Édition du 30 avril 2024

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Environnement

Crise climatique et perte de biodiversité, un même combat pour le vivant !

Cet automne, nous avons la chance d’avoir deux grandes COP des Nations-Unies à un mois d’intervalle. En ce moment même se déroule la COP27 sur le climat, à Charm El Cheik, en Égypte, et dans 3 semaines, aura lieu la COP15 sur la biodiversité, chez nous, à Montréal. Deux événements, mais une occasion en or de lier les réponses que nous devons apporter aux enjeux du climat et de la biodiversité.

Deux crises qui s’alimentent mutuellement

En juin 2021, pour la première fois, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et son équivalent pour les enjeux de biodiversité, l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), publiaient un rapport en commun. Leur constat était clair : jusqu’à présent, les politiques visant à lutter contre la crise climatique et celle de la biodiversité ont été abordées indépendamment l’une de l’autre. Or, les deux crises sont interreliées.

Qu’est-ce que l’IPBES ?

IPBES est l’acronyme pour la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (en anglais : Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES).

Comment ?

D’abord, les changements climatiques ont été identifiés comme une des cinq grandes causes directes de la perte de la biodiversité, car ils induisent des bouleversements environnementaux qui perturbent les espèces végétales et animales et leurs habitats naturels. Actuellement, ces perturbations se produisent à un rythme tellement rapide que les espèces n’ont pas le temps de s’adapter à leur nouvel environnement. Pour vous donner une idée, imaginez-vous ayant grandi dans la toundra, avoir appris de quels animaux et plantes vous nourrir pour votre subsistance, quels dangers présents sur le territoire éviter pour votre survie et vous retrouver du jour au lendemain en plein milieu d’une forêt tropicale ! On grossit évidemment le trait ici… mais pas tant.

Ensuite, les hausses de températures découlant des dérèglements climatiques engendrent d’importants déséquilibres dans les régimes de précipitations, entraînant par là même, une hausse significative de l’intensité et de la fréquence des épisodes météorologiques extrêmes comme des sécheresses ou des inondations catastrophiques. Est-il nécessaire de rappeler les immenses feux de forêt ainsi que les inondations records qu’a subi la Colombie-Britannique en à peine quelques mois d’intervalles en 2021 ? Plus récemment, on se rappellera la violente tempête Fiona qui a touché les Îles de la Madeleine et les Maritimes. Ces épisodes affectent bien évidemment les communautés locales, mais aussi les écosystèmes. Ces derniers sont détruits en quelques jours – voir quelques heures- et avec eux, leur fonction de puits de carbone naturel. Le carbone contenu dans ces milieux est ainsi relargué dans l’atmosphère, nous enfermant dès lors dans un cercle vicieux où la perte des écosystèmes alimente la crise climatique et vice-versa.

Parmi d’autres exemples, on pourrait citer l’acidification rapide des océans et la baisse de l’oxygène dissous dans l’eau (comme ce qui se passe dans l’estuaire du Saint-Laurent) comme étant des phénomènes liés aux changements climatiques et ayant de graves répercussions sur la biodiversité marine.

L’aveuglement d’une approche en silo

Si les crises du climat et de la biodiversité sont liées, il existe un réel danger à chercher à les résoudre chacune de leur côté. Considérer seuls les angles du climat ou de la biodiversité risque de déboucher sur des solutions inefficaces, voire nuisibles qui aggravent l’une ou l’autre des crises.

Par exemple, la course contre la montre dans laquelle le monde s’engage pour la décarbonation de nos modes de vie, notamment via l’électrification des transports, entraîne la recherche et le développement de nouvelles technologies très gourmandes en matériaux stratégiques (lithium, nickel, cuivre, graphite, cobalt, etc.). Or, l’extraction de ces derniers engendre une pollution des aquifères, de même qu’une destruction de milieux naturels et des habitats essentiels à proximité des mines… sans compter tous les enjeux de droits humains liés à l’extractivisme.

Autre exemple allant dans le même sens, le déploiement des biocarburants (éthanol) qui entraînent la conversion et l’utilisation de grandes superficies en monoculture, au détriment de la conservation et restauration de la biodiversité, mais également de la sécurité alimentaire des populations.

En résumé, l’approche purement technocentrique de la transition énergétique pour faire face à la crise climatique illustre les écueils de cette approche « en silos ». En tentant de régler le problème des énergies fossiles, elle aggrave la menace pour le vivant.

Que faire alors ?

Alors, comment répondre adéquatement aux deux crises en même temps ? En comprenant qu’agir pour la biodiversité, c’est agir pour le climat !

En ce sens, viser des actions et des approches basées sur les écosystèmes peut permettre de travailler sur les deux fronts à la fois. On parle alors de co-bénéfices :

Conserver la biodiversité locale et l’intégrité des écosystèmes permet aussi de conserver les fonctions de puits de carbone naturels. On évite ainsi d’aggraver la crise climatique par le relargage de carbone que crée la conversion des terres pour le développement des activités humaines telles que l’urbanisation, l’agriculture et la foresterie. Cela représente tout de même 17% des émissions à l’échelle mondiale.

La restauration d’habitats essentiels d’espèces en péril permet également de rétablir d’autres fonctions écologiques afin de mieux nous adapter aux changements climatiques. Il en va ainsi de la plantation d’arbres en ville ou encore de la restauration de milieux humides qui permettront, pour la première, de lutter contre les îlots de chaleur et, pour la seconde, d’accroître la capacité de filtration des eaux lors d’épisodes de plus en plus fréquents d’inondations.

Les dangers de l’écoblanchiment et d’une approche par compensation

Ceci dit, il existe un risque pour la biodiversité tout aussi important dans l’instrumentalisation à outrance de la nature dans le cadre de la lutte aux changements climatiques. Nous en avons déjà parlé dans un blogue précédent portant sur les risques de l’écoblanchiment associés au concept des solutions nature pour le climat, mais revenons sur quelques éléments.

Oui, les écosystèmes peuvent jouer plusieurs rôles dans l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques. La conservation et la restauration des écosystèmes riches en carbone et en espèces végétales et animales peuvent nous permettre de faire d’une pierre plusieurs coups. C’est par exemple le cas des tourbières qui si elles occupent sept fois moins de superficies au Québec, séquestrent toutefois 1,5 fois plus de CO2 et abritent une biodiversité très riche. La protection des milieux humides et l’afforestation de bandes riveraines quant à elles contribuent à mieux filtrer les eaux de pluie et à réduire l’érosion des rives, affaiblissant ainsi les conséquences des inondations pour la population et les coûts qu’elles entraîneraient pour la société.

Cependant, perdre de vue la valeur intrinsèque de la nature et ne la réduire qu’à un simple rôle de prestataire de service serait une erreur. Et c’est déjà malheureusement ce qui se passe lorsqu’on ne l’utilise que dans une logique de comptabilisation et de compensation des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de plan « Net Zero » gouvernementaux ou de grandes multinationales.

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