Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Le 9e Congrès de Québec solidaire : le courage de s’assumer comme la seule alternative politique véritable !

Votes à la présidence du parti et à la responsabilité de porte-parole extraparlementaire, élections visant à combler des postes à la Coordination nationale, proposition sur l’ouverture ou non d’une discussion sur la redéfinition du mandat d’une éventuelle constituante, détermination des objectifs et visés de la prochaine campagne électorale et prise de position sur les ententes électorales avec le Parti québécois et Option nationale, fixation des modalités de redistribution des revenus du parti entre le national, les régions et les circonscriptions, lancement de l’enjeu 4 en direction d’un congrès portant sur la lutte pour l’égalité des hommes et des femmes, annonce de la campagne politique pour un Québec vert, enrichissement de la plateforme de 2012 par une série de nouvelles revendications, le congrès de Québec solidaire qui s’est tenu du 3 au 5 mai dernier a eu un travail considérable à abattre.

La détermination des enjeux politiques de la prochaine campagne électorale n’est pas au poste de commande.

Une heure trente était prévue sur la conjoncture politique et électorale. En fait, deux courts rapports des portes-parole devaient mettre la table pour ce débat. André Frappier, a rappelé des éléments essentiels de la conjoncture. Le gouvernement péquiste a repris à son compte les politiques du gouvernement Charest : poursuite du déficit zéro, refus de toute réforme de la fiscalité, tournant énergétique vers le pétrole par l’acceptation de faire du Québec un lieu de transit du pétrole sale de l’Alberta et ouverture au développement pétrolier en Gaspésie et dans le golfe Saint-Laurent, coupures dans les services publics, et ralliement de Pauline Marois à l’Accord de libre-échange Canada-Europe...

Malheureusement, les aléas de l’ordre du jour n’ont laissé aux 600 personnes déléguéEs que 20 minutes de discussion pour apprécier la conjoncture et déterminer les principaux enjeux politiques.

Quelles priorités programmatiques et tactiques (les politiques d’alliance et les ententes électorales) devions-nous tirer d’une telle analyse de la conjoncture ? C’est que le Parti québécois écarte toute perspective de lutte pour l’indépendance. Ses perspectives d’un Québec bleu et vert sont mensongères de part en part. Sa poursuite du déficit zéro se fait sur le dos des couches populaires, des travailleuses, des travailleurs et des étudiantEs... Il n’a aucune solution pour s’attaquer aux maux dont souffre la société québécoise, car il ne fait pas partie de la solution, mais du problème.

Québec solidaire est la seule alternative politique à ce gouvernement, parce qu’il propose de lier la lutte pour la défense des droits économiques et politiques et sociaux (notre projet de société) à l’expression de la souveraineté populaire par l’élection d’une constituante.

Québec solidaire est la seule alternative politique véritable, car au lieu de s’en remettre aux entreprises privées, pour le développement de l’économie du Québec, il propose la construction d’une économie publique au service du bien commun, la reconversion écologique des secteurs énergétiques, de l’industrie et des transports... Tout le contraire de ce que nous propose le gouvernement Marois.

Québec solidaire est la seule alternative, car au lieu de couper en éducation et en santé, de hausser les tarifs de toutes sortes, bref d’augmenter les inégalités sociales comme le fait le gouvernement péquiste, Québec solidaire propose des mesures pour assurer la justice sociale, redistribuer de façon plus égalitaire la richesse par une réforme radicale de la fiscalité et qu’il défend la gratuité scolaire et une meilleure accessibilité aux services publics.

Québec solidaire est la seule alternative, qui au lieu de contribuer à détériorer la situation des femmes défend un Québec assurant l’égalité salariale, l’élimination des discriminations contre les immigréEs. Québec solidaire défend la liberté de manifester et s’oppose à la criminalisation des militantEs impliqués dans la résistance sociale aux politiques néolibérales.

