Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : Camp de réfugiés de Shatila au Liban, mai 2019 © hardscarf
Selon un rapport publié par Thabit Organization for the Right of Return, environ 85 000 réfugiés palestiniens des camps du Liban, ce qui représente environ la moitié du nombre total, ont été déplacés des camps du sud de Sour (Tyr) ainsi que des camps de Beyrouth et du camp de Baalbek Galilée (Vawel). Entre le déclenchement de l’offensive contre le Liban en septembre 2024 et le cessez-le-feu fin novembre, au moins une centaine de Palestiniens ont été tués dans les bombardement des camps ou lors de combats avec les troupes israéliennes.
Selon Thabit, 41 % des personnes déplacées ont été réparties à Saïda, tandis que 16 % ont cherché refuge à Beyrouth, 37 % à Tripoli et 6 % dans les régions de la vallée de la Bekaa [1]. Ces déplacés ont été dans leur très grande majorité accueillis dans des familles car quasiment aucune structure n’était capable de leur fournir des abris.
Les conditions de vie dans les camps, déjà extrêmement difficiles en temps « normal », empirent en cas de situation d’urgence, comme ce fut le cas durant cette nouvelle guerre et continue de l’être à ce jour.
S’ajoute à cela que l’Unrwa est en grande difficulté financière pour assurer sa mission, ce qui suscite régulièrement le mécontentement des résidents et réfugiés concernés. Selon le rapport de l’Office daté du 24 octobre, un plan d’urgence avait été activé à partir du 24 septembre afin de créer 11 centres d’hébergement d’urgence dans le pays [2] pour accueillir un total de 3 679 personnes déplacées [3], ce qui était bien en deçà des besoins.
Les camps de Beyrouth
Dès le déclenchement de l’offensive israélienne contre le Liban, la banlieue sud de Beyrouth, la Dhahiyeh, a subi d’intenses bombardements. Les camps de Borj al-Barajneh et Shatila situés au sud de la capitale ont également été touchés.
Deux tiers des résidents ont dû fuir soit en ville chez des parents ou vers d’autres régions. D’autres sont restés, malgré les ordres d’évacuation lancés par l’agresseur, ne sachant où aller, tandis que des dizaines de familles étrangères au camp de Shatila y avaient cherché refuge. Quelques associations locales ont bien tenté de soulager la détresse des plus démunis, en particulier de ceux qui nécessitaient des soins, le dispensaire de l’Unrwa ayant été fermé et les hôpitaux libanais ne prenant pas en charge les réfugiés palestiniens.
Le seul camp relativement sûr et qui a conservé ses structures sociales et organisationnelles, est le petit camp Mar Elias, situé dans Beyrouth. Des centaines de familles palestiniennes, libanaises et syriennes, forcées de fuir le Sud-Liban et le sud de Beyrouth, y ont trouvé refuge. L’Unrwa est resté sur place avec son dispensaire et assurait le service de traitement des déchets, mais n’y avait pas installé de centre d’hébergement officiel. Le camp a pu faire face au défi que représente l’accueil de ces réfugiés, même si évidemment les problèmes étaient énormes.
Les camps du sud
Les camps de Rashidiyeh (l’un des plus grands), d’al-Buss et de Burj al-Shamali (l’un des plus pauvres) et les regroupements de la région de Sour (Tyr) étaient également ciblés depuis le 23 septembre 2024 puisque l’armée israélienne projetait d’instaurer une zone tampon de la frontière au fleuve Litani. Des bombardements ont causé des morts et des blessés.
Les déplacements forcés ont commencé dès cette date et se sont accentués lorsque l’armée israélienne a émis le 31 octobre un ordre d’évacuation immédiate des villages du sud de Sour, des camps de Rashidiyeh et Burj al-Shamali ainsi que des regroupements de Shabriha, Jal Al-Bahr, et Al-Qasimiya. Des milliers de Libanais, Syriens et Palestiniens confondus, se sont déplacés, quand ils le pouvaient, vers le centre-ville de Sour ou les camps du nord du pays, Beddawi et Nah el-Bared. Près de la moitié des habitants ont quitté les camps alors que peu avant des Libanais ayant fui le Sud s’y étaient réfugiés. L’Unrwa a indiqué avoir suspendu la plupart de ses opérations dans cette région, y compris ses services de santé, en raison de la détérioration de la situation sécuritaire et du déplacement de son personnel.
À Rashidiyeh, la détérioration des poteaux à haute tension avait entraîné la coupure de l’électricité. Des milliers de familles de ce camp vivent de la pêche, mais l’armée israélienne visait des pêcheurs et le bord de mer avant même d’ordonner l’évacuation. Les ouvriers agricoles, eux non plus, ne pouvaient plus travailler en raison de l’insécurité et des destructions des cultures. Le camp d’al-Buss situé à quelques encablures était logé à la même enseigne. Il a de plus été directement visé par une frappe israélienne fin septembre, tuant un dirigeant politique et sa famille.
Situé au sud de la ville de Saida, le camp de Ain al-Hilweh, le plus grand de tous, a accueilli des milliers de déplacés dans des conditions extrêmement difficiles en raison du surpeuplement, du manque de moyens de subsistance et de soins. L’Unrwa a pris en charge dans des écoles et autres lieux à Saida plus de 400 familles de déplacés, ce qui était bien insuffisant.
