Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Planète

Carottes et bâtons de financement climatique en Afrique du Sud

Projets pilotes "Partenariat pour une transition énergétique juste" et "Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières"

Présentation : La réflexion québécoise sur la crise climatique, tout comme celle canadienne et étasunienne sans doute, prend rarement en compte le point de vue des peuples des pays dit émergents et dépendants. Ce point de vue est celui du militant et penseur Patrick Bond de l’Afrique du Sud. Son analyse climatique de son pays, tant dans ses rapports internes qu’externes, il l’a récemment présenté et discuté à une réunion de Global Ecological Network (GEN) en s’appuyant sur son texte publié en anglais par le CADTM (Patrick Bond, Climate-Financing Carrots and Sticks in South Africa, CADTM, 29/03/23). Il vaut la peine d’en faire une présentation sur la base de nombreux extraits traduits. Mes commentaires suivent. Les sous-titres sont les miens.
Marc Bonhomme

29 mars 2023

Payer les gouvernements des pays du Sud pour qu’ils laissent les combustibles fossiles inexploités et qu’ainsi ces pays se décarbonent activement - c’est-à-dire fournir une « carotte » de financement climatique - a longtemps été considéré comme un moyen de parvenir à un monde plus juste pour le climat : des « transitions justes » ont été conceptualisées, en particulier dans le domaine de l’énergie, dès 2006 (même si le premier projet pilote du parc Yasuni en Équateur – pour laisser le pétrole sous terre – a échoué en 2013). Pendant ce temps, dans une autre application des principes de la finance climatique, à savoir la tarification des émissions, la pénalisation par l’Europe des économies qui exportent des produits à forte intensité de carbone vers le marché mondial commencera en octobre 2023. Au cours des trois prochaines années, des barrières tarifaires seront appliquées aux importations en provenance des économies dont les émissions directes et l’énergie fossile intégrée annuleraient (en tant que « fuite de carbone ») les propres stratégies de réduction des émissions des importateurs. […]

Si l’on considère à la fois le bâton et la carotte de la finance climatique, le cas de l’Afrique du Sud est particulièrement important étant donné son extrême dépendance au charbon pour la production d’électricité locale, ses ambitions d’étendre l’exploration à forte intensité de carbone et de combustibles fossiles (en particulier le méthane), sa dépendance à l’égard de la fonte de métaux et d’autres exportations à fortes émissions. En contrepartie, se déploie son impressionnante résistance socio-écologique et économique de base : d’ici la fin de 2021, très visible dans les rues, sur les plages et dans les salles d’audience). Lors du sommet de Glasgow sur le climat en 2021, l’Afrique du Sud est devenue le premier pays pilote pour 8,5 milliards de dollars de "financements soi-disant" concessionnels via un "partenariat pour une transition énergétique juste", mais il a également été ciblé pour certains des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne. […]

Une poignée de transnationales polluantes alliés à quelques capitalistes noirs parvenus

…parmi les pays de 10 millions d’habitants ou plus, seuls deux autres [que l’Afrique du Sud] – le Kazakhstan et la République tchèque – avaient des économies plus vulnérables à la décarbonation, mesurée comme les émissions nécessaires pour une unité de croissance du PIB par habitant. […]

…le MEC [“Minerals Energy Complex” — Complexe énergétique des minéraux] était […] dominant dans l’approvisionnement en combustibles fossiles [en plus de leur consommation]. Jusque dans les années 2010, les principaux fournisseurs de charbon d’Eskom [le monopole étatique producteur d’électricité] comprenaient des sociétés multinationales Anglo Coal (Londres), Glencore (Baar, Suisse) et BHP Billiton (Melbourne). Par la suite, ils se sont diversifiés pour inclure des entreprises "Black Diamond" qui ont bénéficié de campagnes internationales de désinvestissement dans les combustibles fossiles (d’où des prix bradés aux nouveaux acheteurs, en particulier dans le cas d’AngloCoal) [Pour s’écoblanchir, les transnationales de l’hydrocarbure bradent leurs pires actifs en émanation de GES à des entreprises au profil médiatique bas, NDLR]. Cela a à son tour faussé la structure de classe post-apartheid de l’Afrique du Sud, avec des magnats miniers noirs exceptionnellement riches apportant leur soutien au principal défenseur du charbon du gouvernement, le ministre des Ressources minérales et de l’Énergie, Gwede Mantashe, qui a été secrétaire général du parti au pouvoir de 2009 à 2018, puis président du parti. […]

