Édition du 5 novembre 2024

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Analyse politique

Les deux nations interpénétrées

Dans mon texte de la semaine dernière, je mentionnais "l’imposture multiculturaliste". J’utilisais le concept des deux nations, le Québec français et le Canada anglais qui forment la trame politique et culturelle très contrastée du pays, ou plutôt des deux pays qui se côtoient dans un État : le Canada.

J’écrivais :
"La persistance du nationalisme québécois sous sa forme autonomiste et souverainiste contredit les thèses du courant d’idées multiculturaliste. Une simple observation pour quiconque a déjà fait le tour du Canada permet de constater la réalité des deux nations." Je devrais ajouter trois si on compte les membres des Premières nations.
Ce qui permet aux tenants et aux tenantes du multiculturalisme de tenir leur discours, c’est qu’il existe des francophones hors Québec et des non francophones au Québec même. Or, nous ne sommes pas en présence de groupes homogènes dans un cas comme dans l’autre. Plusieurs francophones en dehors de la "Belle Province" sont voués à l’assimilation à la société majoritaire anglophone, quand ce n’est pas déjà fait. Examinons cela de plus près.

On retrouve au Canada anglais des Québécois et Québécoises allés s’établir là pour des motifs professionnels ou personnels à une date récente. Ils forment de petits groupes dispersés, très minoritaires et obligés par la force des choses de s’assimiler à la majorité anglophone qui les entoure. D’autres francophones plus nombreux, eux aussi d’origine québécoise vivent eux aussi au Canada anglais depuis quelques générations (et parfois depuis plus longtemps encore). Ils utilisent encore leur langue à la maison parce qu’ils sont assez nombreux ; à force de pressions, ils ont obtenu des institutions sociales et culturelles comme des commissions scolaires et des bibliothèques. Leur situation varie donc au gré des rapports de force qu’ils sont arrivés à établir avec les autorités locales et régionales. Mais ils doivent souvent lutter pour conserver leurs modestes avantages.

Ensuite, il faut souligner qu’on oublie souvent les importantes minorités historiques suivantes : les Acadiens des Maritimes et les Métis de l’Ouest, en particulier ceux de la Saskatchewan.

Les premiers, regroupés surtout au Nouveau-Brunswick, sont des francophones de vieille souche, descendants des Acadiens et Acadiennes déportés par les Britanniques de l’actuelle Nouvelle-Écosse en 1755. Il en subsiste encore quelques groupes dans cette dernière province. Au Nouveau-Brunswick, on les rencontre surtout le long du golfe, de Bouctouche environ à Caraquet.

Les Métis, eux, vivent surtout en Saskatchewan et dans une moindre mesure au Manitoba. Ils descendent d’unions entre voyageurs canadiens et Amérindiennes aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. Ceux et celles qui ont conservé le français sont assez peu nombreux mais ils affirment tout de même une présence francophone en plein milieu du Canada anglais.

On note ailleurs la présence d’autres communautés francophones qui sont arrivées à continuer de pratiquer leur langue et qui possèdent certaines institutions comme des bibliothèques, à Vancouver par exemple.
Toutes ces communautés francophones hors Québec affichent une conscience très vive de leur spécificité. Elles considèrent le Québec comme une espèce de grand frère de qui elles attendent soutien et encouragement. Pendant longtemps, Québécois et Québécoises les ont vues comme une extension nationale hors de leurs frontières. On est bien loin du multiculturalisme à la Trudeau.

Passons maintenant aux non francophones du Québec.

Ils se divisent en deux groupes principaux : ceux de vieille souche (anglo-saxonne et certaines communautés comme les Italiens et bon nombre de Chinois) d’une part, et d’autre part ceux arrivés assez récemment, en particulier de Grèce, ou plus récemment encore d’Asie, comme l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh. Certains de ces derniers éprouvent des difficultés à s’intégrer à la majorité francophone pour différentes raisons mais pas forcément à cause d’une mauvaise volonté réciproque. Il faut bien le dire aussi : en Amérique du Nord, l’anglais est la "lingua franca", la langue des affaires et de la promotion sociale.

Ceux qui s’assimilent le plus volontiers aux francophones semblent être ceux qu’on appelle les Latinos, c’est-à-dire les gens d’origine latino-américaine, peut-être en raison d’affinités culturelles.

Pour conclure, chaque nation principale au Canada possède donc ses "succursales" ou encore ses "antennes" au sein de sa voisine : pour le Québec, les francophones au Canada anglais et pour celui-ci, les non-francophones au Québec.
Ironiquement, leur présence respective confirme la thèse des deux nations bien plus que celle, éculée, du multiculturalisme.

Jean-François Delisle

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