Une véritable discussion sur la conjoncture et ces enjeux aurait pu permettre d’identifier les principales revendications à mettre de l’avant, les formes de collaboration à établir avec les différents mouvements sociaux, des stratégies d’interventions sachant donner toute leur place aux luttes sociales dans le cadre même de notre campagne électorale, les modalités de déclinaison de ces grands enjeux nationaux dans toute une série d’enjeux régionaux ou locaux. Ces débats sont à reprendre, car ils sont essentiels, car notre travail politique et la campagne électorale doivent contribuer à construire, en unité avec les mouvements sociaux, un front de la résistance populaire aux politiques d’austérité du gouvernement péquiste.

Les objectifs de la prochaine campagne ont été définis en termes purement organisationnels

Au lieu de chercher à déterminer les enjeux politiques de la prochaine campagne, on a discuté des critères de réussite de la campagne qui vient : remporter certaines circonscriptions, augmenter notre pourcentage national de votes, faire le plein des électrices et des électeurs qui montrent déjà un intérêt pour Québec solidaire. En quoi de tels objectifs pouvaient-ils définir le sens politique de notre campagne électorale ? En quoi ces objectifs pouvaient-ils nous donner les moyens de construire notre enracinement comme parti et l’élargissement de notre audience. Nous avons discuté d’objectifs, mais nullement des projets politiques à présenter au peuple québécois pour démontrer que nous sommes l’alternative à soutenir. Ces objectifs n’esquissaient en rien les chemins de leur réalisation. Il faut que Québec solidaire présente clairement son projet politique. Mais nulle proposition n’en résumait synthétiquement la logique. Pour certainEs militantEs, les objectifs étaient strictement définis au niveau électoral, et ne posaient pas la question de l’enracinement du parti dans toutes les régions du Québec et de sa liaison aux mouvements sociaux.

Quels débats avons-nous encore une fois écartés au profit de débats secondaires ? Nous avons écarté le débat sur la thématique de la prochaine campagne électorale résumant et clarifiant les enjeux politiques de cette dernière. Nous avons écarté les débats qui nous auraient permis de clarifier les axes d’un véritable discours déconstruisant la domination idéologique du PQ et de ses alliés. Nous avons évité d’identifier les axes principaux de la plate-forme à mettre de l’avant et les revendications stratégiques dans le contexte actuel. Nous n’avons pas discuté des stratégies d’action et de mobilisation aptes à construire un rapport de force et des alliances permettant de renforcer la légitimité de notre projet politique.

Le débat sur les ententes électorales ou quand la politique d’alliance est définie sans vision d’ensemble

Toute politique d’alliance avec des partis politiques doit passer par une caractérisation du programme et des pratiques de ces derniers, particulièrement si un de ceux-ci est au gouvernement. Le dernier Conseil national avait d’ailleurs adopté que nos rapports avec le Parti québécois devaient se baser sur un bilan du gouvernement péquiste. Un tel bilan a d’ailleurs été produit et publié dans un cahier pré-congrès portant sur les ententes électorales. Mais, ce bilan n’a pas été présenté aux congressistes de Québec solidaire. Le texte qui tirait les leçons des rencontres avec Option Nationale et la participation de membres de Québec solidaire à leur congrès n’a pas, lui non plus, été présenté aux membres de Québec solidaire.

Qu’est-ce qu’une politique d’alliance ? Qu’est-ce qu’une alliance politique stratégique ? Quelles sont les conditions d’une alliance stratégique débouchant sur la prise partagée du pouvoir (une alliance gouvernementale) ? Quels sont les partis qui peuvent nouer une telle alliance et à quelles conditions ? Qu’est-ce qu’une alliance tactique et ses conditions de mise en œuvre ? Ce sont des politiques d’unité d’action autour de revendications précises dans des actions clairement définis. Une alliance contre des coupures à l’aide sociale par exemple. Les ententes électorales de désistement mutuel sont des alliances tactiques. Comment juger de leur pertinence et de l’impact politique de telles ententes sur la perception par la population des partis qui s’y engagent ?