Avant que le président Cyril Ramaphosa n’entre au gouvernement en 2014, il avait présidé une compagnie charbonnière, Shanduka, qui au début des années 2010 était étroitement liée à Glencore (une entreprise condamnée en 2022 pour pots-de-vin et corruption à grande échelle à travers l’Afrique). […] Dans ce contexte, une décarbonisation à part entière était peu probable. [...]

Les pays de l’impérialisme, historique et nouveau, profitent de l’endémique corruption nationale

Ramaphosa commençait à s’inquiéter des sanctions climatiques défavorables [concernant les exportations]. En octobre 2021, une carotte est soudainement apparue. Dirigés par le département d’État américain, les principaux décideurs des gouvernements occidentaux en matière de climat se sont rendus à Johannesburg et ont mis de l’avant des incitations et des sanctions lors des négociations avec Eskom… […] La carotte proposée – un accord de décarbonisation du Partenariat pour une transition énergétique juste [JETP en anglais] d’une valeur de 8,5 milliards de dollars en prêts principalement concessionnels – a été négociée par le directeur général d’Eskom, Andre de Ruyter, qui a ensuite été licencié en février 2023 pour avoir dénoncé la corruption dans la production d’électricité impliquant le parti au pouvoir. […]

Alors que les négociateurs ont pris leur temps pendant la majeure partie de 2022 pour déterminer comment 8,5 milliards de dollars seraient le mieux collectés et alloués, le statu quo a marqué la faible reprise post-Covid : dépendance continue au charbon et au diesel pour plus de 90 % de la production d’énergie ; transport de passagers entièrement basé sur des moteurs à combustion interne lorsque les lignes de trains de banlieue sont tombées en panne ; une reprise de l’exploitation minière, de la fonderie et de la production industrielle gourmandes en électricité, le tout avec de fortes émissions de gaz à effet de serre grâce à la flambée des prix des matières premières ; une relance du tourisme international (à fortes émissions) ; agriculture à forte intensité d’engrais ; la construction renouvelée de banlieues tentaculaires, d’espaces de bureaux commerciaux et de nœuds de transport et de logistique centrés sur les camions ; et des décharges dont les déchets organiques non triés rejettent du méthane.

D’autres mégaprojets centrés sur les fossiles se sont poursuivis pendant et après la signature du JETP : une zone économique spéciale métallurgique chinoise de 10 milliards de dollars et, à proximité, une extension de 50 milliards de dollars de la ligne ferroviaire d’exportation de charbon vers le terminal portuaire de Richards Bay, où se trouvent les principaux clients du charbon, maintenant européen, chinois et indien. En plus de la production de gaz méthane à grande échelle […], un terminal GNL promu par la Banque mondiale, deux centrales électriques au gaz d’Eskom coûtant 5 milliards de dollars et une expansion pétrochimique du port de 10 milliards de dollars à Durban étaient tous en cours - soulevant des questions à savoir si le financement climatique « fongible » (facilement détourné) vers l’Afrique du Sud générerait par inadvertance des émissions de gaz à effet de serre encore plus élevées.

Par exemple, au Mozambique voisin, plus de 1000 soldats de l’armée sud-africaine ont été déployés par Pretoria à la mi-2021 dans la région de Cabo Delgado à côté du quatrième plus grand champ de méthane au monde, pour combattre une armée de guérilla connue sous le nom d’Al-Shabaab. Les troupes facilitaient en effet l’extraction du « méthane sanglant » [Blood Methane] par TotalEnergies [France], ENI [Italie], ExxonMobil [ÉU] et China National Petroleum [Chine] dans une région où déjà un million de personnes avaient en 2020-22 été déplacées par la guerre, avec au moins six mille morts [ce à quoi s’ajoutèrent les dévastations d’une série de cyclones]. […]

