Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Entretien avec Christine Delphy (deuxième partie)

L’islamophobie à la française

Seconde partie d’un entretien avec la sociologue féministe Christine Delphy, auteure de plusieurs textes analysant le sexisme et le racisme qui ont présidé aux lois contre le port du foulard (2004) et du voile (2010). La première partie est disponibleici.

(tiré du Nouvel Observateur)

La France n’est pas le fanal du monde

S.D. Plus de 60 % des Français.es seraient opposé.es au port du voile dans la rue [1], plus de 80 % le seraient au port du voile et même du foulard, par des femmes travaillant dans un lieu accueillant du public (commerce, supermarché, cabinet médical, crèche, école privée comme école publique…) [2] ; et, désormais, près de 80 % le seraient au port de l’un comme de l’autre dans les universités [3].

Que répondez-vous à celles et ceux qui, comme Élisabeth Badinter, font valoir que « dans la religion musulmane, le voile doit être porté parce que les cheveux, voire même le visage de la femme peuvent tenter l’homme et inciter au péché » et que si « nombre de femmes portent le voile par conviction, mode ou convention », néanmoins « certaines le portent également parce qu’elles y sont obligées et que, si elles ne se soumettent pas, (elles) sont traitées de mauvaises musulmanes ou de filles dévoyées » [4] ? ou à celles qui comme Cynthia Fleury, arguent que dans les 3 religions monothéistes, « le voile raconte une histoire de différenciation inégalitaire entre l’homme et la femme. Point barre (sic) » ?

C.D. Je ne puis que redire ce que j’ai dit déjà à ce sujet, par exemple dans « La fabrication de l’ ’Autre’ par le pouvoir » [5] : tous les vêtements sont signifiants, tous les vêtements sont des signes, tous les vêtements sont genrés. Ils expriment les rapports sociaux de sexe, la hiérarchie entre les hommes et les femmes, et ils y participent. Les vêtements dits « féminins », les vêtements ajustés qui entravent les mouvements, les talons hauts, qui ralentissent la marche, tout comme le voile intégral (niqab), qui limite aussi la mobilité et le confort, donnent à vivre et à voir que pour convenir aux hommes, il faut que les femmes contraignent “volontairement” leur corps, qu’elles se privent de la possibilité de courir, qu’elles autolimitent leur liberté de mouvement. L’attribution aux femmes de vêtements dans lesquels elles ne sont pas à leur aise résulte de leur infériorité statutaire, et en même temps qu’elle la signifie, elle y concourt [6]. Mais en France c’est seulement le voile intégral que l’on veut remiser au placard. Même s’il est vrai qu’il relève d’une exigence de pudeur ne s’adressant qu’aux femmes, comment se fait-il qu’il soit constitué en signe par excellence de leur soumission à la domination patriarcale ?

Élisabeth Badinter, Cynthia Fleury et beaucoup de féministes françaises semblent, curieusement, ne pas s’offusquer de la disponibilité sexuelle requise des femmes et signifiée notamment par les vêtements « sexy ». Au lieu de cela, elles répètent à l’envi que le foulard ou le voile sont avant tout et à jamais des emblèmes de l’assujettissement à une religion et à une culture qu’elles estiment être particulièrement sexistes.

Ce disant, elles cautionnent des hommes politiques qui tentent de légitimer des positions postcoloniales et islamophobes en les enduisant d’un pseudo-féminisme.

En passant, je rappellerais qu’Élisabeth Badinter n’a pas hésité à partir en guerre dans Fausse route (2003) contre les féministes dénonçant les violences envers les femmes, et qu’en 2011, elle a aussi fait partie de celles qui ont pris la défense de DSK contre les féministes [7]. Dans Classer, dominer, j’ai montré comment l’attribution du sexisme aux musulmans allait de pair chez elle avec le déni de l’oppression des occidentales.[8]

S. D. Que pensez-vous de l’opinion, implicitement défendue par Élisabeth Badinter, Cynthia Fleury, Manuel Valls et Cie, selon laquelle la France devrait se constituer en exemplaire matrice des droits des femmes [9] ?

