Anti-k
7 mars 2021
Par Jacques Chastaing
LE SOULÈVEMENT DES FEMMES CONSTRUIT L’UNITÉ OUVRIERS PAYSANS ET LA RÉVOLUTION
LE 8 MARS EN SERA UNE NOUVELLE ÉTAPE
Le soulèvement paysan a commencé par un soulèvement de femmes et en est marqué dans toutes ses dimensions.
Les campements actuels de paysans aux portes de Delhi ont été précédés par des campements du même type mais tenus par de femmes dans Delhi même il y a quelques mois, dans le quartier de Shaheen Bagh.
Le soulèvement des femmes a commencé en décembre 2019 lorsque des femmes musulmanes – la communauté religieuse la plus pauvre – descendirent dans la rue pour s’opposer à une énième humiliation du gouvernement Modi contre les Musulmans.
Le mouvement des femmes entraîna peu à peu toutes les catégories populaires qui en avaient marre de la politique de Modi de division permanente entre religions, castes, sexes et marre de la misère qui grandissait sous son régime ultra-libéral.
Sous l’impulsion du mouvement qui avait pris une dimension nationale considérable, les confédérations syndicales organisèrent une journée de grève générale le 8 janvier 2020 qui eut un succès retentissant avec 250 millions de grévistes, qui montra à tous, que par delà les multiples revendications économiques, tous avaient une idée commune en tête : virer Modi.
Ce fut le premier mouvement d’ampleur à oser contester Modi dont la réputation de brutalité et d’inflexibilité intimidait tout le monde.
Le mouvement s’enracina à Shaheen Bagh, quartier pauvre et musulman de Delhi, où des places furent occupées durant 4 mois de décembre 2019 à mars 2020 par 10 000 à 150 000 personnes chaque soir et particulièrement par des femmes du petit peuple, devenant un centre populaire de débat et le centre de l’opposition au régime de Modi. Une espèce de place Tahrir, d’Occupy des prolétaires et des femmes prolétaires.
Ces occupations furent ressenties comme une bouffée d’oxygène qui marquèrent tous les opprimés et exploités dans cette Inde étouffante où la presse et l’ensemble du monde politique étaient rangés à des degrés divers derrière la démagogie communautariste de Modi.
Modi, n’arriva pas à stopper ce mouvement. Sa démagogie raciste et religieuse avait été brisée par la révolte des femmes contre les haines et les divisions, contre la misère qui unifiait toutes les communautés.
Le covid mit fin à ce mouvement des femmes le 24 mars 2020.
Mais il avait semé de nombreuses graines : le désir de passer par dessus toutes les divisions qui alimentent le pouvoir de Modi, l’objectif de virer Modi, avec la conscience que ce sont les plus pauvres, ceux qui n’ont rien à perdre, et notamment les femmes prolétaires, qui peuvent entraîner tout le monde.
Le soulèvement paysan qui commença en juin 2020, 2 mois seulement après la fin de Shaheen Bagh, avait totalement intégré dès son départ cet acquis fraternel et cet objectif politique. Ce fut -et c’est toujours – un soulèvement animé de l’esprit de virer Modi, combattant toutes les divisions de sexes, de religion, de caste, imprégné de l’idée de l’unité avec les ouvriers agricoles, les Intouchables, les ouvriers, les jeunes, mené par les paysans les plus pauvres, qui passe par dessus les intérêts corporatistes paysans pour sauver toute l’Inde du capitalisme.
Les campements paysans actuels de Delhi ressemblent aux campements de Shaheen Bagh, accueillant tout le monde, Intouchables, ouvriers, jeunes, étudiants, syndicalistes, Adivasits des tribus, hindous, sikhs, musulmans, bouddhistes… et les débats tous les soirs, ressemblent à ceux de Shaheen Bagh, changer le monde.
Or le SKM, la coordination qui anime le soulèvement paysan actuel, vit dans ces campements et s’en imprègne de leur esprit.
Tout à la fois dans cette dynamique de l’esprit des campements et encore animées de l’esprit du soulèvement de Shaheen Bagh, les femmes, paysannes ou non, Intouchables, musulmanes, sikhs ou hindoues, souvent des employées des crèches rurales et aides soignantes rurales en lutte elles-mêmes depuis des mois, ont investi les Mahapanchayats, organes de la mobilisation paysanne à partir du 29 janvier 2021.
Ces Mahapanchayats issus d’un très lointain passé, étaient souvent de ce fait, assez traditionalistes, patriarcaux, misogynes où les femmes n’étaient fréquemment pas admises. Dans leur élan, les femmes les transformèrent en des structures de la démocratie directe paysanne du soulèvement actuel, mais ouvertes à tous, femmes, jeunes, ouvriers, Intouchables, musulmans, sikhs, hindous, tous ensemble, et en firent un organe de combat mais aussi les structures d’un monde embryonnaire débarrassé de toutes les oppressions.
Le 8 mars, auquel le soulèvement paysan appelle de toutes ses forces et surtout auquel il se subordonne – au moins durant cette journée – en demandant que partout les hommes, paysans ou autres militants, cèdent la place aux femmes, sera une démonstration aux yeux de l’Inde entière et du monde, de vers quoi marche le soulèvement paysan et de quelle société il veut.
PHOTOS
« Moi, femme, je peux tout accomplir ». Image de la série télévisée la plus suivie en Inde, une série féministe aux 400 millions de téléspectateurs ; Manjeet Kaur et ses 5 compagnes qui ont fait la route depuis Patiala en Haryana avec des convois de femmes pour rejoindre Delhi ; Mahapanchayat à Meerut dans l’Uttar Pradesh ; Mahapanchayat à Baghpat dans l’Uttar Pradesh ; Mahapanchayat à Mohali dans le Pendjab ; meeting paysan public à Faridkot dans le Pendjab ; aux côtés de militants du SKM (Front Uni Paysan) conférence de presse des moines guerriers sikhs, les Nyangs, installés dans le campement de Singhu à Delhi qui appellent à soutenir le soulèvement paysan ; repas communautaire à Jind en Haryana pour les convois de femmes qui rejoignent Delhi ; affiche du boycott du BJP (parti au pouvoir ) par les paysans : « partout où le BJP se présentera dans des élections, nous organiserons des Mahapanchayats »
Un message, un commentaire ?