Selon Colin Pratte, chercheur à l’IRIS et co-auteur de l’étude : « La mise en place de solutions sérieuses pour enrayer l’évitement fiscal au Canada est difficile à imaginer sans un changement majeur de la culture politique. La présence d’administrateurs d’entreprises qui pratiquent l’évitement fiscal dans la haute fonction publique participe à normaliser le phénomène et à le légitimer sur les plans politique et éthique. »
Mark Carney loin de faire exception
« Mark Carney est loin d’être le seul titulaire de fonctions publiques à avoir des liens avec les paradis fiscaux. L’évitement fiscal a beau être légal, il ne devrait pas être considéré comme "banal" pour autant », soutient Colin Pratte.
Une étude publiée par l’IRIS en 2023 rapportait que 67 entreprises multinationales canadiennes ont transféré en toute légalité 120 M$ de profits nets au Luxembourg dans la dernière décennie. L’étude publiée aujourd’hui nous apprend qu’environ 20 % des administrateurs de ces entreprises occupent des postes dans le secteur public ou parapublic à un moment ou un autre de leur carrière.
« Parmi ces personnes figurent notamment des premiers ministres, des ministres, des juges à la Cour suprême et un gouverneur général. Il faut savoir que lorsque vous siégez sur un CA d’entreprise, vous êtes responsable des décisions fiscales de celles-ci, même si vous n’êtes pas impliqué dans la gestion quotidienne de ses activités », explique le chercheur.
Le statu quo plutôt que les réformes porteuses
Certaines personnes impliquées sur des CA d’entreprises actives dans les paradis fiscaux ont occupé des postes clés dans des instances chargées de lutter contre l’évitement fiscal dans les dernières décennies.
« Un exemple parmi d’autres est celui de Peter Godsoe qui, entre 2004 à 2018, a été administrateur de Onex, une entreprise qui pratiquait l’évitement fiscal depuis le Luxembourg durant cette période. M. Godsoe, nommé par le ministre des Finances pour présider un comité d’experts sur l’évitement fiscal en 2007, a eu l’occasion de le réglementer, mais ne l’a pas fait », déplore Simon Tremblay-Pepin, chercheur à l’IRIS et co-auteur de l’étude.
Dans son rapport final, le Groupe consultatif recommandait le maintien du statu quo réglementaire et l’abrogation de l’avant-projet de loi dont l’objectif était de limiter le recours à la stratégie d’évitement fiscal à laquelle avait notamment recours l’entreprise Onex.
Des solutions connues
La proximité entre les milieux d’affaires et la haute fonction publique n’est pas toujours avantageuse du point de vue des finances publiques. L’ampleur des pertes fiscales encourues par les trésors publics du monde et causées par les entreprises a doublé dans les quinze dernières années, selon une étude récente de l’Observatoire européen de la fiscalité.
« On sait par ailleurs qu’il est tout à fait possible pour des États d’être plus proactifs sur la question de l’évitement fiscal, comme l’atteste le cas de l’Afrique du Sud », soutient Simon Tremblay-Pepin. Cet État est beaucoup plus sévère envers les entreprises qui créent artificiellement des frais d’intérêts pour abaisser leur revenu imposable, par exemple.
Pour lire la note : https://bit.ly/evitement-fiscal-2
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