C.D. : On voit ici une mégalomanie française à l’œuvre [10]. Non, la France n’est pas le fanal du monde, ni sa conscience ; prendre des mesures islamophobes ne risque pas d’améliorer le sort des femmes afghanes, ce serait plutôt le contraire !

Cette mégalomanie, cette nostalgie de l’ère de Louis XIV, où la France jouait dans le monde un rôle important, pousse nos hommes politiques à se comporter de façon à la fois ridicule et contre-productive : à donner, partout où ils vont, des leçons aux autres pays. Ils devraient plutôt, avant de poser aux défenseurs des droits humains, commencer à les appliquer en France : se soucier des enfants, qui sont violés et tués par leurs parents dans l’indifférence générale et l’inaction de l’État [11], réduire la détention préventive – avant jugement – dont la durée moyenne est de un an et demi, cesser d’entasser 4 détenus dans une cellule de 9 m2 – quand chaque prisonnier est censé disposer de 4m2 (ce qui ne paraît pas une requête extravagante, puisque l’Union européenne exige des agriculteurs la même superficie pour chaque poule pondeuse) ; ce ne sont que quelques exemples, car la liste est longue des réformes du système judiciaire et pénal qui seraient nécessaires pour mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux et avec ses propres lois.

Ces faits sont connus « à l’international » (comme dit Fleury). Cela entame quelque peu la crédibilité de nos hommes politiques et de leurs sermons. Il ne suffit pas de se proclamer « le pays des droits de l’homme », quand tout le monde peut voir que le petit caporal est tout nu. « A l’international », et aussi « au national », on voudrait que ce pays, avant de parler, balaie devant sa porte.

S. D. Que pensez-vous du sort qui a été fait à Amina ?

C. D. Ce qui lui est arrivé a été horrible, et elle n’imaginait sans doute pas de telles conséquences. Mais en France aussi, il est interdit aux femmes d’être torse nu. Cependant interdire que des femmes se couvrent comme elles l’entendent, ce n’est pas mieux.

C’est aussi mal d’interdire que d’obliger, cela a été dit maintes fois, et en particulier en 2004 par Shirin Ebadi, l’iranienne qui a eu le prix Nobel et qui lutte contre l’imposition du tchador.

S. D. Néanmoins, vous ne partagez pas le point de vue de Manuel Valls, qui le 7 février dernier a repris la perche islamophobe que lui a tendue Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, considérant dès lors qu’il y un « fascisme islamiste » en Tunisie [12]. En 2005, vous faisiez l’hypothèse que sévissait en France un système de castes raciales et que les Français.es non blanc.hes étaient maintenu.es dans une citoyenneté de seconde zone [13]. La société française n’aurait-elle donc pas rompu avec le racisme colonial ?

C. D. La déclaration de Manuel Valls sur le ‘fascisme islamiste’ » qui menacerait la Tunisie (le 7 février 2013), était typique de cette même mégalomanie ; elle pousse des hommes politiques à insulter d’autres pays. La Tunisie a convoqué l’ambassadeur de France – mais personne dans le gouvernement français ne s’est excusé. Et cette ingérence dans les affaires d’autres pays, surtout quand ces autres pays ont été colonisés par la France, ne peut produire qu’un réflexe nationaliste en faveur du phénomène critiqué par l’ex-colonisateur. On peut parier par exemple que les salafistes tunisiens se sont réjouis de cette déclaration, qui a sans nul doute apporté quelques recrues de plus à leurs rangs, en confirmant que l’Occident hait les musulmans.

