Édition du 23 avril 2024

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Arts culture et société

Féminisme et Barbie

Barbie : ce qui a attisé ma curiosité et m’a incité à y aller, ce sont les nombreux commentaires selon lesquels ce film est « féministe ». Mais le fond du film tourne finalement autour de Ken et non pas de Barbie. C’est lui qui impose le débat et qui contraint l’action. Attention, je « spoile » l’intégralité du film pour le décrypter.

Tiré du blogue de l’autrice.

Après une longue absence sur Mediapart, j’ai décidé de reprendre mes billets sur ce blog. Je vous prépare une analyse en deux volets sur l’Extrême droite, la première partie sous l’angle des expatriés soutenant les mouvances extrémistes nationales, la deuxième partie étant consacrée à la convergence des extrêmes droites ainsi qu’à leurs nouvelles cibles au sein des populations.

En attendant que je finisse ce travail d’analyse, je vous propose pour redémarrer un billet plus léger mais qui a toutefois son importance : décrypter le film Barbie. Je ne vais pas vous proposer une analyse cinématographique ni une critique mais m’attacher à analyser le message « féministe » dont serait porteur le film. Attention, je vais spoiler l’intégralité du film pour le décrypter, donc si vous souhaitez le voir, ne lisez pas ce qui suit.

À la base, je n’étais pas du tout encline à aller voir "Barbie". Ce n’est pas le genre de film qui me plait cinématographiquement parlant. Ce qui a attisé ma curiosité et m’a incité à y aller, ce sont les nombreux tweets et commentaires disant que ce film est féministe. Je ne vous cache pas que je suis partie avec un à-priori négatif sur la question. J’essaierai ici d’être le plus neutre possible dans mon approche même si je ne garantis rien. J’ai donc visionné ce film en salle comme n’importe quel autre long-métrage.

Histoire de mettre quelques lignes sur le film en tant que film, je dirais qu’il est visuellement bien réalisé, qu’il emmène dans un univers, qu’on y retrouve quelques références à d’autres fictions tel "Les hommes préfèrent les blondes" avec Marylin Monroe, références que je vous laisserai le soin de trouver tout seul (ça commence dès l’intro) et que pour les nostalgiques de leur enfance, on retrouve des Barbie que nous avons pu connaître. Il pèche néanmoins par sa longueur et devient pesant à la fin. Ça reste une bonne distraction au même titre qu’un "Mario" ou un film du même genre. On signalera un film qui a fait un effort d’inclusion sur le handicap, le poids et les origines même s’il y aurait des choses à dire là-dessus mais on va s’abstenir. Je signale aussi que le film n’est pas vraiment destiné aux enfants même s’il est regardable par les plus grands. Je fais le choix de ne pas parler de la réalisatrice car pour moi ce film est un film de commande Mattel. À partir de là, je pense que le propos du film est un propos Mattel. Seul le cinéma d’auteur permet encore une certaine liberté d’expression. Le cinéma de commande reste du film corporate déguisé. Voici pour la partie purement cinéma.

⇓ Spoiler à partir d’ici ⇓

Si vous souhaitez vous faire une opinion propre sans vous faire influencer par mon point de vue, je vous conseille d’aller voir le film avant de me lire.

Introduction du film

Le film démarre sur une scène où des petites filles, genre Laura Ingalls, jouent à la maman et à la dinette avec des vieux poupons. C’est là qu’arrive une Barbie de 10 mètres de haut et toutes les petites filles éclatent rageusement la tête de leur petit baigneur contre le sol. Barbie a révolutionné le jeu des petites filles, voilà le message de base qui pose l’idée du film. Et d’entrée de jeu c’est gênant car la petite fille passe de la maman à la bombe sexuelle, deux facettes clichées de la femme. La Barbie qui apparaît à l’écran est bien entendu la Barbie d’origine avec son maillot de bain rayé. Pour l’époque, cela peut être vu telle une émancipation mais pour ma part, j’en doute un peu surtout que dans l’absolu Barbie n’a pas remplacé le nourrisson et la dinette. Aujourd’hui encore on ose vendre des aspirateurs jouets. Les clichés se sont juste cumulés pour les petites filles. Je rajoute ici une petite précision historique : Barbie n’est pas la première poupée du genre.

