Tiré de À l’encontre.
La violente et meurtrière manifestation d’extrême droite de Charlottesville en août dernier a conduit à s’intéresser de plus près aux différents groupes suprémacistes, racistes et islamophobes de « l’alt-right » qui pullulent aux États-Unis. À cette occasion, un jeune historien de l’université de Dartmouth, Mark Bray, spécialiste de l’antifascisme a été sollicité à de nombreuses reprises dans les médias. Mark Bray est également connu pour son engagement au sein du mouvement Occupy Wall Street et vient de publier Antifa : The Anti-fascist Handbook aux éditions Melville House. Dans son livre comme lors des entretiens auxquels il a pu participer, il a rappelé que le fascisme n’avait jamais été vaincu pacifiquement.
Inversant les rôles, différents groupes de l’alt-right ont osé se poser en victimes et en ont profité pour lancer une campagne de presse – notamment via les sites Campus Reform (site conservateur à destination des campus) ou Breitbart news (publication d’extrême-droite) – visant Mark Bray et l’accusant de faire l’apologie de la « violence » des groupes antifascistes. De la part d’admirateurs du régime nazi ou de membres du Ku-Klux-Klan cela pourrait prêter à sourire si ce n’était pas indécent. Mais, après tout, peut-on réellement attendre autre chose de ces gens-là ?
On pouvait en revanche espérer autre chose du président de l’université de Dartmouth que de prêter l’oreille à de telles inepties. Pourtant Philip Hanlon s’est fendu d’un communiqué de presse au nom du Dartmouth College reprenant mot pour mot les accusations de l’alt-right contre Mark Bray. On pouvait y lire ceci : « Les récentes déclarations de Mark Bray, maître de conférence en Histoire, appuyant les protestations violentes ne représentent pas les valeurs de Dartmouth. » Par de tels propos, le président de l’université de Dartmouth apportait ainsi du crédit à la cabale orchestrée par l’alt-right. Mark Bray était peu après destinataire de plusieurs menaces de mort. Il y a deux semaines, plus de 100 employé.es, enseignant.es, chercheurs et chercheuses de l’université ont signé une lettre ouverte à Philip Hanlon pour lui demander de revenir sur sa déclaration et d’adresser des excuses publiques à Mark Bray (ce qui à notre connaissance n’a toujours pas été fait). À notre tour, nous relayons ces exigences.
Non, le fascisme n’est pas une opinion « comme une autre ». C’est l’expression politique de la haine raciste sous toutes ses formes, jusqu’aux plus abominables, comme de la violence de classe la plus crue. Les États-Unis ne sont pas immunisés contre la résurgence des droites extrêmes, à l’œuvre dans de trop nombreux pays. La présidence Trump accumule les symptômes en ce sens. Non seulement Donald Trump multiplie les signes de complaisances envers l’alt-right, mais les violences et crimes racistes et islamophobes se multiplient. Et ce notamment sur les campus universitaires où l’on peut observer la résurgence de groupes étudiants suprémacistes blancs ou la floraison de graffitis racistes. Heather Heyer a trouvé la mort à Charlottesville, dix-neuf autres manifestant.es antifascistes y ont été blessé.es : cela n’aurait pas dû être le cas car il aurait fallu mettre un terme aux prétentions de l’alt-right il y a bien longtemps.
À San Francisco, à Berkeley comme ailleurs les antifascistes, les syndicalistes, les militant.es des droits humains ont raison de se mobiliser pour dénoncer ces groupes fascistes. Dans tout le pays, celles et ceux qui déboulonnent les symboles de l’esclavagisme des États du Sud expriment leur volonté de ne pas laisser un racisme « légitime » avoir pignon sur rue. C’est aussi dans ces moments-là qu’il faut, plutôt que de les dénigrer, accorder toute notre attention à ce qu’ont à dire des historiens comme Mark Bray.
Plus d’informations sur le site de Melville House, éditeur de Mark Bray.
Si vous souhaitez vous associer à cette tribune, envoyez un mail à avecmarkbray@gmail.com.
