Édition du 12 mars 2024

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Terrorisme

L’état d’urgence : une sécurité de façade au péril de la démocratie et de la liberté

Le Parlement français, les 19 et 20 juillet 2016, a voté la prolongation de l’état d’urgence. Notre pays adhère ainsi à un régime d’exception privatif de libertés qu’il dénonce pourtant ailleurs dans le monde, en Turquie par exemple après le putsch manqué contre le président Erdogan. La « patrie des Droits de l’homme » ne serait-elle plus qu’une démocratie autoritaire parmi d’autres, prompte à voter des lois liberticides tout en s’enorgueillissant d’un passé qui ne dit plus grand-chose de son présent ?

Paris, 18 juillet 2016.

Les attentats, bien sûr, et près de deux cent cinquante morts en dix-huit mois. La protection des citoyens et des institutions, forcément. Voilà les arguments qu’il nous faudrait entendre pour ne pas contester à l’État de droit celui d’augmenter les pouvoirs de police sans contrôle du juge (fouilles, perquisitions, écoutes, arrestations, gardes à vue, fichages), d’autoriser le renseignement civil et militaire à investir ordinateurs et téléphones au gré des dénonciations et autres délits de faciès, de réduire les droits de réunion, d’association, d’expression, de justifier l’arbitraire et les « bavures » dans l’espace public et privé, de permettre, ultime forfaiture, à l’exécutif le contrôle de la contestation politique et sociale sans lien avec la terreur islamiste.

À la violence barbare, la France répond par une violence d’État qu’un vote parlementaire légitime. A-t-elle oublié, la France, que l’on ne répond pas à la guerre et à l’agression par la guerre et par l’agression sauf à vouloir que le conflit ne s’étende et en tirer bénéfice économique et géopolitique ? Seul le désir de paix fait cesser la guerre. Seule la garantie de la liberté fait reculer l’arbitraire et l’injustice. Les victimes des attentats perpétrés en métropole ces dix-huit derniers mois posent la question de l’hommage à leur rendre, de l’avenir que l’on souhaite à notre pays. Leur sang et les larmes de leurs proches appellent-ils la guerre ou la paix, la coercition ou la liberté ?

La classe politique a répondu en votant pour six mois de plus l’état d’urgence sur fond de stigmatisation des musulmans et des étrangers, désignant ainsi des coupables préfabriqués à la vindicte populaire, celle-là même qui en appellerait (c’est bien un conditionnel) à moins de liberté et à plus d’exclusion, celle-là même qui n’aurait (toujours un conditionnel) rien à se reprocher jusqu’au jour où un délateur, une bévue ou un nouvel interdit décidera du contraire. Une question demeure : à qui profite le crime, aux totalitaires de Daech ou aux autoritaires et à la gent épicière de France ?

La nuance existe encore, mais pour combien de temps ? Il est celui d’oser être séditieux en appelant chacune et chacun à résister par tout moyen non violent aux atteintes qui seront faites aux libertés individuelles et collectives, protester, manifester, s’indigner, crier, chanter, écrire, peindre, rire, rêver, penser, relever la tête, ne pas céder au populisme fut-il « de gauche », toujours exiger le respect du droit dans la fraternité. Cy Jung vous enjoint à tout cela, et plus encore1 [*], pour la République, pour la liberté, pour la paix.

Cy Jung, écrivaine, 24 juillet 2016

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Mots-clés : France Terrorisme

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