Et, dans le cas de Manuel Valls, ils ne se trompent pas. Sa haine de l’islam exsude de tout son discours, et de toutes ses mimiques faciales. Mais la haine n’est pas importante si on ne lui permet pas de devenir agissante. Or, on permet à Valls d’agir, et d’enfreindre nos lois – qu’il est censé faire respecter – à chaque fois qu’il ouvre la bouche. Ainsi, il contrevient toutes les semaines à la loi de séparation des églises et de l’État (loi de 1905), en demandant aux musulmans de « se réformer », et de présenter un front uni, et « convenable » : sans extrémistes. C’est absurde, car aucune religion, y compris les plus organisées, comme l’Église catholique, ne peut contrôler les interprétations qui sont faites d’elles ; toutes les religions ont leurs « conservateurs » et leurs « réformistes », et toute la gamme entre les deux. Mais surtout, ce n’est pas le rôle de l’État que d’organiser les religions. Son rôle, et son obligation sont exactement inverses ; la loi de 1905 interdit à l’État de s’ingérer dans les religions, comme aux religions de s’ingérer dans l’État.

Manuel Valls pratique ici la politique dite « gallicane » de Louis XIV, suivie par Napoléon, qui voulait une Église (catholique) « française », qui suive les instructions de l’État et non celles de sa propre hiérarchie. Monsieur je-sais-tout, qui sait mieux que les femmes ce que sont les femmes [14], sait aussi ce qu’est l’islam mieux que les musulmans. Mais il ne suit cette politique qu’en ce qui concerne l’islam – (et les femmes, car il ne dicte rien aux hommes) : il ne se mêle pas des affaires des catholiques, ni de celles des juifs, des bouddhistes, ou des protestants ; d’ailleurs personne ne s’en est mêlé depuis longtemps.

L’État français n’a pas pris parti dans la querelle qui a suivi le concile dit « Vatican II », et abouti à l’excommunication des évêques traditionnalistes, comme Mgr Lefebvre, qui continuaient à dire la messe en latin et non en langue du pays (cette excommunication a été annulée par Ratzinger quand il est devenu Benoît XVI). Les États n’ont pas commenté les nombreux scandales qui ont fini par atteindre l’Église catholique dans le monde entier, quand il a été révélé que toute la hiérarchie catholique – papes y compris, du premier au dernier – a protégé les prêtres qui violent les enfants. Mieux, l’État ne se défend même pas contre les ingérences de cette église catholique, la dernière en date étant celle du nouveau pape : sa demande faite à l’UMP d’abroger dès que possible la récente loi sur le mariage pour tous !

Valls trouve très mal le voile qui « signifie l’infériorité de la femme » mais très bien la kippa (qu’on peut « porter avec fierté »), qui signifie la supériorité de l’homme. Il ne trouve rien à redire aux crânes rasés, puis recouverts de perruques des juives orthodoxes, qui à ses yeux, ne les empêcheraient nullement, contrairement au voile et au foulard, « d’être ce qu’elles sont ». Il ne demande pas au judaïsme de se débarrasser des Hassidim, pas plus qu’il ne demande aux catholiques d’en finir avec les traditionnalistes.

Non, d’un ministre de l’intérieur à l’autre, de Sarkozy à Hortefeux et de Guéant à Valls, on n’entend que des exhortations à se réformer adressées aux croyant.es qui ont le moins, à ceux qui ne bénéficient d’ aucune subvention – alors que les églises catholiques sont entretenues par l’État et les collectivités ; les seul.es qui ne demandent rien, ni argent ni permission d’organiser des processions sur la voie publique – permission prévue par la loi de 1905 et accordées aux catholiques ; ceux qu’on culpabilise sans arrêt, qu’on accuse sans aucune raison de vouloir remplacer le code civil par la charia, qu’on traîne dans la boue à tout bout de champ.

Mais l’État n’a aucun droit de demander à quelque religion que ce soit de « se réformer », il n’a aucun droit de prétendre constituer un « islam français » (ou un « bouddhisme français »).

