Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

L’art public malmené au Québec : une honte nationale !

Le RAAV | Regroupement des artistes en arts visuels du Québec prend position contre la destruction de deux oeuvres d’art public, l’une déjà détruite à Québec, l’autre annoncée à Montréal. Une contribution publiée dans Le Devoir d’aujourd’hui 2 juillet 2015.

J’abonde...

Le Quart-monde artistique québécois...

Le destruction à Québec du Dialogue avec l’Histoire de Jean Pierre Raynaud et celle annoncée de la fontaine partie de l’oeuvre « Agora » de Charles Daudelin à Montréal ne sont que le débilitant reflet du sous-développement chronique des arts et métiers d’arts visuels du Québec typique du Quart-monde. Si nous avons depuis la Révolution tranquille réussi collectivement à faire se déployer ici et partout dans le monde les oeuvres de nos artistes, autant en littérature que dans les arts de la scène, en télévision, en cinéma, jusque même en danse, sans parler des autres grands et petits cirques ordinaires du rire, nous avons lamentablement échoué en matière d’arts et de métiers d’arts visuels. 60 ans après l’expatriation de Riopelle, nous sommes incapables d’exporter l’art de nos artistes en arts et métiers d’arts visuels. AUCUN n’a pu se hisser à partir du Québec aux plus au sommet des arts et métiers d’arts visuels internationaux. Ni Marc-Aurèle Fortin, ni Borduas, ni Pellan, ni Daudelin, ni Jean-Paul Lemieux, ni Molinari, ni Jordi Bonet, ni Betty Roodish Goodwin, ni Serge Lemoyne, ni René Derouin, personne n’a pu faire ce qu’à pu faire Riopelle... Seul lui a pu être admis dans les maisons de ventes et d’enchères internationales, Christie’s, Sotheby’s ( ICI-RC-2012 06 06 | Un Riopelle établit un nouveau record | ICI.Radio-Canada.ca ) parce qu’il a été un artiste... français, au sens du marché, un artiste québécois expatrié en France.

Normal, nos technocrates de l’art incompétents ne se sont pas souciés depuis 60 ans de développer au Québec un marché de l’art conséquent. Ils ne savaient pas comment faire... pourtant, il,elles ont prospéré... en se contentant de créer plus d’une demi-douzaine de Facultés d’arts visuels pour former des artistes dont le seul débouché tangible a été, est toujours... d’enseigner dans les collèges et universités, ou de faire autre chose... Facile à comprendre, la bisenisse universitaire est dotée d’une formule éprouvée sans risque aucun ; suffit de construit un immeuble, d’engager des professeurs et... le ministère de l’Éducation nationale finance le tout, la formule a été mise au point au Moyen-Âge. Par contre... difficile à comprendre comment faire pour financer la production d’un artiste et s’occuper ensuite de sa diffusion, beaucoup d’appelé,es, peu d’élu,es. Le facteur humain est essentiel et crucial. Il faut des marchand,es d’arts allumés, branché,es sur les forces vives de la nations, et doté,es de ce qu’il faut de talent, d’entregent, de pouvoir de persuasion, de jugement seul capable de réunir les ressources humaines et financières nécessaires au développement de la carrière de chaque artiste qu’il,elle prend sous son aile. Comme l’a par exemple fait René Angelil pour Céline Dion et d’autres artistes ; comme l’ont fait Marguerite et Aimé Maeght à Paris, associé,es à Pierre Matisse à New York, pour Riopelle, ce, de ses débuts jusqu’à leur mort.

Nous en sommes réduit,es ici encore à ne vraiment célébrer que des artistes québécois qui ont dû s’expatrier pour se déployer ( David Altmejd ). Nous en sommes réduit,es encore ici à ne cautionner véritablement que les artistes ayant seuls obtenus par expatriation la sanction internationale. Nous en sommes encore, 65 ans après l’expatriation de Riopelle, au même point... incapables de faire se déployer ici au Québec un artiste de manière telle qu’il puisse exporter ses oeuvres partout dans le monde, comme l’ont fait, le font la France, l’Allemagne, l’Italie ; comme si 65 ans plus tard, la grande noirceur duplessiste n’avait pas fait place aux Lumières de la Révolution tranquille. Même Marc Séguin a dû s’expatrier à NY...

Comme s’il avait fallu attendre que Las Vegas célèbre Celine pour que nous lui accordions quelques valeur et intérêt. Or, quand on a compris le succès d’un certain Félix ( 1950 à 1953 ), expatrié à Paris en même temps que Riopelle ( 1949 à 1990 ) après la publication du Refus global ( 9 août 1948 ), nous avons fait en sorte que Félix revienne - mais pas Riopelle - pour doper le développement d’un art propre de la chanson québécoise émanant du Peuple, surgissant de l’âme du Peuple Souverain du Québec, intimement soudée à son développement sociétal, culturel, artistique, économique et politique, un Peuple désormais et pour toujours, souverain culturellement et artistiquement... qui a su grâce à des élites conséquentes organiser l’édification d’un marché de la chanson française du Québec... sans cesse plus développé, performant, qui rompait avec l’expatriation forcée de nos artistes.

