Édition du 7 mai 2024

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Planète

Dette climatique – LE sujet de discorde entre pays du Nord et du Sud

#PayUp4LossAndDamage : C’est le hashtag qui va aujourd’hui faire du bruit sur les réseaux sociaux. Alors que l’Assemblée générale des Nations Unies se tient du 13 au 27 septembre à New York, une coalition de 1800 associations du monde entier dénonce l’inaction des pays riches face aux impacts du dérèglement climatique qui frappent des populations qui en sont pourtant les moins responsables.

Tiré du blogue de l’auteur.

L’inaction des pays les plus riches coûte aux plus pauvres

Inondations meurtrières au Pakistan, sécheresses à répétition en Somalie qui condamnent 7,8 millions de personnes à une situation de grave insécurité alimentaire… L’actualité nous démontre que si plus aucun pays n’est épargné par les changements climatiques, un nombre croissant d’entre eux, en particulier au Sud, pourtant peu émetteurs de gaz à effet de serre, a déjà atteint un point de non-retour. Ils subissent des conséquences parfois irréversibles, que l’on appelle pertes et dommages. Ces derniers peuvent être provoqués par des phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent les esprits, tels que des ouragans, cyclones, inondations, ou des phénomènes à occurrence lente, qui passent plus souvent inaperçus aux yeux du reste du monde, comme l’érosion côtière ou les sécheresses. À l’occasion de la COP26, un ministre du Vanuatu avait même fait son discours les pieds dans l’eau pour dénoncer la disparition annoncée de son pays, impuissant face à l’inéluctable montée du niveau des mers.

Quand on voit les images destructrices des cyclones, on pense bien sûr aux impacts économiques : destructions d’hôpitaux, d’écoles et de routes, perte de revenus quand les récoltes sont anéanties... qui sont estimés entre 290 et 580 milliards de dollars dans les pays en développement d’ici à 2030. Un chiffre qui donne le tournis et qui est absolument intenable pour les pays les plus pauvres. Et un chiffre qui va malheureusement encore augmenter face à l’accélération du changement climatique et au cruel manque de soutien des pays riches qui n’ont toujours pas honoré leur promesse (faite il y a près de 13 ans !) de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour aider les pays du Sud à réduire leurs émissions et à s’adapter. Mais on oublie souvent les conséquences qui sont moins visibles et impossibles à chiffrer : pertes de vies humaines, terres agricoles rendues inutilisables, disparition de territoires mais aussi de traditions et de langues, en raison de déplacements migratoires forcés.

Paroles, paroles... et encore des paroles

Qui pourrait rester de marbre face à de tels drames humains ? Et bien malheureusement, sommets internationaux après sommets internationaux, les pays riches ont fait l’autruche et trouvé mille excuses pour ne pas avoir à soutenir les populations touchées par les pires impacts climatiques. Or ce n’est pas une question de solidarité mais bien de dette climatique car les pays riches sont historiquement responsables de la vaste majorité des émissions de gaz à effet de serre. La France est par exemple le douzième émetteur mondial depuis 1850.

Cela fait plus de 30 ans que les pays les plus vulnérables réclament à corps et à cris lors des négociations internationales sur le climat et grands rendez-vous rassemblant chef·fe·s d’État et de gouvernement, qu’on les aide à faire face aux pires impacts climatiques. Après une très longue attente, une structure dédiée aux pertes et dommages est née en 2013 au sein de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le mécanisme international de Varsovie sur les pertes et dommages. L’une de ses fonctions est justement de regarder ce qui existe mais surtout ce qui manque en termes de moyens pour soutenir les pays du Sud, et comment y remédier. Mais force est de constater qu’après 9 ans d’existence, il est resté au point mort sur la question des financements. En 2015, les pays riches ont cédé à la pression et ont accepté l’intégration des pertes et dommages dans l’Accord de Paris comme pilier de l’action climatique, mais ont habilement ajouté une clause empêchant toute demande de compensation par les pays vulnérables, pour les préjudices causés.

L’an dernier, à la COP26 à Glasgow, les pays riches ont purement et simplement balayé du revers de la main la demande portée par plus de 135 pays (G77+ Chine) représentant six habitant·e·s sur sept de la planète, de mettre en place un mécanisme financier spécifique pour répondre aux pertes et dommages. Au pied du mur, les pays vulnérables ont dû se contenter d’un lot de consolation avec l’organisation du dialogue de Glasgow d’une durée de 2 ans afin de "discuter des arrangements de financements pour éviter, limiter et répondre aux pertes et dommages" sans aucune garantie qu’il aboutira à des engagements concrets en juin 2024. Proposeriez-vous à une personne qui est en danger de mort de peut-être l’aider, et dans tous les cas, seulement d’ici deux ans ?

Le blocage des pays riches

Sans surprise, lors de la 1ère session du dialogue de Glasgow en juin 2022, les pays riches, et en particulier l’Union européenne, les États-Unis et la Suisse, n’ont eu de cesse de jouer la montre. Ils ont notamment essayé de détourner l’attention sur leurs autres investissements dans l’aide humanitaire, les systèmes d’alerte précoce et les mécanismes assurantiels, utiles mais dérisoires au regard de l’ampleur des besoins. Pourtant les angles morts de l’aide internationale en matière de climat sont connus, notamment l’absence d’appui aux communautés insulaires dans le Pacifique qui voient les océans grignoter lentement mais sûrement leurs terres et qui n’ont d’autre choix que de fuir pour survivre. Mais aussi le désarroi des populations en Asie du Sud-Est qui ont certes appris à se protéger face à des cyclones ou typhons à répétition réduisant de manière significative le nombre de victimes, mais se retrouvent démunies pour retrouver leurs vies d’avant avec un toit sur la tête et de quoi remplir son assiette chaque jour, une fois l’aide humanitaire d’urgence passée.

Seuls bons élèves parmi les cancres : l’Écosse et la Wallonie ont brisé un tabou à Glasgow en annonçant respectivement l’allocation de 2,3 millions d’euros et 1 million d’euros pour répondre aux pertes et dommages. Depuis, un seul pays, le Danemark, leur a emboîté le pas en débloquant une enveloppe de 13 millions de dollars à cet effet. Mais cela reste insuffisant.

Pourquoi cette journée de mobilisation ?

À moins de 50 jours de la COP27 qui se déroulera en novembre à Charm el-Cheikh en Egypte, il n’est pas encore garanti que le financement des pertes et dommages soit à l’ordre du jour, faute d’accord entre les États. Un comble ! Afin de ne pas perdre un temps précieux de négociations, les pays riches, dont la France, doivent cesser de reporter la discussion à plus tard car leur inaction a déjà causé beaucoup trop de dégâts. Les pays vulnérables refusent de continuer à faire l’aumône. Afin de les soutenir, plus de 1800 organisations engagées pour le climat ont donc décidé d’unir leurs voix en cette journée du 22 septembre pour dénoncer l’hypocrisie des États les plus pollueurs et leur demander des comptes. À cette COP27, il est vital qu’un accord sur la création d’un mécanisme financier spécifique aux pertes et dommages soit trouvé. Sinon, comment les pays riches auront-ils encore le courage de regarder droit dans les yeux le Pakistan qui, cette année, a subi la pire inondation de son histoire et portera la voix de 135 pays ?

Fanny Petitbon, Responsable plaidoyer, CARE France

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