L’État, par ses ministres de l’intérieur, ne se permet de le faire à l’encontre des musulman.es que parce qu’il est en face d’une communauté exploitée et humiliée depuis presque deux siècles, une communauté de descendant.es de colonisé.es qui sont elles-mêmes et eux-mêmes discriminé.es et insulté.es tous les jours.

Cette islamophobie d’État surfe sur une « opinion publique » qui, selon les sondages, est elle-même islamophobe.

Ou peut-être est-ce l’islamophobie d’État qui crée, ou au moins encourage cette opinion publique ? Car après chaque mesure islamophobe, on voit l’islamophobie monter dans les sondages et dans les comportements. Cela n’est pas pour étonner.

Le foulard interdit à l’école donne aux gens le sentiment que le foulard est « mauvais » : et s’il l’est à l’école, comment serait-il « bon » ailleurs ? La loi sur le voile intégral, renchérissant sur la loi contre le foulard, a aussi conforté et disséminé l’idée que l’islam est « quelque part » illégal. Bien sûr, sinon pourquoi ses signes seraient-ils devenus illégaux ?

La responsabilité des politiques

S.D. Fort heureusement, en réponse aux recommandations du Haut Conseil à l’intégration, qui visent à limiter chez les étudiant.es les possibilités d’expression d’une opinion religieuse, et notamment, bien sûr, le port du foulard, Geneviève Fioraso a rappelé que l’université est « le lieu de toutes les cultures », et qu’il faut poursuivre l’objectif que les jeunes filles qui portent le voile y entrent car « le fait de faire des études est un facteur d’émancipation » [15]. Mais Valls a jugé bon de répéter qu’il était lui « partisan d’une laïcité qui permet d’émanciper les femmes » [16]. Or il venait de déclarer « dignes d’intérêt » [17] les propositions du HCI dont la mise en œuvre priverait un certain nombre de musulmanes de la possibilité de faire des études supérieures…

Il peut bien dès lors, dire, le 1er août, qu’ « il y a trop de mots, trop de gestes, trop d’hostilités qui visent aujourd’hui les musulmans de France » ou déclarer, le 31 juillet, « combattre férocement ceux qui commettent des actes racistes à l’encontre des musulmans », il peut bien condamner les profanations de mosquées ou les agressions de femmes voilées, et qualifier celle commise le 11 août à Trappes de « manifestation de haine et d’intolérance anti-musulmane qui porte atteinte aux valeurs de la République et au principe de liberté de conscience » …

Lui-même ne cesse de signifier que la République française ne saurait admettre que des musulman.es deviennent un peu trop visibles…

Dès lors, même si Benoît Hamon, le ministre de l’Économie sociale et solidaire dénonce, le 13 août, « la stigmatisation systématique de l’Islam, les amalgames entre Islam et terrorisme ainsi que la violence verbale ordinaire à l’encontre des musulmans » qui « permettent à certains de se sentir autorisés à franchir le cap de la violence physique », tant que Valls demeurera au ministère de l’Intérieur, l’islamophobie se trouvera encouragée. [18]

C. D. Les politiques portent ici une grave responsabilité ; en créant l’idée que la visibilité de l’islam est condamnable - et elle doit bien l’être… puisqu’elle est condamnée – ils créent l’idée que l’islam lui-même est condamnable, et devrait être interdit. Mais l’islam, ce n’est pas une idée, ce sont des gens, et pour l’immense majorité, en France, les musulman.es sont des français.es.

Elles et ils ne vont pas partir – pour aller où ? Et qui aurait le courage politique de les chasser, comme l’inquisition a chassé les juifs…et les musulmans d’Espagne du 14e au 17e siècle ? (C’est là d’ailleurs que cet « international » tant aimé de C. Fleury aurait son mot à dire. Ou plutôt, il le dit déjà, sur la loi de 2004 contre le foulard à l’école, et sur les Roms, car le racisme français est condamné à l’international.)

