Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

L’arc-en-ciel birman

29.03.2012 |  Courrier international

La Birmanie a déjà, avec Aung San Suu Kyi, son Nelson Mandela asiatique. Icône des droits de l’homme, figure emblématique de la résistance non violente au régime militaire, la Dame de Rangoon – en dépit de plus de quinze années de privation de liberté et de son épuisement physique – n’a rien perdu de son aura, à voir la foule qu’elle a attirée ces dernières semaines tout au long de sa campagne électorale. Mais pour faire la paix, il faut être deux. Pour s’engager dans la voie de la réconciliation, il faut savoir entamer le dialogue. Et accepter la main tendue, surtout quand cette main représente tout ce qui, hier encore, était honni. Frederik De Klerk, dernier président blanc de l’Afrique du Sud, avait tendu cette main à Nelson Mandela à la fin des années 1980 – acceptant, en février 1990, de lever l’interdiction qui frappait le Congrès national africain et de libérer le prisonnier le plus célèbre du monde, après vingt-huit années de captivité. Ces gestes, consentis par le rejeton d’une longue lignée d’Afrikaners, fils d’un ministre ayant servi sous l’apartheid, allaient ouvrir la voie à la nouvelle Afrique du Sud, symbolisée par la Nation arc-en-ciel.

Deux décennies plus tard, le même scénario se joue au Myanmar, nom officiel de la Birmanie. Avec, dans le rôle de Frederik De Klerk, le président birman Thein Sein. Un général à la retraite, ancien pilier de la junte militaire, et qui, à ce titre, porte la marque de l’oppresseur. Mais Thein Sein a réalisé qu’après cinq décennies de dictature la Birmanie est aujourd’hui un régime exsangue, un Etat paria, un pays menacé de colonisation économique par la Chine. Réformateur dans l’âme, ce fils de paysan multiplie les gestes d’apaisement. La libération d’Aung San Suu Kyi en novembre 2010, sa rencontre avec le président Thein Sein au mois d’août, enfin l’autorisation de sa candidature aux élections témoignent de l’ampleur des changements en cours. Il faut du courage pour défier les éléments les plus radicaux de son propre camp. A l’instar de leurs aînés sud-africains, Thein Sein et Aung San Suu Kyi n’en sont pas dépourvus. Mais le pari de la démocratie reste fragile. Peu après la libération de Nelson Mandela, le pays avait failli tomber dans la guerre civile. Avant de reprendre, avec la tenue des premières élections multiraciales de 1994, le chemin de la réconciliation. Il serait illusoire de croire que du vote birman du 1er avril surgira la démocratie. Non seulement le scrutin ne porte que sur quelques dizaines de sièges au Parlement, mais l’ancien régime n’a pas renoncé à ses habitudes de trucage. Pourtant, voir la candidate Aung San Suu Kyi triompher par les urnes, vingt-deux ans après la victoire électorale de son parti confisquée par les militaires, soulèvera dans toute la Birmanie un espoir incommensurable.

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