Les dirigeants occidentaux célèbrent secrètement, scellant le Partenariat pour une transition énergétique juste [JETP] - UNFCCC — COP27 Accord parallèle de 8,5 milliards de dollars – Sharm ElSheikh, 7 novembre 2022

John Kerry, ÉU — Première chose : récupérer notre argent sur ces prêts antérieurs à Eskom en faillite, pour des centrales électriques au charbon criblées de corruption. Voici l’affaire : nous offrons une nouvelle ligne de crédit d’un milliard de dollars aux taux du marché avec une garantie de paiement à 100 % pour les banquiers du secteur privé. Super relations publiques ! Bénéfices ! Gagnant-gagnant !

Rishi Sunak, Royaume-Uni — Ian Smith [ancien premier ministre de la Rhodésie raciste, aujourd’hui le Zimbabwe], notre ancien comparse colonial britannique en Rhodésie, s’est vanté d’un "partenariat" entre le cavalier et le cheval ! Alors maintenant je sais ce qu’il voulait dire ! Crikey !

Emmanuel Macron, France — Rappelez-vous, en mai 2021, j’ai dit à mon ami Cyril de sacrifier ses troupes pour combattre dans la guerre civile au Mozambique - afin que TotalEnergies puisse enfin extraire ce méthane sanglant [Blood Methane]. Total fore également du gaz au large de l’Afrique du Sud, même si le méthane cause 85 fois plus de dégâts que le CO2. Pourtant, je prétends toujours que je suis opposé à l’exploitation minière des fonds marins ! C’est formidable !

Ursula von der Leyden, Union européenne — Les économies européennes ont été tellement dépendantes des combustibles fossiles russes. Mais nous venons d’acquérir plusieurs millions de tonnes de charbon sale importé d’Afrique du Sud à la place ! Vielen Dank, Cyril !

Cyril Ramaphosa, Afrique du Sud — "L’Afrique du Sud apprécie l’engagement que l’International Partners Group a pris lors de la COP-26 pour apporter des ressources à notre ambitieuse transition énergétique juste" ----- Mais j’espère juste que Lula, Poutine, Modi et Xi ne regardent pas ! Eich|

Olaf Scholz, Allemagne — Les gars de BMW, VW et Mercedes ont triché lors des tests d’émissions de CO2 et se sont fait prendre — mais cet accord leur accorde toujours des subventions pour les exportations de véhicules électriques vers l’Europe. Et nos prêts seront remboursés à des taux d’intérêt élevés en raison de la baisse du Rand. Wunderbar !

Un financement impérialiste lucratif pour non pas moins de GES mais davantage

Un problème durable avec le financement climatique international en général et le JETP en particulier, est qu’il s’accumulera presque entièrement en dette de devises fortes : initialement 8,245 milliards de dollars, avec seulement 3 % des fonds sous forme de subventions. Alors que les prêts américains (1 milliard de dollars) et britanniques (500 millions de dollars) doivent être accordés par des banques à but lucratif aux taux du marché, les agences de crédit d’État européennes offriront une dette légèrement « concessionnelle ». Cependant, comme les prêts sont en devises fortes et que la monnaie sud-africaine est en baisse, Eskom devra faire face à des remboursements onéreux dans les années à venir. […]

L’arrangement idéal impliquerait une fabrication locale remplaçant les composants d’énergie renouvelable importés. Eskom devrait construire sa propre capacité interne d’énergies renouvelables et de stockage d’énergie, et ne devrait pas continuer à privatiser l’électrification via des contrats externalisés pour l’énergie solaire et éolienne. Cela devrait ébranler la dépendance des années 2010 à l’égard des sociétés multinationales d’énergie renouvelable qui rapatrient les bénéfices et les dividendes dans leur pays d’origine. […]

