Édition du 26 mars 2024

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Canada

Intervention devant le sous-comité des droits de la personne du Canada sur la répression en Colombie

Le mercredi 12 novembre suite à de grandes mobilisations partout au Canada et dans le monde, nous avons été invités par le sous-comité des droits de la personne du Canada, depuis le 28 avril, après le déclenchement d’une grève générale en Colombie, la répression sanglante de l’état n’arrête pas d’accumuler les victimes, les morts, lors des manifestations pacifiques, des événements culturels, de veillées aux chandelles, etc. Le Canada s’est prononcé en accordant confiance au gouvernement colombien, celui qui a donné le mandat à la police de tirer sur le manifestants.

Voici mon intervention au nom de Colombiennes et Colombiens au Canada.

Honorables parlementaires du sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international

Aujourd’hui, nous nous adressons à vous en tant que citoyens canadiens et résidents permanents d’origine colombienne ainsi qu’au nom de plusieurs organismes solidaires avec les droits de la personne en Colombie, afin de demander votre support pour nous aider à arrêter le massacre envers la jeunesse colombienne qui manifeste pacifiquement depuis le 28 avril 2021.

Depuis la dernière campagne électorale, le gouvernement d’Ivan Duque s’est fortement opposé à l’accord de paix de son prédécesseur, Juan Manuel Santos conclu avec les FARC. Depuis son élection à la présidence de la Colombie, les assassinats des leaders sociaux se sont fortement accrus sans que le gouvernement ne fasse des efforts pour réduire ces actes de violence ou pour mettre en œuvre les accords de paix signés par l’État. Ceux-ci exigent la protection de la population civile et l’arrêt de la stigmatisation de leaders sociaux. Cela démontre encore une fois à quel point ce gouvernement est peu enclin au dialogue avec la population en faveur de l’amélioration des conditions de vie.

En novembre 2019, le peuple colombien a manifesté un fort mécontentement envers le gouvernement d’Ivan Duque qui avait proposé une première réforme fiscale très indulgente envers les secteurs les plus fortunés de l’économie colombienne. L’arrivée de la pandémie en 2020 a mis fin aux manifestations du mouvement populaire qui se développait depuis quelques mois contre un système extrêmement inégalitaire, corrompu et violent envers les secteurs populaires, les paysans, les minorités politiques victimes de la violence de masse, les autochtones et les afro-descendants. La COVID 19 et sa mauvaise gestion par les autorités ont provoqué une situation de faim et de précarité dans les familles qui ont été forcées de se confiner. Dans ce contexte, le gouvernement colombien a proposé une nouvelle réforme fiscale, imposant une augmentation considérable des impôts de la classe moyenne, ainsi qu’une taxation accrue des aliments de base et des services publics. À cela s’ajoute l’imposition de 41% d’impôts aux retraités.

Selon le Département national de statistiques, 42% de la population colombienne vit sous le seuil de la pauvreté, ne percevant même pas 5$ dollars par jour. Le pays a aussi été fortement touché par la pandémie, avec un nombre de 72 000 personnes décédées. Le gouvernement a investi 4,5 milliards de dollars en financement militaire, alors que les ménages considérés comme vivant dans la misère, 15% de la population, recevaient une somme de 125$ en aide d’urgence.

Aujourd’hui, même si la Colombie traverse la troisième vague de la COVID, la population a décidé de manifester contre la réforme fiscale et faire face aux politiques injustes du gouvernement. Le 28 avril 2021, une grève générale illimitée a été déclenchée. Des millions de Colombiens et de Colombiennes sont sortis pour manifester dans tout le pays. Mais même si le gouvernement a retiré son projet de réforme fiscale, les manifestations se sont poursuivies en exigeant le retrait d’autres réformes considérées tout aussi injustes, dont celle de la santé, le renouvellement de l’épandage aérien du glyphosate etc. Depuis le début de la grève, les manifestations ont été fortement réprimées par la police qui a ouvert le feu sur les manifestants.

Le refus de la part de la population de mettre fin à la grève suite au retrait de la réforme fiscale, a conduit le président à militariser les villes. Les policiers et les militaires ont alors augmenté leur répression envers les manifestants en voulant les réduire à de simples vandales. Dans plusieurs villes de Colombie, il a été démontré que la police produit elle-même les actes de vandalisme afin de justifier la répression et ternir l’image des manifestants. C’est devenu un prétexte pour continuer les massacres des manifestants, auxquels participent les militaires, la police, des paramilitaires, des civils armés et des policiers sans uniforme. Les violences ont lieu dans plusieurs villes du pays, mais principalement dans la ville de Cali.