En attisant la haine d’une partie du peuple français, la majorité, contre la minorité musulmane, ce sont donc les conditions d’une guerre civile larvée que sont en train de créer, avec la bénédiction des gouvernements qui les ont nommés, nos ministres de l’intérieur. Cette guerre a commencé avec les émeutes de 2005, se déroule dans tous les ghettos, et atteint maintenant les centres-villes ; les agressions de femmes portant foulard à Argenteuil, Reims, Orléans [19] en témoignent. Elle se joue à Trappes, avec un énième contrôle de « voile intégral » par une police brutale, allant bien au-delà de ce que la loi de 2010 lui permet, soit un simple contrôle d’identité, une police qui n’a apparemment rien de mieux à faire, par exemple arrêter les conjoints violents, les pères incestueux, prévenir le viol ; une police dont les agissements illégaux [20] sont couverts, avant toute enquête, par un procureur, et, comme d’habitude, par le ministre de l’Intérieur.

Le véritable rôle, la mission et le devoir des ministres de l’Intérieur, c’est de garantir la paix civile ; celui de Manuel Valls eût été, non d’encourager l’agressivité et le racisme de la police et des citoyen.nes, mais au contraire de rappeler la loi : de déclarer fermement que l’islam a, comme les autres religions, le droit d’exister et le droit d’être visible, et que ces droits font partie des droits fondamentaux et inaliénables.

Avec sa fameuse phrase « le voile qui empêche les femmes d’être ce qu’elles sont (sic) restera pour moi et doit rester pour la république un combat essentiel » [21], Manuel Valls a donné le signal que la chasse aux musulmanes était légale et ouverte.

Les dix agressions contre des femmes qui ont eu lieu en mai, en juin, en juillet, à Argenteuil, à Reims, à Orléans, sont le résultat prévisible de cette déclaration. Pendant un mois et demi après la première agression du 20 mai, Valls reste sourd et aux demandes d’audition des associations musulmanes et refuse de recevoir les victimes. Mais Hollande, ayant admis le 24 juin qu’il s’agissait d’actes anti-musulmans, Valls doit lui emboîter le pas. Le 28 juin, avec cinq semaines de retard, il se décide enfin à recevoir les victimes. Mais ce n’est que le 20 juillet qu’il promet que ces agressions seront poursuivies.

Qu’il ait été forcé de manger son chapeau cette fois est une bonne nouvelle : par la déclaration de Hollande, celles de plusieurs membres du gouvernement, dont la ministre Fioraso, s’opposant à l’exclusion des femmes portant foulard de l’université, grâce à la déshérence du haut comité à l’intégration, qui n’avait eu de cesse de prôner des lois de plus en plus islamophobes, le gouvernement semble se rendre compte, enfin ! que frotter des allumettes n’aboutit

… qu’à allumer l’incendie. Mais cette sagesse tardive ira t-elle jusqu’à se séparer des pyromanes en son sein ?

Non, pas encore, car on a laissé Valls, le 2 août, assortir ses promesses de protection des musulman.es de menaces à l’endroit de « ceux qui voudraient faire de la France un terrain de conquête ; qui voudraient, au nom d’une croyance dévoyée, imposer d’autres lois que la loi de tous. »

Qui ça ? Qui veut « imposer d’autres lois » ? Où ? Comment ? Car il faut le rappeler : les femmes que Valls a en tête et qui portent le voile intégral sont défendues par les lois supérieures – celle de 1905, et les conventions internationales –, les vraies lois de la République, contre une pseudo-loi qui n’est pas « la loi de tous », mais celle de ceux qui se permettent d’attenter aux libertés fondamentales.

Valls, ici, sans donner aucun corps à ses prédictions alarmantes, procède (après maints essayistes et politiques) au renversement pervers qui transforme les bourreaux en victimes et les victimes en bourreaux, grâce à une construction rhétorique hélas classique : les victimes fomenteraient un complot contre l’État et la société, et il s’ensuivrait que les attaquer deviendrait de la « légitime défense ». L’invention d’un danger imaginaire pour justifier des persécutions ethnico-religieuses a été si largement utilisée dans l’Europe du 20e siècle, et avec des conséquences si abominables, qu’il est inadmissible d’entendre des propos si irresponsables de la bouche d’un ministre.

