Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

Donald Trump et l’angoisse américaine

L’Amérique s’agite, nous dit le New York Times. Un peu partout, la population le dit, « on en a assez de la langue de bois ». « On veut entendre du vrai » et des réponses simples, quitte à se ce qu’elles soient simplistes. Victimes de la crise, enfermés dans un processus de dégradation économique sans fin, avides de vengeance contre les « terroristes », plusieurs états-uniens rêvent d’un homme fort, celui qui pourra affronter les barbares, notamment les musulmans. Ce sauveur pourra aussi repositionner l’Amérique dans son rôle de grande puissance, comme avant. Entre-temps, c’est le désarroi devant des phénomènes qu’on est incapable de comprendre, comme les deux guerres perdues (Afghanistan et Irak), la crise économique qui n’en finit plus, la montée en apparence inexorable de la Chine, et j’en passe.

Et c’est ainsi que survient Donald Trump. Est-ce un bouffon ? Pas vraiment. C’est un homme qui saisit et qui interprète, à sa façon, le grand malaise. À preuve : sa proposition d’interdire l’immigration musulmane recueille 40% des intentions de vote des républicains (sondage New York Times/CBS). Ce n’est pas une blague. Et cette xénophobie, malheureusement, n’est pas nouvelle. On a oublié que le gouvernement démocrate de Roosevelt avait fermé la porte aux Juifs, quelques mois à peine avant la Deuxième Guerre mondiale !

Si c’était seulement Trump, on pourrait penser que c’est un épiphénomène. Mais ce n’est pas cela. Les autres candidats à l’investiture républicaine reprennent, avec d’autres mots, le même langage. Comme le sénateur ultra-conservateur du Texas, Ted Cruz, fortement appuyé par la droite chrétienne évangélique et le Tea Party. Le soit distant candidat modéré, Jeb Bush (gouverneur de la Floride et frère de George W.), nous dit que les seuls Syriens « acceptables » pour les États-Unis doivent être des chrétiens. 

Le Parti Républicain, héritier d’une tradition qui part d’Abraham Lincoln, est devenu l’otage de l’agitation populiste d’extrême droite. Au point où l’establishment de ce parti commence à avoir peur. Des manœuvres en coulisse sont à œuvre pour faire en sorte que la convention nationale du parti (prévue pour juillet prochain) soit « ouverte », c’est-à-dire que les délégués n’aient pas les mains liées face aux candidats qui remporteront les primaires. On veut ainsi éviter Trump ou un autre candidat qui serait trop à la droite, de peur que cela ne fasse le jeu des Démocrates. Si cette tactique réussit, il pourrait y avoir une révolte dans les rangs républicains. Certains invoquent même une scission.

Il est cependant très tard pour éviter la dérive actuelle. Il faut dire que le Parti Républicain ne peut que se blâmer dans son ensemble, ayant ouvert les portes au Tea Party et aux extrémistes religieux qui ont en quelque sorte servi de « kamikazes » contre la présidence d‘Obama. Électoralement, cette orientation très à droite a été gagnante puisque le Parti républicain a gagné la majorité des sièges à la Chambre (2010) et au Sénat (2012).

Il ne faut pas utiliser à la légère certains mots très chargés comme « fascisme ». Il faut faire attention également à ne pas confondre la période actuelle avec ce qui a sévi dans les années 1930. On ne peut pas comparer Trump à Adolf Hitler. Pour autant, quelque chose de très inquiétant se passe dans ce pays.

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