Depuis, de multiples générations d’artistes ont chaque fois légué aux suivantes, plus qu’elles n’avaient reçues des précédentes, de Lionel Daunais à la Bolduc, de Alys Roby à Lucille Dumont, de Jacques Normand à Félix Leclerc, de Pauline Julien à Gilles Vigneault, de Ferland à Charlebois/Forestier ( créant dans la foulée Yvon Deschamps et l’art du rire ), de Plamondon/Dufresne à Beau Dommage et Paul Piché, de Harmonium à Céline Dion et Roc Voisine, de Marjo aux Colocs, des Locos Locass à Pierre Lapointe, Ariane Moffatt et autres Yann Perreau et j’en passe et des meilleurs... Pareil pour la littérature, pour les autres arts de la scène et des écrans, théâtre, musique classique et contemporaine, danse, télévision, documentaires. Nos artistes ont pu exporter en lieu et place de s’expatrier, Michel Tremblay, Robert Lepage, Édouard Lock et autres Xavier Dolan, parce que l’on a pu et su rassembler les personnes et les ressources utiles pour développer un marché de l’art conséquent.

Pendant ce temps-là, Riopelle est resté à Paris, rien n’a été fait de conséquent pour qu’il soit intégré à ce grand bond en avant culturel et artistique québécois qui nous a fait passer en moins de 20 ans, du vide au plein... tout ce qui a été fait, et tout ce qui n’a pas été fait de comparable pour autres arts n’a été en mesure de développer un marché des arts et métiers d’arts visuels du Québec conséquent... capable de propulser nos artistes aux plus hauts sommets de l’art international, et ce n’est pas faute de produire un oeuvre en mesure de concurrencer celles des artistes internationaux.

Ce lamentable et coupable échec se prolonge aujourd’hui dans le navrant spectacle de la destruction d’oeuvres d’art, en toute suffisance et impunité. Le succès international de Riopelle, loin de nous inspirer quelque sursaut à l’époque, s’est abîmé dans son triste naufrage une fois de retour au Québec en 1990. Non seulement nos technocrates de l’art n’ont pas saisi l’occasion de son retour comme on se saisit d’un levier, on ne s’est pas contenté de ne pas l’aider, mais on a tenu à nuire à ses projets... on lui a refusé tout support quand il a voulu créer sa Fondation dans l’ancienne prison des Plaines... Le MNBAQ et le MCC n’ont rien trouvé de mieux que de lui ravir l’espace pressenti pour agrandir son musée. ( Cf : Riopelle ou les obsèques nationales de la honte | Le Soleil | 2002 03 19 ). L’échec ne fait de perdurer sans espoir de renversement aucun.

Mais ça, ne faut pas le dire, ça nuit aux affaires des artistes et des galeries... ça dérange... ça effraie à la clientèle déjà dubitative... Pendant ce temps-là, le MCC, les Conseils de la culture, restent outrageusement silencieux devant le saccage...

Nous disposons de plusieurs facultés universitaires d’arts visuels... de luxueuses installations muséales, mais le seul débouché pour les artistes et historien,nes de l’art formé,es par les universités sont... l’enseignement et une job dans les musées ou les ministères... restent quelques rares 1% qui sont tout sauf de l’intégration de l’art à l’architecture... ( chacun son petit caca nerveux... dans un pot bien délimité, limité, aseptisé... )

Pourtant, comme disait Léo Ferré dans Préface à Poètes... vos papiers ( 1956 ) : « tout est prêt : les capitaux, la publicité, la clientèle, » les expertises, les talents, les oeuvres, les artistes, la formule, mais tout ça se trouve obstinément dispersé, isolé.

Ne reste qu’à rassembler les tous les éléments isolés de cette dispersion... désespéramment pérenne. Si nous l’avons fait pour les arts de la scène, pour la littérature, pour les écrans télés, cinémas, voire aussi internautique, rien ne justifie qu’on se croit incapable de le faire aussi pour les arts et métiers d’arts visuels du Québec, sauf le fait de... s’en croire incapables, né,es pour un petit pain...

Qu’est-ce qu’on attend ?

Qu’est-ce qu’on attend pour faire se rencontrer, les arts et métiers d’arts visuels d’ici et... les autres arts... le Québec inc., nos développeur,euses et entrepreneur,es économiques et financiers se déployant ici et partout dans le monde... les élu,es... Le Peuple... pour faire intime et fertile synergie... sociétales, architecturale et urbanistique...

Luc Archambault

Artiste et citoyen

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