Édition du 26 mars 2024

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Politique québécoise

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La situation politique, sociale et économique au Québec, au Canada et dans le monde nous amène à réfléchir tous ensemble au présent et à l’avenir de notre société et de notre planète. Le mouvement de l’histoire s’accélère et les choix que nous faisons et que nous ferons auront un impact majeur sur la suite de l’histoire des humains sur la planète Terre.

Le contexte

Le capitalisme montre des signes d’essoufflement accentués par sa venue à l’étape récente du néolibéralisme et de la mondialisation, du gigantisme et de la domination de l’économie financière sur l’économie réelle au niveau mondial. La dérèglementation et l’accentuation de la sacrosainte loi du marché au détriment de l’intérêt commun ont entraîné une perte de contrôle des états sur leur économie et hypothèquent la possibilité pour eux d’assumer pleinement leurs responsabilités. La course en avant se manifeste également par la volonté de faire le plus d’argent possible et le plus rapidement possible au mépris des peuples et de l’environnement. Le crédit personnel et l’endettement des états qui s’inscrivent dans cette fuite en avant servent également à l’enrichissement des banques et autres institutions financières. Cette fuite en avant porte le nom de croissance, croissance qui semble infinie quelles que soient les conséquences environnementales ou sociales.

Cette forme la plus achevée du capitalisme s’est également construite sur une modèle idéologique référant avant tout à l’individualisme, à l’accentuation du rôle du citoyen comme consommateur et faisant de plusieurs d’entre eux des actionnaires de l’économie et des partisans du statu quo. Elle fait également de nous à travers les médias des spectateurs de notre propre destin. De plus le rétrécissement de l’état et de son rôle de dispensateur de services entraîne une portion significative des contribuables vers la droite et la privatisation sur le plan politique. Les contribuables n’ont plus l’impression d’en avoir pour leur argent payé en taxes et impôts. Et quand on pense en plus aux millions de dollars publics détournés vers un système de corruption dont plusieurs se nourrissent et dont le crime organisé tire les ficelles ici et ailleurs. On assiste également à l’effritement de la classe moyenne dont une majorité glisse vers le bas voyant ses revenus stagner ou diminuer et ses dépenses augmenter. On constate aussi la prolifération du travail précaire ( occasionnel, temporaire, contractuel, autonome ) qui fait d’une partie des travailleurs de plus un plus grande une main-d’oeuvre docile et sur les dents. Une autre partie de la classe moyenne, minoritaire celle-là, est entraînée vers le haut avec la classe aisée et jouit d’un niveau de vie de plus en plus élevé et de l’augmentation de ses privilèges. Quant à la classe des gens démunis elle est laissée à elle-même et de plus en plus pauvre, marginalisée et silencieuse.

L’affaiblissement de la solidarité

Sur le plan collectif le renforcement de la défense du système et du statu quo s’appuie aussi sur le corporatisme syndical, le syndicalisme d’affaires, et la mise de ces derniers en position défensive préoccupés avant tout de protéger les acquis de leurs membres au détriment de leur engagement social et politique. Ce phénomène a comme corollaire une dépolitisation du mouvement syndical et un abandon de leur part comme d’une bonne partie de la classe moyenne des personnes les plus vulnérables et les plus pauvres de notre société. Un autre effet de ces orientations est le déclin de la solidarité comme on a pu le voir récemment au Québec alors que les centrales syndicales n’ont pas répondu à l’appel de la CLASSE pour prendre le relais. L’absence des syndicats manque cruellement au développement du mouvement social.

La rue et la démocratie

La ’’ rrrue ’’ comme le disait Jean Charest est devenue un interlocuteur incontournable dans la nouvelle dynamique sociale ici et ailleurs. Les gens descendent par dizaines de milliers dans la rue au Québec et partout dans le monde pour réclamer avant tout une plus grande démocratie quel que soit le régime en place. La société civile intervient dans les débats et demande à partager le pouvoir avec les élus. La démocratie représentative rencontre ses limites et la démocratie participative en est à ses premiers balbutiements dans nos sociétés. Un amalgame facile est souvent fait entre la mobilisation citoyenne, la rue et la violence pour discréditer toute forme d’opposition au pouvoir comme le fait le PLQ et asseoir de façon plus autoritaire le pouvoir des biens nantis. Les multinationales et le milieu des affaires tentent partout de mettre au pouvoir leurs alliés pour y défendre leurs intérêts particuliers plutôt que l’intérêt général.

L’élection du Parti Québécois

On l’a vu récemment au Québec avec l’élection du Parti Québécois et du gouvernement de Pauline Marois. Le résultat d’un gouvernement du Parti Québécois même minoritaire a entraîné une poussée d’urticaire dans les milieux d’affaires. A voir leur réaction on a l’impression que c’est Françoise David et Québec Solidaire qui a pris le pouvoir. Ils invitent d’ailleurs le Parti Libéral à se choisir rapidement un nouveau chef et à faire ensuite tomber le gouvernement actuel le plus vite possible. Le fait que deux ministres récemment nommés à l’environnement et surtout aux Richesses naturelles soient issus du mouvement écologique leur fait craindre le pire en ce qui a trait à l’exploitation gazière et pétrolière et à la poursuite du Plan Nord dans sa forme actuelle qui ouvre toute grande la porte au saccage d’écosystèmes et au pillage de nos ressources naturelles. On assiste à la même opposition quand au renforcement de la Loi 101 et la remise en question du financement des écoles privées par des élus du nouveau gouvernement.