Appel publié aussi sur Mediapart
Ludivine Bantigny, historienne ; Grégory Bekhtari, doctorant en civilisation américaine, Université Paris Nanterre ; Eric Beynel, co-délégué général de l’Union syndicale Solidaires ; Alain Bihr, professeur honoraire, Université de Franche-Comté ; Frédéric Bodin, secrétaire national de l’Union syndicale Solidaires ; Matthias Bouchenot, enseignant ; Paul Bouffartigue, directeur de recherche au CNRS ; Stephen Bouquin, professeur de sociologie, Université d’Évry Paris-Saclay ; Vincent Capdepuy, géohistorien ; Sarah Caunes, doctorante en science politique, Université Paris 8 ; Martial Cavatz, enseignant ; Manuel Cervera-Marzal, sociologue ; Grégory Chambat, enseignant en collège, revue N’autre école ; Vanessa Codaccioni, MCF, Université Paris 8 ; Anouk Colombani, docteure en philosophie, Université Paris 8 ; Philippe Corcuff, MCF, Institut d’Études Politiques de Lyon ; Sophie Coudray, ATER, Université de Strasbourg ; Annick Coupé, Attac France ; Pierre Cours-Salies, sociologue ; Marie Cuillerai, Professeure des Universités, LCSP / UFR Sciences sociales Paris 7-Diderot ; Alexis Cukier, directeur de programme au Collège International de Philosophie ; Laurence De Cock, historienne ; Marnix Dressen, Professeur des universités ; Jean-Pierre Durand, professeur de sociologie, Université d’Évry ; Eric Fassin, sociologue, Université Paris 8 ; Sophie Fesdjian, anthropologue ; Sébastien Fontenelle, journaliste ; Éric Fournier, historien ; Chiara Frugoni, historienne ; Jean-Paul Gautier, historien spécialiste des extrêmes droites ; Violaine Girard, MCF en sociologie, Université de Rouen ; Maddalena Gretel Cammelli, Università di Bologna ; Samuel Hayat, politiste, CNRS, Lille ; Florence Johsua, MCF, Université Paris Nanterre/ISP ; Célia Keren, MCF, Sciences Po Toulouse ; Mathilde Larrere, historienne ; Fanny Layani, doctorante en histoire ; Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire ; Hervé Le Crosnier, éditeur, spécialiste de culture numérique ; Michael Löwy, directeur de recherches émérite au CNRS ; Armelle Mabon, MCF, Université Bretagne Sud ; Christian Mahieux, Cahiers de réflexions Les Utopiques de l’Union syndicale Solidaires ; Philippe Marlière, politiste, University College London ; Gustave Massiah, IPAM, initiatives pour un autre monde ; Guillaume Mazeau, historien, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Régis Meyran, journaliste ; Julian Mischi, sociologue ; Mikael Motelica-Heino, professeur de géologie, Université d’Orléans ; Selim Nadi, doctorant, Centre d’histoire de Sciences Po/Universität Bielefeld ; Olivier Neveux, universitaire, ENS Lyon ; Ugo Palheta, sociologue, MCF, Université Lille 3, directeur de publication de la revue Contretemps ; Emmanuel Péhau, doctorant en philosophie, Université Paris 8 ; Willy Pelletier, coordinateur général de la Fondation Copernic ; Irène Pereira, sociologue ; Roland Pfefferkorn, sociologue ; Michel Pigenet, Professeur émérite d’histoire contemporaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Pier Paolo Poggio, Fondazione Luigi Micheletti ; Laura Raim, journaliste ; François Reyssat, docteur en sociologie, Université Paris 7 – Diderot ; Fabrice Riceputi, enseignant ; Michèle Riot-Sarcey, historienne, Professeure des universités émérite ; Jean Rivière, géographe, Université de Nantes ; Théo Roumier, Cahiers de réflexions Les Utopiques de l’Union syndicale Solidaires ; Éditions Syllepse ; Charles-André Udry, économiste, directeur du site À l’Encontre.org et des Éditions Page deux ; Renaud Violet, enseignant ; Sophie Wahnich, directrice de recherche CNRS, Paris, EHESS
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