La toute première s’appelle Bild Lilli et elle est allemande. Ruth Handler (on viendra à elle un peu plus loin), l’inventrice de Barbie, a ramené d’Allemagne quelques Bild Lilli dont elle s’est allégrement inspirée pour sa Barbie. En 1964, Mattel rachète les droits de la poupée allemande et de là Barbie s’est vue assurer le monopole du marché.

La suite du film va ensuite se dérouler dans deux univers distinct : Barbieland, le monde imaginaire et la vraie vie. Mattel pose les marques de l’imaginaire et du réel. Barbie est là pour renforcer l’univers des petites filles occidentales et ça de manière positive. C’est répété sous le ton de l’humour plusieurs fois dans le film. Ça sent surtout la bonne grosse publicité.

Première partie du film : Présentation de Barbieland

Suite à cette introduction des gamines destructrices de poupons, nous arrivons à Barbieland, le pays de(s) Barbie. Elles s’appellent toutes Barbie au point que l’ami qui m’a accompagné voir le film m’a dit ne plus en pouvoir du début à force de les entendre toutes se saluer par un « Hi Barbie ! ». Ça pose le décor, en carton pâte. Barbie salue Barbie, Barbie prend sa douche sans eau et boit dans une tasse vide. On insiste bien sur la réussite professionnelle d’une partie de ces Barbie : de médecin à Prix Nobel, elles exercent dans tous les domaines de la société. On a même droit à un mini discours sur la ploutocratie. Dans ce monde de Barbie, il y a aussi la version masculine : les Ken. Les Ken sont décrits comme stupides et sont des accessoires pour Barbie. Le Ken-Ryan Gosling s’est amouraché de la Barbie principale interprété par Margot Robbie mais elle le friendzone totalement. Ken est une pauvre âme en peine.

Barbie donne une fête et tous les Ken sont invités. Ce sont des hommes-objets. Le Ken-Gosling veut rester après la fête mais il est exclu par une after-party non mixte. Il fait un monologue attristé du pauvre mec rejeté par une réunion de femmes non-mixtes.

Et le lendemain c’est le drame, car Barbie après sa teuf de l’enfer se réveille avec des états d’âme sur le sens profond de la vie. Sa tartine en plastique du petit-déj est cramée pour le coup.

Tout ce petit monde parfait va se dérégler. Barbie, suite à ces états d’âme, va perdre ses petits pieds de ballerine pour avoir un pied de femme. Elle va même avoir de la cellulite et là c’est le drame. Elle va donc aller chercher conseil auprès de la Barbie déglinguée, l’équivalent de la sorcière du village. La Barbie déglinguée est déglinguée par la faute des petites filles qui l’ont maltraitées. La Barbie moche l’est parce que les petites filles lui ont coupé les cheveux et parce qu’elles ont dessiné sur son visage. Hummm. Là aussi je tique un peu. Beaucoup. J’ai du mal à savoir comment interpréter ce passage du film qui me laisse un arrière-goût amer. Surtout que la Barbie déglingos, c’est un peu la Barbie révoltée, féministe, libérée du villages de Barbie standardisées. Double hummmm.

La solution que propose la Barbie cracra à Margot Robbie, la Barbie stéréotype (donc clairement affichée comme un cliché) c’est de choisir entre une paire de chaussures à talon (représentant la politique de l’autruche) ou une paire de Birkenstock (représentant le choix d’aller dans le monde réel donc l’émancipation). Ok émancipation égal Birkenstock.... Comment dire ?

Finalement la Barbie stéréotype n’aura pas le choix et même si elle ne voulait pas des Birkenstock, elle les prend, forcée par la cracra-déglingos. Elle s’en va donc à bord de sa petite auto rose sur le chemin de la vie, la vraie. Dans le désert, elle se rend compte que Ken a embarqué clandestinement dans sa voiture. Elle n’en veut pas au départ mais elle le garde. De là commence la deuxième partie du film, le monde réel.