Le JETP a également financé le passage d’Eskom du charbon au méthane. De Ruyter [le président d’Eskom] propose un programme d’investissement dans le gaz méthane — pour lequel il prévoyait d’utiliser 44 % des fonds du JETP. […] Ce que tout cela signifie, en bref, c’est que l’utilisation de l’argent de l’UE ostensiblement déployé pour la décarbonisation aidera plutôt le financement du gaz méthane. […] La nouvelle dette JETP d’Eskom lui permet [aussi] de rembourser des prêts plus anciens, légitimant à son tour la corruption…. […]

…le « côté demande » du réseau électrique du service public est tout aussi vital. Le plus gros consommateur, utilisant plus de 5 % de l’approvisionnement du réseau, est South32, filiale de BHP Billiton (basée à Melbourne, Australie). Sa fonderie d’aluminium de Richards Bay importe le principal ingrédient (la bauxite) et le transforme avec de l’énergie au charbon à un prix correspondant à seulement 10 % de ce que paient les consommateurs ordinaires. Le produit et les bénéfices sont exportés. […]

…les politiques de déconnexion que De Ruyter a imposées aux quartiers noirs à la mi-2020 (pendant l’hiver au milieu du confinement initial de la pandémie de Covid-19) - qu’il qualifie de "réduction de charge" et que les critiques appellent "racisme énergétique" - ont été amplifiées par sa proposition mi-2022 de mettre fin à la subvention croisée de l’électricité pour les pauvres. Le JETP soutient implicitement ces politiques rétrogrades. […]

D’autres composants JETP beaucoup plus petits sont également mal conçus. Les subventions pour les véhicules électriques — fournies par les constructeurs automobiles occidentaux (en particulier allemands et japonais) seront inabordables pour la plupart des Sud-Africains, et il n’y a pas d’infrastructure de ravitaillement en place. Le JETP fournit également des fonds pour stimuler le battage médiatique de l’hydrogène vert de Sasol. […]

Frapper les exportations sud-africaines par le marché du carbone européen : un mal pour un bien ?

Joe Biden l’a porté [le prix des dommages associés à une tonne de CO2] à 51 $ en 2021 et en 2022, un prix de 185 $/tonne a été recommandé par ses administrateurs environnementaux. Des scientifiques plus rigoureux qui ont intégré des boucles de rétroaction et un faible potentiel d’adaptation ont augmenté le « coût social du carbone » à 3 000 $/tonne. En Europe, la principale technique de tarification du carbone était basée sur le système d’échange de quotas d’émission, qui a été détraqué en 2022 en raison de l’invasion russe de l’Ukraine, zigzaguant entre 70 et 100 dollars la tonne, et malheureusement le mécanisme européen d’ajustement des frontières carbone (CBAM en anglais) le prix sera lié à ce programme. La taxe carbone la plus élevée en 2022 était de 130 $/tonne nécessaire pour couvrir la taxe carbone suédoise. […]

L’imposition de sanctions climatiques viendra principalement des États-Unis, de l’Europe et du Royaume-Uni, responsables de l’achat d’environ la moitié des exportations sud-africaines. L’UE sera la première, avec son CBAM lancé en octobre 2023, même si les pénalités réelles de prix ne seront imposées qu’en 2026. […] L’Afrique du Sud et d’autres économies exportatrices avec des parts très élevées de CO2 incorporées dans leurs produits — soit directement, soit via l’énergie et les transports sales — devraient être incitées à passer plus rapidement aux sources renouvelables. L’un des moyens consiste à augmenter les tarifs de l’UE imposés sur les exportations sud-africaines vers l’Europe, et au cours des années 2020 également vers d’autres économies occidentales qui adopteront le CBAM. […]

Les nerfs étaient si tendus en novembre 2022 que le groupe Brésil-Afrique du Sud-Inde-Chine a émis une critique sévère de CBAM : « Des mesures unilatérales et des pratiques discriminatoires, telles que des taxes carbone aux frontières, qui pourraient entraîner une distorsion du marché et aggraver le déficit de confiance entre les Parties, doit être évitée. » […]