Les autres camps
Lorsque la plaine de la Bekaa a également été prise pour cible par l’armée israélienne, le petit camp al-Jalil (Wavel) a subi lui aussi un afflux de réfugiés qu’il peinait à contenir. De 8 000 habitants il était passé à 12 000, alors que la promiscuité et la pauvreté y étaient déjà très répandues. Des familles syriennes et libanaises y ont trouvé refuge quand les alentours ont été bombardés. Des familles du camp al-Jalil ont fui vers d’autres régions de l’ouest et du centre de la vallée de la Bekaa, ou se sont rendues dans la ville de Tripoli.
Si des bombardements ciblés ont fait des victimes dans les deux camps du Nord, Beddawi et Nahr el-Bared, la région n’a pas connu de feu incessant. Beddawi, un petit camp de moins de 10 000 habitants, a accueilli le plus grand nombre de déplacés (près de 30 000) en plus de ceux de Nahr el-Bared qui avaient dû fuir leur camp en 2007. Parmi ces réfugiés, des milliers de familles syriennes et libanaises déplacées du Sud-Liban [4]. Le camp Nahr el-Bared, totalement détruit en 2007, n’a toujours pas été entièrement reconstruit mais a également accueilli des nouveaux réfugiés. L’Unrwa y avait installé des abris pour environ 350 familles.
Mi-octobre, l’Unrwa avait annoncé vouloir travailler avec des partenaires locaux pour fournir un soutien et des services aux personnes déplacées accueillies dans ses centres d’hébergement depuis l’activation du plan d’intervention d’urgence [5].
Ces partenariats ont été mis en place dans un contexte de protestations des réfugiés qui considéraient que le plan d’urgence n’était pas mis en œuvre, alors que des locaux de l’Office dans les camps de Rashidiyeh et Burj al-Shamali avaient été fermés et que tous les services de santé et d’aide avaient disparu. Ces partenaires, parmi lesquels Najdeh et Beit Atfal as-Soumoud, des organisations avec lesquelles collabore l’AFPS, ont contribué à fournir des services comprenant la distribution de nourriture, les soins de santé et le soutien psychosocial, très insuffisants face aux énormes besoins de cette population.
Et maintenant ?
La situation au sud du Liban reste très incertaine en raison de la poursuite des bombardements de l’armée israélienne malgré le cessez le feu. La vie des réfugiés palestiniens a été fortement déstructurée par cette nouvelle offensive militaire. La précarité dans laquelle ils vivaient auparavant n’a fait que s’accentuer. La plupart continuent de dépendre totalement des aides des organisations internationales ou des association locales, tandis que l’Unrwa ne peut porter secours qu’à une infime partie d’entre eux. Même si les réfugiés ont progressivement retrouvé leurs camps, il faudra un certain temps avant de rétablir la situation d’avant la guerre. Si les maisons des camps n’ont pas été entièrement détruites, nombre d’entre elles ont subi de tels dommages qu’elles ne peuvent plus être habitées, mais faute d’alternatives, les familles sont contraintes d’y rester.
Beaucoup ont perdu leurs moyens de subsistance. Au sud, les ouvriers agricoles ne peuvent travailler car les terres sont soit détruites soit polluées. Les pêcheurs ont souvent perdu leurs outils de travail. Les employés dans le bâtiment n’ont pas encore pu reprendre leur activité en raison de la forte détérioration de la situation économique du pays. En conséquence, de nombreux rassemblements sont organisés devant les locaux de l’Unrwa dans le sud du pays pour exiger l’amélioration de leurs conditions de vie, la mise en place de plans d’urgence et de services de santé, car la plupart des réfugiés ne peuvent plus subvenir seuls aux besoins de leurs familles.
Le Liban, qui à l’issue de cette nouvelle guerre d’Israël s’est doté de nouveaux Président de la République et Chef du gouvernement, tente de sortir de l’instabilité politique chronique et de la crise économique endémique. Dans ce contexte, le projet inconcevable de Trump de déportation de la population de la Bande Gaza vers les pays voisins alerte au plus haut point les responsables. Déjà ils anticipent un nouvel exode de Palestiniens vers le Liban mais, plutôt que de refuser catégoriquement tout nettoyage ethnique dans Gaza, le Président Joseph Aoun « a plaidé pour une solution concertée impliquant plusieurs acteurs internationaux, en insistant sur la nécessité d’un plan global de répartition des réfugiés, afin que leur accueil ne repose pas exclusivement sur les pays frontaliers d’Israël ». Il demande d’ores et déjà des aides internationales pour y faire face6 [6]. Il faut agir pour que ce projet démoniaque ne voie pas le jour..
Notes
[1] L’article faisant état de ce rapport date du 22 octobre 2024. Le rapport lui-même n’a pas été publié sur le site web de cette organisation. Lire en arabe
[2] Un à Beyrouth, un dans la Beqaa, cinq à Nahr el-Bared et quatre à Saida
[3] https://refugeesps.net/post/29194
[4] Le 28 octobre 2024, en arabe
[5] Mis en place dès l’offensive israélienne, il consiste à mettre à l’abri des familles déplacées et assurer une assistance
[6] Libnanews
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