Édition du 1er octobre 2024

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Épargne-retraite : un système à réformer en profondeur

Les REER n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour financer la retraite de la population. Ils accroissent les inégalités de revenus à la retraite en favorisant les ménages qui gagnent un revenu supérieur à 80 000 dollars, ils coûtent très cher aux gouvernements en crédits d’impôt et ils n’offrent que peu de sécurité pour les revenus à la retraite.

L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) lance aujourd’hui sa quatrième note d’intervention. Après avoir publié une demi-douzaine de notes et de rapports de recherche sur divers volets reliés à l’épargne-retraite, l’Institut fait le point sur les constats qui se dégagent de ces travaux et les propositions qui en découlent. « Le débat public sur la situation des régimes de retraite s’intensifie à l’heure actuelle. L’amélioration et la solidification du système québécois de revenu de retraite, et plus particulièrement de la composante privée des régimes complémentaires de retraite, doivent passer par une réforme du versant public du système », ont déclaré Gilles L. Bourque et Robert Laplante, respectivement chargé de projet et directeur général de l’IRÉC.

Les études de l’IRÉC démontrent que les régimes d’épargne facultatifs et individuels tels que les REER n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour financer la retraite de la population. « Ils accroissent les inégalités de revenus à la retraite en favorisant les ménages qui gagnent un revenu supérieur à 80 000 dollars, ils coûtent très cher aux gouvernements en crédits d’impôt et ils n’offrent que peu de sécurité pour les revenus à la retraite. Leur poids dans le système de retraite doit être amoindri au profit des régimes publics », affirment les chercheurs.

Deux propositions

Dans un premier temps, à l’instar des propositions émanant de plusieurs mouvements sociaux au Québec, l’IRÉC suggère que les composantes publiques visent un seuil de remplacement du revenu d’au moins 50 %. « La bonification des régimes publics pourrait être financée par une augmentation du plafond des gains admissibles donnant droit à une pension, ce qui aurait un effet redistributif intergénérationnel, ainsi que par un transfert partiel des cotisations aux régimes privés vers les régimes publics », expliquent les chercheurs de l’IRÉC.

Ce transfert vers les régimes publics ouvrirait la porte à plusieurs innovations dans le champ des régimes privés de retraite. « Dans un deuxième temps, poursuivent-ils, la législation sur les régimes complémentaires doit être amendée afin de favoriser le développement de nouveaux types de régimes. Les régimes à financement salarial ainsi que les régimes de retraite sectoriels constituent des solutions de remplacement intéressantes. Sur le plan de la protection sociale, ces types de régimes sont plus efficaces que les régimes à cotisations déterminés ».

Enfin, le gouvernement du Québec doit rapidement redonner à toutes les parties concernées, et en premier lieu aux contributeurs, une voix plus importante dans la gestion de leurs actifs collectifs pour la retraite. « Il est temps d’imposer aux gestionnaires des fonds publics et aux fiduciaires des caisses de retraite une triple reddition de compte, donnant ainsi aux travailleurs, aux travailleuses, aux prestataires et au public en général une idée beaucoup plus claire de la façon dont les gestionnaires prennent en compte les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, en plus des facteurs plus strictement financiers, dans la gestion de leurs actifs de retraite », ont indiqué Gilles L. Bourque et Robert Laplante.

L’évolution du système québécois de retraite

Les différentes études de l’IRÉC sur les régimes de retraite montrent que les composantes privées du système de retraite québécois ont connu une forte hausse. Par exemple, entre 1981 et 2001, leur part relative dans les sources de revenus en pourcentage du revenu moyen de retraite est passée de 12 % à 29 %. Elles montrent également qu’il y un recul progressif des régimes à prestations déterminées (RPD) en faveur des régimes à cotisations déterminées (RCD). En 2008, 62 % des adhérents à un régime de retraite du secteur privé au Canada étaient couverts par un RPD comparativement à 84% en 1991.

Les RCD libèrent les employeurs de la responsabilité du financement des prestations de retraite en transférant aux travailleurs et aux travailleuses le risque associé aux marchés financiers. La dernière crise financière a bien montré l’instabilité et la fragilité de ces régimes pour les revenus de retraite. « Le montant des pertes liées à la crise financière de 2008 demanderait une multiplication par quatre du niveau des cotisations pour remplir les obligations des régimes. Il est évidemment impossible aux travailleurs et aux travailleuses de faire face à cette charge supplémentaire de cotisations », constatent les chercheurs.

Selon un rapport du comité syndical consultatif auprès de l’OCDE, la Régie des rentes du Québec estime que la proportion de régimes complémentaires sous financés serait de 95 %.

Enfin, le changement de stratégie d’investissement de la Caisse de dépôt et placement du Québec dès 2005 est un autre problème majeur. Elle oriente désormais ses placements en fonction d’une vision de la gestion des fonds qui accentue la dimension financière de l’investissement et insiste sur la nature « rentière » de la gestion fiduciaire du portefeuille des épargnants.

En conclusion, Gilles L. Bourque et Robert Laplante constatent une multiplication des RCD qui alimente le processus de financiarisation de l’économie et les effets négatifs de cette financiarisation fragilisent les régimes à prestations déterminées. « Ce mouvement de « financiarisation » du système de revenu de retraite, disent-ils, menace la sécurité financière des retraités et des futurs retraités alors même que le système de retraite au Québec et au Canada a été conçu pour améliorer la sécurité économique et sociale de l’ensemble de la population ».

Une autre note d’intervention paraît à l’occasion de la Journée du 8 mars (voir autre article NDLR). Elle fait le point sur les enjeux de genre soulevés par la situation actuelle du système de retraire.

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