Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Gaz de schiste

Comités de dialogue et laboratoires du schiste (Maires commissionnaires*) (1,2)

Le dialogue avec les gazières n’a jamais eu lieu parce qu’elles ont tout fait pour en saboter toute possibilité. Dialoguer implique de prendre l’avis l’un de l’autre et surtout d’en tenir compte.

Ils ne l’ont jamais fait et ce n’est pas maintenant qu’ils vont commencer. Ne nous laissons pas berner par ce mot qui, c’est bien évident, est le même rabâchage que les pseudo-séances publiques d’information. On n’en est plus là, nous le savons tous. Ils ont raté depuis longtemps le rendez-vous avec la population. Ils ont préparé leur coup pendant une dizaine d’années, en cachette des citoyens pour peaufiner leur plan, et depuis deux ans ils traitent ceux-ci d’écolos à contre-courant qui ne comprennent rien et qu’il faut éduquer. Comment pourrait-on croire maintenant qu’ils souhaitent un dialogue alors que leur discours reste le même et qu’ils tentent de le camoufler derrière ce nouveau vocabulaire !

Laboratoires, disent-ils ! Allons donc, cette approche indique une fois de plus leur déconnexion totale d’avec les occupants du territoire. Un forage reste un forage, et un forage inutile reste un forage inutile. Ce n’est pas en appelant ça un laboratoire que l’on y change quoi que ce soit. Quand le chef de Questerre, Binnion, déclare aux actionnaires potentiels que l’ÉES n’est qu’un exercice de relations publiques servant à éduquer les Québécois et qui n’apportera aucune nouvelle connaissance scientifique sur le gaz de schiste au Québec, il dit la vérité que tous devinent déjà, mais n’allons surtout pas croire qu’il le fait par transparence ou par maladresse administrative. Il s’est permis de le faire aussi ouvertement, et en sachant très bien que ce serait sur le web, simplement parce que les gazeux ne cachent même plus leur arrogance et leur mépris tellement ils se croient immunisés contre l’indignation et l’action citoyennes. Et quand ils viennent parler, par la bouche d’élus déjà vendus à leur démarche, de dialogue et de pseudo-laboratoires scientifiques découlant du BAPE et de l’ÉES, comme si nous n’avions rien vu rien entendu de leurs magouilles ridicules, c’est du bidon, de la poudre aux yeux, rien n’a changé.

Je n’ai plus aucune envie d’être poli avec ces gens-là. J’admire et j’appuie des types comme Dominic Champagne, dont j’ai lu quelques lettres adressées par lui à Bouchard, Normandeau et Arcand (3) (4) (5). Des bijoux de diplomatie, d’invitation au cheminement et au dialogue, d’incitation à la collaboration et à la transparence. Si un jour nos élus, pas les gazières, les élus, font ne serait-ce que l’ombre d’un geste démontrant qu’ils souhaitent vraiment respecter les citoyen-ne-s, alors je dirai oui à la diplomatie.

J’ai lu récemment que le ministre Arcand se montrerait ouvert à quelques suggestions, comme de modifier la composition de l’ÉES. Mais c’est quand même lui qui déclarait tout récemment ne pas comprendre pourquoi il n’arrive pas à convaincre les sceptiques (???).

Arcand n’est qu’un pion sans influence. Même ses collègues ne se donnent même plus la peine de le mentionner lorsqu’il est question du gaz de schiste. Rappelons-nous la sortie du rapport du BAPE ; pour nous rassurer, on nous disait que la suite des démarches relèverait désormais du ministre de l’environnement. Si c’était le cas, comment expliquer qu’on n’entend que Normandeau dans les médias et à l’Assemblée nationale ; partout où il est question d’environnement, voyons-nous souvent Arcand, ne serait-ce que pour servir de parure à Normandeau, dans une entrevue ou un reportage sur le sujet du schiste ou du nucléaire ou de la Romaine, ou de quoi que ce soit concernant l’environnement ?

Je vous en prie, ne croyez pas que je dénigre les efforts de nos concitoyens qui essaient d’établir le dialogue avec certains élus, je l’ai dit et le répète très sincèrement, je les admire et les appuie. En fait, le seul dialogue souhaitable et à réaliser, c’est justement celui entre les élus et les citoyens. Encore faut-il que les élus le souhaitent aussi et vraiment. Quand les maires Richard et Paré de la MRC de Bécancour viennent proposer aux citoyens un comité de dialogue, qu’ils aient au moins l’intelligence et la décence de se positionner aux côtés des citoyens plutôt qu’aux côtés des gazières, à l’écoute des citoyens plutôt qu’à l’écoute des gazières. Ces élus ont l’outrecuidance de présenter un appel au dialogue émanant d’une gazière alors qu’il y a longtemps qu’ils auraient dû prendre cette initiative eux-mêmes, dès le début de cette saga en fait, et ne considérer les gazières que comme des invités à convoquer et consulter au besoin plutôt que comme partie prenante au processus.