Nous n’avons pu avoir un débat sur les fondements des différentes composantes d’une politique d’alliance ou d’ententes électorales. Nous n’avons pu avoir même clairement l’ensemble des options possibles sur la table pour discuter explicitement des rapports avec Option Nationale. Dans aucune proposition le nom de ce parti n’était mentionné. Malgré tout ça, la majorité des déléguéEs a, avec justesse, basé sa prise de position sur un bilan du Parti québécois et sur l’évolution d’Option nationale. Ils ont rejeté avec vigueur toute entente avec un parti qui s’attaque aux classes subalternes et qui mène contre la population du Québec des politiques de plus en plus clairement néolibérales. La majorité du congrès a expliqué que le Parti québécois n’est pas dans notre camp et qu’il se met de façon de plus en plus conséquente au service de l’oligarchie dominante.

Les déléguéEs ont expliqué que même sur le terrain national, le PQ, par ses politiques, faisait reculer l’autodétermination du Québec et sa capacité d’exercer sa souveraineté populaire. Les militantEs en congrès ont refusé les arguments faussement ratoureux, prétendant que le simple fait d’offrir la possibilité d’ententes électorales au PQ allait, en cas de refus de sa part déstabiliser ce dernier. C’est bien plutôt la clarté de nos critiques des politiques péquistes qui a permis que se crée une véritable dissidence au sein du PQ. Ceux et celles qui recherchent les raccourcis pour l’avancée de Québec sollidaire sur le terrain électoral ont été rappelés à l’essentiel. Il faut d’abord, comme parti contribuer à construire l’unité du camp des classes qui s’engagent dans le sens d’une transformation sociale, dans le sens d’une société égalitaire et écologique.

Par leur clarté et leur fermeté, une vaste majorité des déléguéEs a réaffirmé pour une deuxième fois dans un congrès de Québec solidaire, leur refus de ces ententes et la nécessité de construire l’unité d’abord et avant tout avec les mouvements sociaux. Si cette décision fut un moment fort de ce congrès, c’est qu’elle reflétait leur conviction profonde que Québec solidaire doit assumer le fait qu’il est la seule alternative politique véritable pour les 99% qui s’oppose à l’oligarchie. Les déléguéEs ont manifesté ainsi cette volonté d’autonomie politique face aux élites qui veulent monopoliser le pouvoir politique comme elles monopolisent déjà la quasi-totalité du pouvoir économique.

Un débat financier et le silence sur la disparition du financement populaire

Les débats sur le rapport financier du parti se sont limités à expliciter les principes du partage des ressources financières au sein du parti, la répartition des fonds visant à assurer une vie démocratique active au sein du parti. Le débat s’est centré sur les modalités de partage entre le national, les régions et circonscriptions électorales. En fait, beaucoup de temps a été consacré à des amendements sur les modalités de redistribution des ressources financières dont bien peu ont été finalement retenus ? La discussion aura au mieux permis l’appropriation du rapport du comité des solutions financières.

Pourtant, une réflexion sur la nature de l’encadrement légal du financement des partis politiques s’avère nécessaire. La nouvelle loi 2 sur le financement des partis politiques marginalise pratiquement le financement populaire. Elle est tout le contraire de la loi 2 adoptée en 1977 à l’initiative de René Lévesque. Elle bloque des sommes pour les partis majoritaires... à partir du nombre de voix obtenues à la précédente élection quelque soit l’évolution politique de la société durant ces années et le bilan que le peuple peut tirer des politiques de ces partis. Cette loi de financement des partis politiques n’est pas vraiment démocratique. Assure-t-elle une présence égale des différents partis dans les médias écrits ou électroniques ? Permet-elle à l’ensemble des foyers du Québec de recevoir sous forme de brochure courte le résumé des programmes des différents partis politiques ? Fixe-t-elle un plafond des dépenses des partis politiques à un niveau suffisamment bas ? Offre-t-elle des mesures permettant de contrer les inégalités face aux ressources construites par la corruption, les prête-noms et les pots de vins, en somme par le passé douteux des partis politiques dominants ?