La défense de l’environnement

Il est inquiétant de voir que l’environnement arrivait au sixième rang des priorités des Québécois selon un sondage mené pendant la campagne électorale récente. Et pourtant au même moment nous avons connu quatre mois de chaleur inhabituelle au Québec, la banquise a été plus petite que jamais cet été dans l’Arctique, la sécheresse contribue à une éventuelle nouvelle crise alimentaire, et la fonte rapide des glaciers entraîne une pénurie d’eau douce dans certaines régions du Pérou. Des phénomènes jusqu’ici prévus pour dans des décennies sont maintenant en cours. Qu’est-ce que cela peut donner de parler de santé, d’éducation ou d’économie alors que la planète crie au secours et que l’avenir de l’humanité est menacé. La défense de l’environnement devient par la force des choses le principal enjeu à l’échelle planétaire.

La paix

Une menace pèse au dessus de nos têtes. Les forces extrémistes tant musulmanes que chrétiennes attisent le feu et tablent sur la frustration et la peur de leurs populations pour entretenir une guerre idéologique. Le complexe militaro industriel américain comme canadien mise peut-être sur un scénario d’affrontement pour stimuler l’activité économique à bout de souffle. Le gouvernement Harper ne manque pas une occasion d’encourager le nationalisme et militarisme canadien, que ce soit au Canada en faisant la promotion du drapeau canadien, de l’armée canadienne, et de l’engagement militaire du Canada dans le monde.

L’indépendance du Québec

La nécessité d’être maîtres de notre destin dans le concert des nations s’impose d’elle-même dans le contexte actuel. Le choix de nos valeurs et leur incarnation au quotidien relève du débat public à entretenir entre nous. Il est temps d’assumer nos responsabilités jusqu’au bout et le temps de se donner un pays est arrivé.

Le besoin de larges coalitions

Pour mener tous ces combats essentiels dans le contexte actuel et face à la montée de la droite et de l’autoritarisme il nous faut être unis et fins stratèges. Plusieurs niveaux de coalition s’imposent. Tout d’abord une première qui unit toutes les personnes éprises de paix, de démocratie, du respect de l’environnement, et de justice sociale. Une autre pour faire l’indépendance du Québec. Et également d’autres sur des enjeux plus ciblées comme l’éducation, la santé, le logement etc.

Il est essentiel pour arriver à la formation de telles coalitions toujours de plus en plus larges et réunissant de plus en plus de personnes de se donner de multiples lieux de réflexion, de débat et de stratégie pour y dégager le plus grand nombre de consensus possible et de passer ensemble à l’action sur une base permanente. Il est aussi important tant en poursuivant nos luttes particulières de toujours les inscrire dans des enjeux plus globaux et ainsi élargir les mobilisations et créer les rapports de force nécessaires pour obtenir des victoires comme cela a été le cas récemment avec la hausse des frais de scolarité. La CLASSE a été dans le mouvement étudiant un bel exemple d’éducation politique, de démocratie directe et de mobilisation d’un segment important de la population en appui à la lutte étudiante dans une perspective globale dont nous pouvons nous inspirer.

Etant donné l’omniprésence grandissante de gens de droite dans les médias il devient aussi impérieux de créer un journal hebdomadaire progressiste et indépendantiste format papier et sur support informatique pour s’informer, serrer les rangs et reprendre l’initiative dans le débat idéologique. Ce journal s’adresserait à l’ensemble de la population et serait largement diffusé.

La nécessité d’une riposte planétaire

Les luttes sur le plan local et national ont encore leur place mais les enjeux deviennent de plus en plus planétaires. La situation, à des degrés divers, est la même partout. Les mêmes forces officielles et occultes sont à l’oeuvre sur l’ensemble de la planète. Que ce soit des organisations internationales comme le FMI ou des banques qui oppressent les peuples et les états, ou que ce soit la main mise du crime organisé à l’échelle internationale sur plusieurs secteurs d’activités les mêmes forces sont à l’oeuvre partout. Les gouvernements sont très souvent à la solde de ces forces oppressives qui les mettent en place en finançant leurs campagnes électorales. Devant une telle force organisée à l’échelle planétaire seule une offensive des peuples du monde alliés les uns aux autres et mettant de côté l’idéologie de compétition pour y substituer une approche de collaboration et de préséance du bien commun sur le gain individuel pourrait permettre d’inverser le rapport de force. Les organisations nationales quelles soient formées d’étudiants, de travailleurs, de chômeurs, de femmes, d’aînés, d’environnementalistes, d’autochtones doivent se doivent de créer un front commun national mais également s’allier aux organisations semblables de d’autres pays et créer des mobilisations planétaires qui s’expriment au même moment partout sur des enjeux qui deviennent de plus en plus planétaires.

Yves Chartrand

Intervenant social
Montréal

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