Selon les données de l’ONG Temblores et Indepaz, entre le 28 avril et le 8 mai, 12 femmes ont été victimes d’agressions sexuelles par la police.
Ce fait révèle que la police utilise les femmes captives comme un butin de guerre1 ;

  • 52 personnes ont été victimes d’homicide par les forces de l’ordre (dont 36 à Cali seulement), la plupart sous les balles de la police ;
  • 548 personnes sont portées disparues, ce qui constitue une atteinte grave à la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, signées par la Colombie en 2012 ;
  • 489 personnes ont été blessées ;
  • 33 personnes ont souffert de lésions oculaires ;
  • 48 personnes ont été blessées par des armes à feu ;
  • 69 défenseurs des droits humains ont été agressés par la police, sans compter les agressions contre les secours médicaux qui viennent en aide aux manifestants,

À Cali, la ville la plus importante du pacifique colombien, la mission d’observation de l’ONU a été victime d’intimidations par les forces de l’ordre.

Pour sa part, Le Défenseur du peuple, entité publique de protection des droits humains, a fait état lundi le 4 mai au matin de 19 morts, de 89 disparus et de 846 blessés, dont 306 civils2. Depuis, leur site web n’est plus accessible.

Les vidéos partagées par la population sur les réseaux sociaux démontrent la gravité de la situation de répression commise envers les jeunes lors de manifestations pacifiques et artistiques, mais aussi sur la manière dont les forces de l’ordre attendent la tombée du jour pour couper l’électricité et l’internet et faire disparaître des manifestants. C’est comme s’il s’agissait d’une dictature, la police et l’armée agissent envers les manifestants comme s’il s’agissait d’un acteur armé, ou d’une guerre contre la population désarmée.

Dernièrement, on a aperçu des policiers vêtus en civil qui tiraient sur les manifestants, ainsi que des groupes paramilitaires qui se promènent dans les villes en proférant des menaces aux manifestants. Le 9 mai, des autochtones du Cauca, communauté internationalement reconnue pour son pacifisme, ont été attaqués par des individus armés dans un Pick-up dans un secteur riche de la ville de Cali.
Cela s’est soldé par 9 blessés dont certains dans des conditions très graves. Parmi ceux-ci, une fille étudiante en philosophie de l’université du Cauca qui appartenait à la garde autochtone. Elle n’était munie que d’un bâton traditionnel pour toute protection et le gouvernement l’a accusée d’appartenir à la guérilla.

Le gouvernement a invité au dialogue les membres de son propre parti politique et les juges du système de justice qui lui ont été favorables, sans émettre aucun commentaire devant les assassinats et la forte répression. Un comité de grève qui ne représente pas les manifestants a aussi été invité aux négociations, mais ils ont quitté la table devant l’impossibilité de négocier le retrait de militaires de villes.

Jusqu’à maintenant l’Union européenne a jugé « prioritaire de mettre un terme à l’escalade de la violence et d’éviter tout usage disproportionné de la force par les forces de sécurité ». Les États-Unis ont appelé à la « plus grande retenue de la part de la force publique afin d’éviter d’autres pertes de vies3 » et le comité de relations étrangères a demandé au gouvernement de Joe Biden de cesser l’aide au gouvernement colombien. L’ONG Amnistie internationale a demandé que soit mis « fin à la répression des manifestations » et à « la militarisation des villes ».

Le Canada a des liens commerciaux très forts avec la Colombie. Un accord bilatéral de libre-échange avec la Colombie a été signé il y a maintenant 10 ans. Les conséquences économiques et sur les droits humains que cet accord a entraînées pour la population colombienne ont été plutôt négatives. L’État canadien a appuyé par des subventions et par des interventions politiques l’action de plusieurs de ces entreprises canadiennes en Colombie.

Hier, le Ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau a émis une déclaration en condamnant l’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre et défendant le droit de manifester de manière pacifique. Cependant, cette déclaration met l’accent sur le vandalisme, les attaques envers des fonctionnaires publics et le blocage des autoroutes, et donne son soutien au Gouvernement colombien dans sa volonté d’investiguer sur les violations des droits humains. Cette déclaration démontre une mauvaise interprétation de la situation en Colombie qui ne prend pas en compte non seulement la responsabilité de l’état et du gouvernement dans les graves violations des droits humains enregistrés, le fait que le vandalisme est en partie promu par des forces obscures liées à l’état, ainsi que la situation d’impunité prévalente pour les crimes perpétrés par l’état pendant des décennies.

Le gouvernement Canadien dirigé par le premier ministre Justin Trudeau doit assumer sa part de responsabilités dans le conflit et condamner sans hésitation la répression actuelle tout en s’assurant que les forces armées soient retirées des villes, afin que cesse la répression et que les droits des personnes participant aux manifestions soient respectés, une mission d’observation serait également nécessaire afin d’assurer le respect des droits de la personne durant cette crise.

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