Compte tenu de cette crainte, les sanctions punitives de la CBAM seront utiles aux défenseurs de la justice environnementale, mais seulement si elles sont défendues avec intégrité, en particulier lorsqu’il s’agit d’indemniser les travailleurs et les communautés qui subissent des souffrances économiques involontaires en raison de l’incapacité des entreprises à se décarboner. Au lieu de cela, ce qui semblait plus probable en mars 2023 était une « forteresse Europe » anti-solidariste et protectionniste empêchant les importations en provenance d’Afrique du Sud sans compensation correspondante. […]

Mais ce bâton particulier de la finance climatique est cassé, car la CBAM avec intégrité nécessite au moins trois réformes. Premièrement, la politique climatique récente de l’UE la plus absurde a été la décision de juillet 2022 d’étiqueter le gaz méthane et le nucléaire comme "verts" dans la "taxonomie" de l’énergie de l’UE. […] Deuxièmement, une autre réforme porte sur la fixation du prix du carbone CBAM. Malheureusement, le niveau des pénalités à l’importation sera, à partir de 2026, lié au système européen d’échange de quotas d’émission (ETS), qui a subi une volatilité exceptionnelle des prix depuis 2005. [...] Il faut une autre manière de fixer le prix du carbone, qui est plus proche du véritable coût social du carbone. […] Troisièmement, pour contrer les accusations d’"impérialisme !", l’Europe devrait verser un acompte sur sa vaste dette climatique en renvoyant les revenus de la CBAM aux travailleurs et aux communautés touchés dont les exportations sont taxées — dans certains cas jusqu’à la fermeture de leurs entreprises. […]

…une politique de campagne pour mettre en évidence la dette climatique — y compris une compensation pour laisser les combustibles fossiles sous terre - aidera les peuples africains dans leurs batailles avec les dirigeants nationaux (comme Ramaphosa) et les sociétés transnationales pétrolières, gazières et charbonnières. [...] Répudier la dette odieuse d’Eskom réduirait considérablement la pression de remboursement sur la dette du service public et permettrait un processus de réinvestissement à part entière. […]

La résistance populaire fait mouche mais le rapport de forces impose un soutien international

La résistance a émergé simultanément en Afrique du Sud, avec un réseau progressiste - le Climate Justice Charter Movement - appelant les alliés internationaux à faire pression sur les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Europe pour qu’ils annulent le financement du JETP. Et quant à la tentative de Shell, Total et des alliés locaux de faire avancer l’agenda du gaz offshore, plus d’une centaine de manifestations ont eu lieu sur les plages, dans les stations-service et devant les autres entreprises des alliés (une chaîne de télévision et des hôtels) juste au moment où le JETP a été annoncé. […] Alignés sur les manifestations, les avocats d’intérêt public ont déposé des injonctions judiciaires contre l’exploration gazière offshore à sept reprises de la fin 2021 à septembre 2022, remportant six d’entre elles. […]

Les citoyens de bonne volonté des pays occidentaux ont soutenu la lutte pour la liberté des SudAfricains en imposant des sanctions économiques contre les entreprises tirant profit d’un crime contre l’humanité, qui en 1985 a atteint une étape décisive dans la fin de l’apartheid alors que l’alliance étroite des entreprises blanches et de l’État raciste était finalement cassé. La même logique s’applique : avec la justice climatique sud-africaine, les mouvements sociaux et syndicaux font souvent preuve de dynamisme et remportent de petits gains, c’est pourtant, encore une fois, par la solidarité internationale que les sauts décisifs seront faits.

Commentaires

Une comparaison avec le Québec comme demi-État d’une nation marginalisée…

D’entrée de jeu, on remarque quelques similarités atténuées entre l’Afrique du Sud, le plus faible des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud), un pays resté dépendant de l’impérialisme malgré ses caractéristiques d’impérialisme local surtout dans le sud de l’Afrique, et le Québec, un demi-État d’une nation non reconnue et souffre-douleur, autrement dit opprimée, au sein du Canada. Ne serait-ce que la corruptrice Glencore qui empoisonne autant le peuple québécois à Rouyn-Noranda que celui sud-africain avec son charbon. Si en Afrique du Sud l’aluminerie à énergie charbonnière d’une transnationale étrangère minière, une super-émettrice de GES, brade l’électricité locale à vil prix, il en va de même au Québec soit directement (ALCOA) soit indirectement (Rio Tinto) en disposant de centrales privées hydroélectriques amorties depuis longtemps donc d’électricité seulement au coût de l’entretien et de l’amortissement. Au Québec comme en Afrique du Sud, les grands producteurs de GES comptent une dizaine de transnationales à cette différence près de leur importance relative plus grande en Afrique du Sud dans le bilan national de GES.