Personnellement, cette première partie m’a donné un sentiment de gêne de par son côté hyper-caricatural. En effet, il ne suffit pas pour être féministe de montrer un pauvre Ken avec ses travers masculins (intolérance à la douleur, vantardise, drague lourdingue) vs une Barbie femme forte mais tout aussi caricaturale. D’ailleurs, personnellement, j’y vois plutôt une description d’un féminisme commercial employé par certains pour le discréditer. Je ne suis pas à l’aise avec cela. De plus, le personnage de Ken-Gosling n’est pas rendu antipathique. La scène sur la réunion non-mixe laisse une impression mi-figue mi-raisin. On a envie de rire parce que le Ken est pitoyable mais ça ne porte pas forcément un regard bienveillant sur la non-mixité, qui est ridiculisée et réduite à une soirée pyjama. Finalement si les Barbie se réunissent entre elles c’est forcément pour parler futile malgré tout un discours de départ sur leurs professions de médecin, de journaliste ou de prix Nobel.

Deuxième partie : le monde réel

Là on se dit, tiens, ça va vraiment commencer. Barbie se prend du harcèlement de rue, Ken aussi mais pas dans un contexte très clair à vrai dire. On ne comprend pas très bien si à ce moment là Ken est censé symboliser une figure gay ou pas. D’ailleurs, tout le film n’est pas clair sur l’identité de genre. On a vraiment l’impression d’être dans un monde hétéro-normé flirtant légèrement avec un univers LGBTQ, mais c’est tellement noyé et pas clair dans l’intention qu’on hésite vraiment. C’est comme si Mattel, producteur du film et détenteur de la franchise, faisait un léger coup de pied sous la table mais pas trop, histoire que ça ne se voit pas.

Cette position ambigüe sera renforcée un peu plus loin dans le film par le personnage d’Allan, un autre type de Ken qui a vraiment existé en tant que poupée, et qui se démarque du Ken en n’adhérant pas à ses principes. On ne sait pas vraiment si Allan est un homme gay ou un homme hétéro (cis) féministe . On peut s’imaginer à tort ou à raison, je ne sais pas, que la Barbie deglingos serait lesbienne. C’est flou. Très flou. Et certainement voulu.

Cette scène d’harcèlement de rue voit son apothéose au moment où Barbie interpelle des hommes sur un chantier leur disant qu’elle n’a pas de vagin et que Ken n’a pas d’organes sexuels ce que contredit Ken par derrière. De là s’ensuivent quelques péripéties. Iels finissent au commissariat à deux reprises pour violence et vol, où là aussi Barbie se fait harceler sexuellement. Iels troquent leur tenues années 80 pour des tenues américaines type cowboy, rose moulant pour Barbie et gilet à franges et chapeau type Dallas pour Ken. C’est ainsi qu’iels vont déambuler dans le monde réel. On peut y voir une critique de l’électorat de Trump, du bon américain réac accroché autant à ses clichés sexistes qu’à ses traditions d’un autre âge mais je ne suis pas certaine que la référence soit flagrante pour tout le monde. Moi je l’interprète ainsi.

De là, les chemins de Barbie et de Ken se séparent. Barbieland serait la vision enfantine et le monde réel serait la vision adulte. Le chemin des hommes et des femmes se séparent. Barbie est prise dans une vision mystique lui donnant une information sur sa raison d’être alors que Ken découvre le patriarcat. Cette symbolique du sens de la vie est très présente dans le film. Tout doit avoir un sens. L’apothéose de ce message est à la toute fin du film où le fantôme de Ruth Handler explique que l’être humain à une fin mais que son message se perpétue au-delà de sa vie. D’ailleurs un des déclencheurs du début du film de la prise de conscience de la Barbie Stéréotypée, en plus des pieds plats et de la cellulite, c’est l’interrogation sur sa propre mort. Elle est réveillée par des pensées de mort. Ensuite dans le monde réel, Barbie complimente une vieille femme au bout de sa vie sur sa beauté et elle pleure. Vie, sens de la vie, vieillesse et mort. C’est assez brouillon et j’ai un peu de mal à raccrocher ce wagon mystico-religieux au reste du film. Cela doit certainement symboliser là aussi le passage de l’enfance à l’âge adulte, de la jeune femme à la vieille femme mais je le dis : pour moi c’est franchement raté.

