Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

Nomination de Blanchet à l’environnement, parachute doré pour Boisclair, virage pétrolier...

Le PQ, le parti à une seule vitesse, le “reculons”… (1)

Après avoir surfé sur la vague du printemps érable, le PQ montre ses vraies couleurs d’automne (bientôt d’hiver) en provoquant un véritable recul tsunamique qui bouleverse les perceptions que plusieurs militantEs avaient de ce parti. Porteur d’espoirs pour plusieurs écologistes et étudiantEs, le PQ a annulé les hausses des frais de scolarité adoptées par le PLQ et abrogé la loi 10 (78) acculé au mûr par un mouvement citoyen sans précédents au Québec. Toutefois, sur les autres engagements (redevances minières, lutte aux changements climatiques et à la dépendance aux énergies fossiles, etc,), le PQ endosse ses vieux habits néolibéraux et nous sert la vieille rengaine des partis qui reviennent sur leurs engagements.

Au centre de l’engagement sur la hausse des redevances de l’industrie minière, la ministre Martine Ouellet fait figure de toupie. Un jour, elle déclare “qu’elle ne veut pas perdre de temps.” Devant les membres de l’Association de l’exploration minière du Québec à la fin novembre dernier, elle s’est engagé à mettre un terme à la situation qui a permis à 10 des 19 minières en opération au Québec de ne pas payer un seul sous de redevances (La Presse, 22 novembre 2012). Or, cinq jours plus tard, elle annonçait qu’il n’y aurait pas de réforme avant Noël (La Presse , 25 novembre 2012). Puis, elle déclara à l’ouverture du congrès Québec Mines que la question des redevances ne fera pas partie du projet de loi qui sera déposé en juin 2013 (La Presse, 27 novembre 2012). « Nous n’avons pas encore déterminé le mécanisme par lequel les redevances vont s’appliquer. Est-ce que ce sera dans le projet de loi, dans la loi sur l’impôt minier ou par des mécanismes du ministère des Finances ? » Or, lorsqu’elle était dans l’opposition, Martine Ouellet a bloqué le projet de loi libéral. La raison : le projet de loi ne modifiait pas les redevances et n’exigeait pas davantage de transformation en sol québécois. Suivre la logique du PQ dans l’opposition, puis au pouvoir, peut provoquer des élancements tellement ce parti se transforme d’un social-libéralisme de contestation formelle en parti de gestion néolibéral conséquent.