Tous deux ont recours au subterfuge du gaz naturel comme dite énergie de transition quoique l’Afrique du Sud en produise contrairement au Québec… qui aimerait bien en trouver dans son sol. Dans les deux cas, le producteur national d’électricité est un monopole étatique fournissant une électricité au rabais aux grandes entreprises consommatrices bien que la Révolution tranquille ait valu au peuple québécois une électricité relativement bon marché pour l’électricité domestique dont la climatisation. La grande différence qualitative est que le Québec, comme partie prenante de la zone ACEUM (ex-ALÉNA) et comme disposant de l’atout majeur de l’hydroélectricité et de ressources minières en grande demande par le capitalisme vert (graphite, lithium, nickel, cuivre), se positionne dans la division du travail du nouvel extractivisme dit vert comme fournisseur d’énergie et de matières premières en partie semi-transformées (cathode, anode, batteries ?, hydrogène vert ?) au bénéfice de l’industrie de transformation des ÉU et de l’Ontario.

…et une discussion sur l’à-propos de l’utilisation des outils du marché afin de le subvertir

Lors de la rencontre de GEN, davantage que dans le texte écrit pour le CADTM, la brève discussion s’est focalisée sur la pertinence d’utiliser, en les réformant, les outils agissant sur les rapports de prix dans le contexte des rapports sociaux et politiques existants afin de mettre en branle une dite transition juste. Bien que l’aide internationale doive être interprétée comme un acompte des pays impérialistes vers les pays dépendants pour rembourser la dette due à l’historique pillage écologique et économique, à quoi sert de convertir cette aide en don si elle finance le développement du gaz naturel ou rembourse de vieilles dettes dues à la corruption ? Si, aux frontières, on applique la taxe ou le marché carbone aux importations qui en sont exemptes, est-ce juste de s’en prendre à l’économie des pays dépendants, probablement ces secteurs les plus en pointe, y compris les pertes d’emploi qui en découleront ? D’autant plus que ces marché et taxation sont eux-mêmes des outils de marché dont l’efficacité et l’équité sont fort contestables. Ce questionnement est appelé à s’intensifier avec la nouvelle tactique des pays impérialistes d’inviter ceux dépendants à alléger leur dette impayable en retour d’obligations environnementales sous la supervision des premiers et l’accord quasi obligé des seconds.

Comment naviguer entre opportunisme et gauchisme ? La discussion à la réunion du GEN ne s’est pas rendue là. À mon avis, la clef pour résoudre cette contradiction se trouve dans l’internationalisme concret en mal d’un grand bond en avant. En plus de supprimer la « dette odieuse », la dette écologique doit commencer à être payée sans attendre la semaine des quatre jeudi de la révolution et sans servir de prétexte au capitalisme financier pour enserrer dans une camisole de force le développement économique des pays dépendants. Pour y arriver, le mouvement écologiste des pays impérialistes a, de son côté, à se mobiliser pour imposer aux gouvernements l’immédiat débours complet en dons et sans conditions des engagements pris lors des COP de Paris, de Glasgow et de Sharm El Sheikh pour les réduction / adaptation / pertes et dommages. De son côté, les mouvements des pays dépendants, et en coordination avec ceux des pays impérialistes, ont à réclamer la même chose tout en luttant pour une canalisation écosocialiste de ces argents. Tout n’est pas bien sûr une question d’argent qui en plus est loin d’être suffisant. On pense à des politiques concernant les personnes réfugiées climatiques et à des politiques mondiales commerciales et scientifiques à promouvoir conjointement. On peut penser que la meilleure tactique serait de pointer des enjeux et des pays particuliers pour lesquels les rapports de forces sont les plus favorables.

Marc Bonhomme, 4 juin 2023

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