Pendant que Barbie se pose un tas de questions graves et existentielles, Ken découvre grâce à quelques livres (théorie) un monde de possibles qui s’offre à lui dans un univers patriarcal. Il décide donc de se chercher un travail viril mais il se fait bouler par manque de compétence (pratique). Pour traduire : en théorie le patriarcat existe mais pas dans la pratique. Donc ce patriarcat n’est pas si patriarcal que ça vu qu’il faut être qualifié pour obtenir un poste. La critique, dans le monde réel, est peanuts. Le patriarcat va se limiter au monde de l’imaginaire là où va décider de rentrer Ken, abandonnant lâchement Barbie dans sa quête de sens. Ou comment faire passer les femmes pour des mythomanes dans un film censé être féministe. A ce niveau c’est du grand art.

Pendant ce temps-là dans son rêve mystique, Barbie voit une adolescente et ni une ni deux elle va la chercher et la trouve dans son lycée. Sasha est présentée comme rebelle et mordante par un camarade mais Barbie n’a pas froid aux yeux et y va. Sasha lui sort tout un laïus sur le féminisme et le capitalisme. Sasha c’est la jeune d’aujourd’hui qui ne joue plus aux Barbie et qui les trouve ringardes. Elle est habillée de noir et en baggy. C’est la rebelle, l’anarchiste, celle qui critique la société car elle est jeune. Dans la suite du film, elle adoptera des vêtements plus girly et rentrera dans le droit chemin de la pensée. Hum....En gros critiquer le système serait une naïveté de jeunesse. Pas très féministe là non plus.

On apprend ensuite dans le film qu’en fait c’est Gloria, la mère de Sasha, qui a fait appel dans ses souvenirs à Barbie en lui imputant ses propres angoisses de mort ainsi qu’en lui dessinant la tenue de cowboy. Les jeunes sont donc en quête d’une utopie qu’ils abandonnent ensuite pour devenir un adulte frustré dans sa vie, sans rêve ni espoirs. D’ailleurs, comble du cynisme, Gloria est standardiste chez Mattel. Car oui, Mattel s’est mis en scène dans le film et c’est terriblement pénible et ce à tous les niveaux, en commençant par la mère ex-fan de Barbie, venue mourir dans un poste sous-qualifié pour la firme qui lui a vendu du rêve étant gosse. Le capitalisme se fout ouvertement de ta gueule sur grand écran.

Avant de développer le reste, je vais faire une petite parenthèse ici pour expliquer l’histoire, elle aussi cynique de Mattel. Celle qui est présentée comme la créatrice de Barbie c’est Ruth Handler. Elle est représentée sous les traits d’une gentille mamie débonnaire dans une cuisine même si à la fin du film on apprend qu’elle a eu une double mastectomie (la génance à son comble) et qu’elle a été poursuivie par le fisc. Dans les faits, Ruth Handler a effectivement eu un cancer du sein et suite à son opération, elle fonde une société de fabrication de prothèse mammaire n’en ayant pas trouvé de réalistes à l’époque sur le marché mais ça on ne l’apprend pas dans le film. On nous balance juste une scène où elle dit en rigolant : j’ai plus de seins, j’ai subi une double mastectomie. On est censé être pliée de rire là ? Whoouaaah trop drôle, la meuf elle a plus de seins. Nan sérieux ?

