tel ou tel signe – et, par ce fait même, on englobe sa personne dans une seule identité, on gomme ses autres caractéristiques personnelles, on efface son individualité »( 9). Mais ajoute-t-il « une loi qui conduirait celles qui subissent le port du voile intégral à ne plus pouvoir se déplacer dans l’espace public induirait une situation pire que la situation actuelle. Et, pour le voile intégral choisi, le contraindre irait le plus souvent à l’encontre du convaincre. Or c’est essentiellement de convaincre qu’il s’agit ».
Pierre Khalfa et Annick Coupé
Notes
(1) Le grand entretien, France Inter, mercredi 6 novembre 2019.
(2) Cette position fait éclater le camp « séparatiste » dont une partie, avec Ferdinand Buisson, refuse de voir l’autorité hiérarchique de l’Église confortée par la loi.
(3) La loi Debré instaure, sous diverses formes, un régime de subventions publiques des écoles privées. Elle provoqua le lancement, par le Comité national d’action laïque (CNAL) d’une pétition qui recueillit plusieurs millions de signatures. La loi Savary visait à créer un service public unifié de l’éducation regroupant public et privé. Elle fut retirée devant les imposantes mobilisations impulsées par l’Église catholique.
(4) Propos tenus le 28 novembre 2015.
(5) Propos tenus le 7 février 2015.
(6) Nous laissons de côté la discussion sur le rapport entre la légalité et la légitimité qui est à la source de la désobéissance civile.
(7)Voir le communiqué de la Ligue des droits de l’homme
(8) Il faut cependant remarquer que, dans ce débat, la parole des femmes musulmanes concernées est en général peu prise en compte.
(9) Audition devant la Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national, 21 octobre 2009.
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