Le lancement du débat sur la lutte des femmes pour leur émancipation ou de l’enjeu 4 et présentation de la campagne sur le Québec vert

Parmi les moments mobilisateurs du congrès, il faut mentionner la présentation du lancement des débats sur la lutte des femmes pour leur émancipation et l’élaboration des propositions du parti à cet égard. Un texte sur les valeurs féministes de Québec solidaire a été lu en chœur par des personnes de générations différentes. Cette présentation a remporté un vif succès et a ému les gens par sa simplicité, par la force du texte sur les valeurs féministes. Ce débat essentiel pour la définition précise de l’identité féministe de Québec solidaire va nourrir la vie politique du parti au cours de la prochaine année. Nul doute que Québec solidaire en sortira renforcé dans sa détermination d’agir sur le terrain de la lutte pour l’égalité des femmes.

Québec solidaire va mener une campagne solidaire centrée sur le thème du Québec vert. Dans cette campagne a s’articuler autour de la transition vers les énergies renouvelables, la place qu’il faut donner au transport collectif et électrifié dans la reconstruction de nos industries... Ces thèmes nationaux vont être concrétisés dans les différentes régions du Québec. La présentation se voulait un appel à la mobilisation de l’ensemble des militanEs du parti autour de ces enjeux essentiels. L’accueil fut, là aussi, enthousiaste.

La victoire d’Andrés Fontecillan, un signe ?

Andrés Fontecilla a été élu comme principal porte-parole. Cette élection est significative, car cette campagne pour la présidence ne peut être réduire à simple concours de personnalités. Andrés, comme les autres candidats, ont expliqué les conceptions politiques qui les inspiraient. Dans une lettre envoyée aux membres à l’approche du congrès, il a expliqué en ce qui concerne le principal débat qui s’est déroulé durant ce congrès une position claire et précise :... notre parti vise, à terme, à « dépasser le capitalisme ». Sans que Québec solidaire n’ait tout à fait défini ce concept, notre projet implique des transformations fondamentales de notre système économique et politique en vue d’une plus grande redistribution de la richesse collective et d’un approfondissement de notre démocratie. Ce vaste programme ne peut s’accommoder de raccourcis visant à obtenir davantage de sièges à l’Assemblée nationale. Nos victoires électorales doivent donc compter sur un appui tout à fait réfléchi et assumé d’un électorat qui désire non pas se débarrasser d’un gouvernement en fin de course, mais construire un autre Québec, radicalement différent. La meilleure garantie de développement de notre programme se trouve dans la radicalité et l’originalité de celui-ci. Ces orientations réduisent les possibilités d’alliances électorales avec d’autres partis, mais nous permettent de garder le cap. À moyen et long terme, ce sera payant puisque l’électorat verra bien que nos propositions ne sont pas diluées dans la recherche exclusive de plus de députéEs.

Cette vision est largement partagée par la base militante du parti.

En bref...

Ce neuvième congrès a pu apparaître à beaucoup comme un voyage en « montagnes russes » où les difficultés d’avoir des débats clairs et formateurs succédaient les enthousiasmes suscités par la présentation de multiples projets que le parti se donne et qui lui permettront de se faire une place encore plus grande dans la société québécoise. Mais, l’acquis essentiel, qui s’est révélé tout au cours du congrès, mais particulièrement dans le débat sur les ententes électorales, c’est que Québec solidaire est prêt à assumer le fait qu’il est la seule alternative politique sérieuse et que ses militantEs sont prêtEs à en convaincre la population du Québec.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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