Revenons donc à Mattel. Mattel a été fondé après-guerre en 1945 par le mari de Ruth et un de ses amis. Le nom commercial de Mattel est issue de leur deux prénoms : MATT Matson et ELliot Handler. Ruth était déjà mariée à Elliot mais son nom ne figure aucunement dans le nom de la société. Pourtant dès le départ, elle a participé activement. Mattel a commencé son activité avec la vente de cadre photo et de meubles pour poupée fait à partir de ces cadres. Ils ont ensuite sorti un ukulélé. Ironie du sort, Barbie apparaît le lendemain de la journée international des droits de femmes, le 09 mars 1959. C’est le jouet le plus vendu du groupe. Bien entendu que dans le film on ne parle nulle part des scandales dont le groupe a fait l’objet, du plomb dans les jouets au scandale de violences sexuelles subies par leurs ouvrières en Chine. On souligne juste le fait que Ruth a eu des démêlés avec le Fisc. C’est pas grave, elle est morte de toute façon. Et puis c’est une femme.

Dans le film la société est présentée comme une société dont la direction est composée uniquement d’hommes. Dans le faits, le PDG de Mattel est bien un homme Ynon Kreiz. D’ailleurs Ynon Kreiz déclare avoir ri en voyant sa caricature dans le film. Rien d’étonnant en fait. Car rien ne protège mieux le patriarcat que son autodérision. Rire de soi-même permet de dire au public : « regardez ces phallocrates dans le film, c’est vrai, c’est dirigé par des hommes mais on a trop d’humour, on se moque de nous-mêmes donc on est des féministes. » En fait non. C’est tout sauf féministe. Ça ne dénonce rien, ça ne change rien et on s’octroie le luxe d’en rigoler au nez des femmes et même d’avoir l’audace de les embarquer dans cette parodie et de vouloir les faire rire. Je te baise mais j’en rigole et tu ris aussi, donc je ne te baise pas vraiment, n’est-ce-pas ? C’est la phallocratie la plus crasse et la plus cynique qui soit.

Pour revenir au déroulé du film, Barbie se fait chopper à la sortie du lycée de Sasha par les gens de Mattel. Au début, elle est super contente, forcément des hommes viennent la sauver mais après elle se rend compte qu’ils veulent la niquer en la foutant dans une boîte et en la renvoyant chez elle. Mais Barbie est finaude et elle s’échappe. C’est là qu’elle rencontre par hasard en ouvrant une mauvaise porte, le fantôme de Ruth Handler dans sa cuisine. Ruth est présentée sous l’image d’une gentille grand-mère. C’est Ruth, la créatrice qui aide Barbie a s’échapper. Entraide féminine, hahahahah. Et ça continue car elle tombe sur Sasha et sa mère. Cette dernière l’embarque avec elle et nous fait une scène digne de GTA. On apprend qu’elle a appris à conduire ainsi grâce à un mec. Oui. Oui. Un mec lui a appris car elle ne pouvait pas apprendre seule. Sa fille lui pose la question et elle répond que le dit mec est son père afin de ne pas avouer avoir eu d’autres relations avant. Là aussi c’est la génance la plus totale. On apprend aussi que Gloria est mariée avec un homme décrit comme mou et que donc c’est elle qui a des pensées de mort. En gros, la vraie vie ça rend dépressive et ça tue nos rêves de petite filles. Un peu plus loin dans le film on verra d’ailleurs des Barbie dépressives, c’est à dire qui pleurent avec le mascara qui coulent. Là aussi c’est total génance pour les personnes qui souffrent réellement de dépression.

Troisième Partie : Kendom

Tout ce beau monde prend la route pour Barbieland. Et là, c’est le drame. Elles découvrent que Barbieland est devenu Kendom, Ken ayant introduit le patriarcat en l’absence de Barbie stéréotypée. Comme Ken est un ersatz masculin un peu con, il a d’abord cru que le patriarcat c’était la domination par les chevaux donc il y a des images de mustangs fougueux partout, y compris un pendentif à son cou. Mais cette troisième partie du film vaut son pesant d’or tellement je trouve que c’est raté, sexiste et contre productif à tous les niveaux.