Notes

[1] Selon un sondage Ifop réalisé en ligne pour Le figaro du 15 au 18 octobre 2012.

[2] Selon un sondage Ifop réalisé du 19 au 21 mars 2013, au moment où la cour de cassation a estimé que l’interdiction du port du voile dans le règlement intérieur de la crèche Baby Loup n’était pas légitime : source : article du Parisien du 23 mars 2013 et sur le site du Nouvel Observateur ici et là.

[3] Selon un sondage Ifop réalisé en ligne pour Le Figaro les 6 et 7 août 2013.

[4] E. Badinter, propos recueillis par Nicolas Truong, « Banaliser l’image de la femme voilée, c’est l’ériger en norme », Le Monde, 23 mars 2013.

[5] C. Delphy, « La fabrication de l’’Autre’ » par le pouvoir », entretien avec Christine Delphy, Propos recueillis par Daniel Bertaux, Catherine Delcroix et Roland Pfefferkorn, publié dans Migrations et sociétés, vol. 23, n°133, janvier-février 2011, republié sur le blog de C. Delphy.

[6] Voir Mona Cholet, Beauté fatale : Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Paris, Zones, 2012.

[7] Le 6 juillet 2011, interrogée par Hélène Jouan, sur France Inter.

[8] Voir notamment « Antisexisme ou antiracisme ? Un faux dilemme » in Classer, dominer. Qui sont les « autres » ?, Paris, éditions La fabrique, p. 210 sqq.

[9] Le 22 juillet, sur France Culture (Les matins d’été), Cynthia Fleury a déclaré : « Quand vous avez des voiles qui prolifèrent en France, ça résonne en France, mais pas tellement, puisque c’est pas là l’enjeu, ça résonne intégralement, ça résonne à l’international, et ça met en danger, en tout cas moi c’est mon opinion, à un autre niveau d’autres femmes qui sont ailleurs » France culture.

[10] Voir sur ce point C. Delphy, « La fabrication de l’« Autre » par le pouvoir », op. cit.

[11] Voir, Anne Tursz, Les oubliés, enfants maltraités en France et par la France, Le Seuil : 2010.

[12] Déclaration de Manuel Valls le 7 février 2013 sur Europe 1 « Oui il y a un fascisme islamique qui monte un peu partout, attention aux mots évidemment que nous utilisons, mais cet obscurantisme qui parfois porte le nom d’un certain nombre de frères musulmans ou d’un salafisme doit être condamné, puisque là on nie, encore une fois, cet État de droit, cette démocratie pour lequel les peuples libyens, tunisiens, égyptiens se sont battus. »

[13] C. Delphy, Classer, dominer, Qui sont les ‘autres’, Paris, éditions La Fabrique, 2008, p. 139, p. 154 ; voir aussi , dans le même ouvrage, « Antisexisme ou antiracisme ? Un faux dilemme », p. 175.

[13] C. Delphy, « Race, caste et genre en France », in Classer, dominer, op. cit., p. 144.

[14] Pour un florilège de ses déclarations, lire « Variations vallsiennes sur l’islam de 2010 à 2013.

[15] Le 9 août sur France Inter.

[16] Sur BFMTV, le 9 août, lire ici la retranscription.

[17] Dans Le Figaro, le 9 août 2013.

[18] Voir « Variations valsiennes sur l’islam de 2010 à 2013 ».

[19] Voir "Que dévoilent les agressions de femmes voilées ?"

[20] Voir les informations rassemblées par le site Copwatch publiées sur Indymedia ; plus de sources ici.

[21] Le 7 février 2013 sur Europe 1.

Sur le même thème : Féminisme

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...