Édition du 12 mars 2024

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Asie/Proche-Orient

Le général (rés.) Ami Eilon, ancien amiral de la flotte militaire et chef des Services de renseignements d’Israël explique son appui à l’organisation Briseurs de silence.

Briseurs de silence a été établi en 2004 par des soldat.e.s et des vétéran.e.s de l’Armée israelienne avec mission de « briser le silence » des soldat.e.s qui retournent de leur service militaire à la vie civile pour découvrir « un gouffre entre la réalité qu’ils et elles ont vécue dans les territoires occupés et le silence qu’ils et elles rencontrent chez eux et elles ».

1 Juillet 2020 | https://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-5757286,00.html

Je commencerai par l’évidence : dans un monde réformé, les militantes et militants des « Briseurs de silence » mériteraient le statut respecté de dénonciateurs et de dénonciatrices d’injustice ou de corruption qui cherchent à protéger le gouvernement et à renforcer la démocratie. Mais dans l’Israël aujourd’hui, ils et elles sont réduit.e.s au silence et systématiquement délégitimé.e.s par le gouvernement.

Et je pose la question : existe-t-il un autre pays où les meilleur.e.s de ses fils et des filles qui servent et se battent, en service régulier et en service actif de réserve, pour maintenir sa sécurité sont systématiquement expulsé.e.s du domaine de la légitimité ? Y a-t-il une personne ici saine d’esprit qui soutient la gestion du conflit sans comprendre que c’est le conflit qui nous gère ?

Les combattant.e.s, comme les haut.e.s responsables de la sécurité, comprennent que continuer à dominer le peuple palestinien est un chapitre politique auquel les citoyen.nes d’Israel doivent donner une réponse. Et tout le monde, y compris ceux et celles qui s’opposent au régime de droite et à la politique gouvernementale, n’envisagent pas la possibilité de ne pas servir dans l’armée.

Et ils et elles, y inclus les membres des Briseurs de silence, ne servent pas au Quartier général ou dans des unités de renseignement éloignées. Ils et elles rencontrent, avec leurs camarades des différentes unités, les Palestinien.ne.s aux postes de contrôle, lors des arrestations, lors des perquisitions nocturnes dans les maisons. Ils et elles rencontrent les terroristes palestinien.nes, les enfants effrayés, les femmes et les personnes âgées. Ils et elles rencontrent la réalité du contrôle d’un autre peuple et voient le prix que nous payons pour assurer notre sécurité.

Et après avoir vu le blanc des yeux de nos grand.e.s ennemi.e.s et le rouge dans les yeux fatigués des citoyen.ne.s palestinienne.s, ils et elles nous disent ce qu’ils et elles ont vu, ce que nous avons refusé pendant des années de voir et que préférons écarter.

La chose étonnante est que lorsque vous emballez les témoignages du service dans les territoires dans une marque autre que « briser le silence », le témoignage est acceptable et accepté. C’est une terrible hypocrisie. Après tout, moi et cinq autres chefs de service avons rompu le silence dans la série "Gatekeepers" diffusée en Israël et à l’étranger, et personne n’aurait osé nous sortir du consensus israélien. Les jeunes combattants qui témoignent de "briser le silence " ont été retirés.

La chose étonnante est que lorsque vous emballez les témoignages du service militaire dans les territoires occupés dans une marque qui n’est pas « briseurs du silence », le témoignage est acceptable et jugé véridique. C’est une terrible hypocrisie. Après tout, moi et cinq autres chefs du service de renseignements avons rompu le silence dans la série "Gatekeepers" , diffusée en Israël et à l’étranger, et personne n’aurait osé nous expulser du consensus israélien. Les jeunes soldat.e.s qui témoignent pour "Briseur du" ont été expuls.é.s.

La direction droitière du pays et ses partisan.e.s. ne condamnent pas seulement les militant.e.s des « Briseurs du silence », mais, absurdement, aussi les responsables de la sécurité israélienne qui ne s’alignent pas sur leur flûte, et le chapitre de l’annexion de fait en est un exemple.

En ayant moi-même en fait partie, je peux dire qu’une majorité claire des forces de sécurité de haut rang sont opposé.e.s à l’annexion, qui mettrait fin à la vision sioniste. Le personnel de sécurité actif qui est en faveur d’une telle perspective peut se compter sur une main, et l’on peut facilement le comprendre : l’annexion « unilatérale » constitue un changement de paradigme de la politique des gouvernements israéliens pour très longtemps.

Dans ce contexte, chaque citoyen et citoyenne qui croit en un Israël sûr, juif et démocratique, dans l’esprit de notre Déclaration d’indépendance, doit repenser le chemin pris et adhérer aux opposant.e.s. Et dans ce cas, contrairement à d’autres enjeux qui déchirent la société, une majorité claire et tangible (selon un sondage fait pour News 12- 96%) erre quelque part entre l’indifférence envers le processus d’annexion et la résistance active. Les colonies juives de Judée, de Samarie et de la vallée du Jourdain ne présentent tout simplement aucun intérêt pour les Israélien.ne.s.

Il est probable que le processus de l’annexion planifiée soit une cérémonie d’arrachage des masques de ce régime droitier, après des années pendant lesquelles quand la politique officielle racontait que les colonies dans les territoires sont « temporaires et servent uniquement à des fins de sécurité », comme nous avons expliqué à la Cour suprême et à la communauté internationale. Il s’avère que les mots sont une chose et les actes sont une autre. Le gouvernement, détaché de la réalité, ignore le fait que non seulement la majorité de la population israélienne s’oppose à l’annexion unilatérale, mais qu’une majorité absolue de la communauté des services de sécurité de l’État y voit un risque pour la sécurité qui peut amener une montée de violence, miner les rapports et les accords de paix avec la Jordanie et l’Égypte, et le renforcement des éléments radicaux dans la région, qui sont guidés par l’Iran et la Turquie.

Il est également clair que cette politique transformera radicalement le caractère de l’État d’Israël. Continuer à contrôler des millions de Palestiniens et de Palestiniennes sans horizon politique qui leur garantisse l’autodétermination nous présente la réalité soit d’un État binational, soit d’un État non démocratique. Il n’y a rien au milieu.

Et cela nous ramène aux militant.e.s des « Briseurs de silence », qui nous forcent à regarder en face la réalité complexe dans laquelle nous vivons : c’est leur droit et leur devoir de raconter. Il est de notre devoir de les écouter. D’autant plus puisqu’il s’agit d’un changement radical de la politique du gouvernement à l’égard des territoires occupés. La réalité y sera plus violente et plus complexe. De là aussi la lutte que mène l’organisation Briseurs du silence pour la pureté des armes deviendra encore plus importante.

Quand je regarde l’avenir violent vers lequel ce gouvernement nous conduit, pour des raisons qui ne sont claires pour personne, il me paraît évident que la lutte des membres des « Briseurs du silence » pour le caractère moral des forces armées est plus importante que jamais.

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