Barbie, Sasha et sa mère se retrouvent dans un patriarcat très caricatural. Chaîne en or qui brille, manteau en fourrure, domination dans les relations, etc. Les Ken veulent changer la constitution de Barbieland pour la transformer en toute légalité en un patriarcat d’état. Toutes les Barbie sont devenus les esclaves des Ken, habillées en soubrettes, leur apportant à boire. Ken-Gosling a pris possession de la maison de Barbie en chef pendant son absence. C’est devenu la Mojo dojo casa house. Les Ken ont atteint leur apogée et sont devenus la caricature d’une caricature.

C’est le moment de souligner un fait important. Le fond du film tourne finalement autour de Ken et non pas de Barbie. C’est lui qui impose le débat et qui contraint l’action. Et ici je vais faire un petit rappel cinématographique plus que vital pour rappeler les règles d’un film qui n’est pas sexiste. Ça s’appelle le test de Bechdel et c’est en trois questions :

1- Il doit y avoir au moins deux femmes nommées (nom/prénom) dans l’œuvre.

2- qui parlent ensemble

3- et qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme.

Certaines scènes peuvent correspondre à cette définition avec laquelle Mattel a subtilement joué, mais la réalité c’est que Ken impose les règles du jeu car finalement Barbie n’a pas foutu grand-chose dans sa déambulation dans la vie réelle à part ramener une femme mal mariée et subalterne de Mattel et une adolescente rebelle afin de combattre les Ken. Gentil ou méchant Ken, peu importe mais tout tourne autour de lui. Le combattre. Et là aussi c’est une mauvaise interprétation du féminisme car le féminisme ce n’est pas combattre les hommes mais imposer la femme et son travail dans un espace social et public inexistant ou limité.

Je vois également dans ce monde imaginaire féminin défigurée par les Ken une métaphore de la sexualité des adolescentes (l’entrée brutale de l’homme dans la vie de la femme). L’utilisation récurrente du terme de petite amie à distance et par intermittence revient sans arrêt donc sans faire de psychologie de comptoir, c’est l’effet que cela me procure. Tout est basé sur des non-dits dans ce film, des allusions parfois perverses, le plus souvent cynique tout cela sur fond d’une comédie rose bonbon. La forme est jolie, le fond est dégueu.

Pour sauver Barbieland, Barbie, la mère et sa fille comprennent leur unique rôle est là. Voilà enfin révélé le sens profond du voyage de Barbie. C’est un peu foutraque dans le scénario vu qu’au départ Barbie devait rechercher le pourquoi du comment de sa cellulite.

Les trois personnages décident pour trouver une solution de retourner chez la Barbie déglingos qui entre temps est un peu moins cracra, son visage étant débarbouillé. Chez elle, il y a un centre de rééducation des Barbie endoctrinées par le verbiage des Ken. Genre, on les sort d’une secte. S’ensuit un kidnapping de toutes les Barbie qu’on rééduque. Un plan d’une grande intelligence est échafaudé afin d’empêcher le vote de la constitution et que Kendom remplace définitivement Barbieland. Le plan constitue à rendre les Ken jaloux entre eux afin qu’ils se tapent sur la gueule. Une stratégie toute féminine comme dirait le dernier des réacs. Cliché ultime autant masculin que féminin. S’en est navrant. Bien entendu que cela fonctionne et les Ken s’affrontent sur une plage puis dans une danse finale. Pendant que les Ken se tapent dessus, les Barbie votent pour maintenir leur Constitution. Victoire pour les Barbie et grand soulagement, tout va revenir comme avant. Je souligne que les Barbie n’ont aucunement regagné le pouvoir par leur intelligence ni par leur profession ni par leur prix Nobel mais bien par des ruses de séductions dignes du siècle dernier. Il n’y a rien de plus anti-féministe au monde. D’ailleurs les hommes en prennent aussi par leur grade car ils sont sanguins et stupides. Là aussi ce n’est pas féministe. Finalement, si l’homme était aussi stupide, pourquoi le sexisme existerait ? En conclusion, taper à la fois sur les pires clichés des femmes et les pires clichés de hommes ne sert à rien socialement à part faire rire le spectateur à peu de frais. Pour cela nous avions des magnifiques spécialistes durant les années 80 tel qu’Aldo Maccione, grand précurseur en la matière. Si cela vous a plu, je ne peux que vous conseiller de regarder ses nombreuses œuvres et il y a de quoi faire.