Le dossier du ministre du développement durable, de l’environnement et de la faune (MDDEF) est un autre de ces démonstrations des revirements politiques du PQ. Voulant séduire le mouvement écologiste, le PQ a nommé Daniel Breton, militant bien connu, au MDDEF à son arrivée au pouvoir. Les groupes écologistes jubilaient : enfin un vrai ministre de l’écologie. Dans une campagne odieuse de l’opposition libérale et caquiste, on monta en épingle des éléments du passé de Breton pour exiger sa démission. Le PQ qui n’est pas un parti construit pour résister aux pressions de l’oligarchie mais tente plutôt de s’y conformer, a tôt fait de démettre le nouveau ministre pour le remplacer par un “goon” qui se défend d’être militant. « Je n’ai pas l’intention d’être le porte-voix des militants écologistes. Ce sont des groupes de pression qui font leur travail ; ce n’est pas le mien. » Le ton est donné : pour faire face au virage du PQ sur le pétrole, il faut mettre de côté les principes qui devraient guider tout ministre de l’environnement digne de ce nom et porter le message de la politique “responsable” du PQ en matière d’énergies fossiles. « Je ne veux pas être doctrinaire » (La Presse, 10 décembre 2012). Le PQ a mis en place un ministre du développement durable qui aura à statuer sur le projet Alberta-Québec du pipeline Enbridge visant à amener le pétrole des sables bitumineux vers l’est du Canada dans le corridor Sarnia-Montréal. Il aura à assurer la décision de construire la mini-centrale de Val Jalbert dans un contexte de surplus d’électricité Hydro Québec. Il présidera à la réforme du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE). Il mènera les opérations visant à définir et mettre en branle le plan d’action contre les changements climatiques pour que Québec réduise en 2020 ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au taux de 1990 (les recommandations du GIEC sont de l’ordre de 25 à 40% d’ici 2020 et de 50% à 85% d’ici 2050 – Voir Contribution du groupe de travail III au rapport d’évaluation 2007 du GIEC, p. 776 cité par Daniel Tanuro, L’impossible capitalisme vert, La Découverte, p. 103-104). Enfin, il devra mettre en oeuvre la bourse du carbone conjointement avec l’état de la Californie, bourse du carbone qui représente autant de permis de polluer et de prétextes à l’expropriation de terres au sud et d’assauts contre l’agriculture de proximité. Autant de gestes contraires à une véritable lutte aux changements climatiques. Mais Blanchet n’a pas succédé à Breton pour lutter contre les changements climatiques mais pour gérer le virage péquiste favorable aux énergies fossiles. « Si on l’exploite (le pétrole NDLR), cela devra se faire de façon impeccable d’un point de vue environnemental, au-dessus de tout soupçon. » Comme s’il n’y avait aucun lien entre la décision de miser sur le pétrole et les reports des décisions à prendre et à mettre en oeuvre pour réduire radicalement les émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, la saga André Boisclair couronne une première session où le PQ fait la démonstration de ses liens avec l’oligarchie. Ex-chef du parti, ministre de l’environnement et maintenant membre du lobby des énergies fossiles (au profit de Questerre) parmi tant d’autres, Boisclair représente la vraie évolution du PQ. Celui qui a refusé la nationalisation de l’énergie éolienne et qui a mandaté le secteur privé pour développer cette filière avec toutes les conséquences que l’on connaît, celui qui dénonçait le “copinage” du PQ avec les syndicats, reçoit toute une promotion de la part du gouvernement du PQ : une nomination à titre de délégué général du Québec à New York (salaire de 170 000$ plus compte de dépense, une légère hausse par rapport à son prédécesseur John Parisella nommé par les libéraux) avec au terme de son mandat, un poste de sous-ministre dans la haute fonction publique (salaire de 140 000$ selon une manchette de QMI du 4 décembre 2012), ce qui lui garantit une rémunération à vie, retraite incluse. Nicolas Girard a eu la même “chance” lorsqu’il fut nommé au conseil de l’Agence métropolitaine de transport (AMT) au lendemain de sa défaire dans Gouin en septembre dernier. Au PQ, on prétexte que Boisclair perdra sa clientèle d’affaires avec ce mandat et que l’État lui doit une compensation. De nombreux holà se sont fait entendre qualifiant la proposition faite à Boisclair de “parachute doré”. Opportuniste, l’opposition de droite a fait des gorges chaudes alors que de telles décisions ne sont pas l’exclusivité du PQ (par exemple la nomination de Chantal Landry, madame Post-it, par les libéraux ou de Suzanne Lévesque, ancienne employée du cabinet de Gérad D. Lévesque en 1993 – Voir La Presse du 6 décembre 2012). Le PQ a reculé de nouveau, non sans maintenir sa volonté d’étudier la question de l’après-carrière de Boisclair (Pauline Marois a annoncé la création d’un comité de sages dont le mandat sera de définir des critères en regard de la rémunération, des allocations de fin de mandat et des conditions d’accès à la sécurité d’emploi de ceux qui occupent des fonctions temporaires au service de l’État ( Radio-Canada, 6 décembre 2012).

Après avoir rejeté les demandes des organismes représentant les plus pauvres et défavorisés de notre société dans son dernier budget, versé des larmes de crocodiles sur les salariéEs touchéEs par des conflits (comme à Aveos ou à Papier Résolu), et fait la preuve qu’il est incapable de mettre en oeuvre une véritable réforme de la fiscalité, le PQ montre ses priorités : tout au pétrole, on se rend aux pressions de l’oligarchie et on récompense les plus méritants (???). Les militantEs écologistes, syndicalistes, les personnes qui se sont fait convaincre lors des récentes élections que le PQ pouvait être le véhicule pour une transformation en profondeur du Québec doivent faire le constat d’un échec qu’il faut rapidement mettre de côté et s’attacher à construire un véritable outil de combat contre le réchauffement climatique, pour une redistribution de la richesse et une société plus égalitaire. Se distinguer de ce navire en perdition est une urgence afin de maintenir vivants les espoirs de vrais changement.

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