Nous assistons là aux mêmes procédés que dans le cas de l’ÉES, les gazières prennent les initiatives, avec la complicité des gouvernementeux de haut rang, les élus locaux et régionaux suivent comme des moutons et les citoyens doivent encore et encore démêler les fils pour s’y retrouver et ne pas se faire forer. Quel élu local oserait prétendre que le BAPE aurait eu lieu si les citoyens ne s’étaient pas manifestés avec acharnement pour qu’il y en ait un ? Où étaient donc nos élus visionnaires à ce moment-là ? Et où étaient-ils lorsqu’il a fallu réagir au mandat bidonné de ce BAPE qui éludait complètement le débat de base que souhaitaient les citoyens : la pertinence du gaz de schiste ? Et où sont-ils maintenant que nous devons encore démêler les fils de l’arnaque de l’ÉES-bidon ? Ils se font les commissionnaires des arnaqueurs, voilà où ils en sont.

Parmi les élus locaux, il s’en trouve qui sont de bonne foi ; ceux-là sont pris entre deux feux : d’une part ils se sentent le devoir de ne pas fermer la porte à un enrichissement potentiel pour leur région et d’autre part ils voudraient tenir compte des exigences et ressentiments de leurs concitoyens face à l’industrie. Mais depuis le temps que cela dure, ils devraient s’ouvrir les yeux et prendre une position ferme. Des rapports ne cessent de paraître qui décrivent la merde produite par cette exploitation dans diverses régions, en Europe comme en Amérique du Nord. Des mouvements citoyens ne cessent de se manifester. 10 à 15 mille personnes dans les rues de Montréal le 18 juin, au Québec c’est énorme.

Des scientifiques réputés internationalement et à l’intégrité incontestable, Hubert Reeves, Albert Jacquard, David Suzuki, Stephen Hawking, ont pris position contre les énergies fossiles, notamment le gaz de schiste et le nucléaire, et préconisent le recours massif aux énergies renouvelables, peut-on les taxer de faire ou de subir de la désinformation, d’être trop émotifs, d’être des adeptes de l’immobilisme, comme les gazeux se plaisent à nous décrire ? Et pourtant voilà que nous en sommes encore à débattre avec le gang du schiste de leur laboratoire pseudo-scientifique in situ et du développement anti-écologie façon Normandeau et Bouchardo. Moi je dis ceci : mettons-les dehors ! Une bande de magnifiques chevaliers-pèlerins des temps modernes ont marché de Rimouski à Montréal et nous ont chanté le mot d’ordre pour dénouer l’impasse gazeuse : « montrons la porte à ces gazières ».

Inviter nos élus locaux au dialogue, n’est-ce pas ce que nous faisons sans relâche depuis le début de la saga du schiste, recommençons encore et encore s’il le faut. Mais qu’ils ne viennent pas nous dire que ce sont eux qui nous invitent au dialogue ! Qu’ils aient l’humilité de répondre à l’invitation de leurs concitoyens plutôt que de se faire les émissaires des gazières. Et au lieu de persister à déclarer qu’ils ont le devoir de nous informer (elle est bien bonne celle-là), qu’ils acceptent enfin de s’informer eux-mêmes, c’est-à-dire de tenir compte de l’information scientifique et indépendante qui fuse de partout. Et s’ils refusent le véritable dialogue que nous leur proposons, nous les citoyens, alors montrons-leur la porte à eux aussi.

Et qu’ils sachent bien que la condition incontournable à remplir s’ils souhaitent vraiment établir un dialogue avec leurs concitoyens, c’est qu’ils se rangent auprès de ceux-ci, qu’ils utilisent leur bon sens et montrent leur bonne foi. S’ils ne remplissent pas cette condition, s’ils préfèrent continuer à bouffer dans l’auge des gazières, qu’ils ne comptent pas sur nous pour jouer encore au chat et à la souris, qu’ils sachent clairement que le seuil de tolérance citoyenne envers eux est dépassé, que le point de non retour est atteint. Le seul choix à faire est : Démocratie ou la porte ! Ce qui signifie : Non aux gazières avec les citoyens ! Robert Duchesne, Trois-Rivières.


* http://fr.wikipedia.org/wiki/Commissionnaire

Un commissionnaire est celui dont le métier est de faire les commissions d’autrui et, particulièrement, de porter les messages et les bagages.

(1) http://www.lecourriersud.com/Actualites/2011-07-06/article-2632731/Un-groupe-de-%26laquo%3Bdialogue%26raquo%3B-qui-cause-deja-des-remous/1
(2) http://fr.canoe.ca/infos/regional/archives/2011/07/20110708-183820.html
(3) http://soufflecourt.org/Patrimoine/2011/03/lettre-de-dominic-champagne-a-lucien-bouchard/
(4) http://jepenseque.voir.ca/2011/01/18/une-autre-lettre-ouverte-a-nathalie-normandeau-vice-premiere-ministre-et-ministre-des-ressources-naturelles-et-de-la-faune/
(5) http://soufflecourt.org/Patrimoine/reaction-de-mon-voisin/dominic-champagne-ecrit-au-ministre-de-lenvironnement-pierre-arcand/

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