À ce stade tu crois qu’enfin le film est fini, mais non. Le pire arrive. Mais c’est quoi le pire, me demanderez-vous ? Et bien le pire c’est quand Barbie stéréotypée reprend sa maison. S’ensuit une lamentation de Ken où il dit un truc du genre : « finalement si cette violence a existé c’est la faute des Barbie qui ne n’ont pas fait de place aux Ken dans leur monde ». Alors là on arrête tout ! Ça c’est juste pas possible, même au millième degré, même pour rire même même même n’importe quoi. C’est juste inaudible. Dire à une femme qu’elle a subi des violences et que c’est de sa faute, ça ne passe pas et ça ne passera jamais. Cette réplique m’est vraiment restée au travers de la gorge. Et vous savez quelle est la réponse scénaristique ensuite ? Barbie en chef qui réconforte le pauvre Ken en lui disant de se trouver une place dans le monde, en étant lui-même. Tout ça pour finir sur un monde où ils vivent tous en paix. La conclusion en est que les féministes sont dangereuses à vouloir imposer un pseudo monde de femmes, et que la gentille réponse est de s’aimer les uns les autres. Là, tu agonises carrément sur ton siège, le pop-corn se coince dans la trachée, tu es à deux doigt de t’étouffer tant au propre qu’au figuré.

Fin du film

Là, le pop-corn toujours coincé au fond de la gorge, tu te dis que le supplice va enfin finir pour de bon. Et non. C’est à ce moment qu’intervient Ruth qui emmène Barbie dans une sorte d’au-delà et de discours sur le sens de la vie et l’emporwement. C’est long, long et long que j’avoue avoir totalement décroché de ce passage mystico-religieux final. On aurait dit un prêche d’un évangéliste sur fond de décor rappelant le paradis. Tu te mets à prier que le générique soit enfin lancé. Dieu, venez-nous en aide.

Il y a aussi la fin de Gloria et de sa fille Sasha. Gloria retrouve son mari et tout va bien dans le meilleurs des mondes. Il est blond et à appris à parler espagnol pour faire plaisir à sa femme qui est hispanique. C’est maintenant une femme comblée. Le bonheur d’une femme tient à si peu... Un gentil petit mari et tout roule ?

Mais ce n’est toujours pas fini car il faut bien achever les spectateurs. Il reste le coup fatal. Celui avec lequel tu vas partir en sortant de la salle et que jamais plus tu n’oublieras.

Arrive enfin, la toute toute toute dernière scène de cette fin sans fin. D’ailleurs, à plusieurs reprises, les personnages s’interrogent eux-mêmes de savoir comment ça peut finir. À croire que les scénaristes ont mis toutes les fins alternatives les unes après les autres sans pouvoir trancher où et comment achever l’œuvre. Et puis, ils ont eu l’idée ultime que vous devez tous connaître si vous avez résisté en salle jusque là. C’est Barbie, redescendue du paradis, qui est de nouveau dans la vraie vie. Elle est chaussée de Birkenstock. Roses. Et elle va quelque part. Ce quelque part c’est chez le gynécologue. Et vous savez ce qu’elle va y faire ? Elle va se faire construire un vagin. Cette fin est l’aboutissement de tout le cynisme du film quand on sait que le « vagin de Barbie » est un modèle de chirurgie plastique vulvaire qu’on propose aux femmes. Voici ici un article qui démontre comment Barbie a réussi à dégouter de leur vagin des petites filles. Tapez en recherche "Vagin de Barbie" et vous serez horrifié du phénomène. Barbie féministe ? Vous en êtes encore sûr·es ?

Après rien ne vous empêche d’avoir apprécié le film et d’y avoir pris du plaisir car on peut dans l’absolu rigoler de tout ou de presque tout. Mais par pitié ne le qualifiez pas de "féministe".

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