Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Arts culture et société

Manifeste pour la pérennité et le rayonnement de la culture et des médias nationaux à l’ère numérique

Dans le contexte où le gouvernement libéral lancera bientôt le chantier du renouvellement de la politique culturelle du Québec et qu’à Ottawa, la politique sur le droit d’auteur sera révisée, une coalition d’organismes se manifeste afin de mobiliser autour du financement des arts au Québec. Or, le milieu a subi de durs reculs au cours des dernières années, notamment lors du règne des conservateurs à Ottawa, mais aussi de la vague d’austérité du gouvernement Couillard. Les artistes mais aussi toutes les personnes qui oeuvrent en périphérie (technicien-nes, agent-es d’administration, personnel des guichets, etc.) cherchent des façons de mobiliser largement afin de venir à bout des résistances des gouvernements affairistes. Et au-delà du financement, quel place pour les arts au Québec ? Le modèle du virage ouvertement commercial est-il à bout de souffle ? Comment faire respecter le droit des artistes sur leurs oeuvres lorsque celles-ci sont appropriées sans que leurs auteur-e-s soient justement rémunéré-e-s ? L’instrumentalisation des arts à des fins mercantiles doit-elle être remise en question ? Bref, le manifeste présenté ici aborde un aspect central des enjeux du milieu des arts mais d’autres devront s’y greffer afin que cette démarche ne se limite à pas à une simple redistribution un peu plus large de la même tarte. Nous y reviendrons. (PTAG)

Des organisations, des experts et des citoyens lancent un appel pressant aux gouvernements du Québec et du Canada afin qu’ils mettent en place les conditions qui permettront à l’industrie culturelle et médiatique de retrouver une stabilité dans le contexte actuel de transformation.

Le manifeste

Le milieu de la culture et des communications vit des bouleversements successifs depuis plus de 20 ans. La dématérialisation du contenu, l’arrivée d’Internet et du commerce électronique ainsi que les changements dans les habitudes de consommation des citoyens ont profondément déséquilibré l’écosystème culturel et médiatique. Un déséquilibre qui s’est accentué ces dernières années en raison de la concurrence inéquitable engendrée par l’inaction de nos décideurs face à l’émergence de géants sur Internet. 

D’une part, des multinationales (Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix, Spotify, etc.) offrent des services permettant d’accéder à une multitude de contenus, mais sans être soumises aux mêmes règles que les entreprises québécoises et canadiennes en matière de fiscalité, de taxation et de réglementation. D’autre part, des fournisseurs d’accès Internet (FAI) et des fabricants d’appareils électroniques donnent accès à la musique, aux productions audiovisuelles et aux livres numériques, sans contribuer à financer la création dont ils tirent profit.

La popularité de ces appareils et services a modifié le partage des revenus générés par nos contenus culturels et d’information. Ce ne sont plus majoritairement les créateurs, producteurs, éditeurs et diffuseurs qui récoltent les gains reliés aux productions dans lesquelles ils ont investi, mais de nouveaux intermédiaires de l’ère numérique qui n’ont aucune obligation par rapport au financement du contenu et à sa diffusion. Face à ce constat et après des années de laisser-faire des gouvernements, nous croyons qu’il est temps d’agir pour permettre aux entreprises culturelles et médiatiques de retrouver la stabilité essentielle à leur succès.

Nos organisations représentent plusieurs dizaines de milliers d’artistes et artisans (acteurs, auteurs, techniciens, journalistes, libraires, musiciens, documentaristes, réalisateurs, etc.), éditeurs, sociétés de gestion de droits, producteurs et citoyens préoccupés par l’avenir de l’industrie de la culture et des communications au Québec et au Canada. Nous nous unissons pour demander, d’une seule voix, que nos gouvernements interviennent sans tarder afin de solidifier les assises de notre écosystème culturel et médiatique, qui génère – faut-il le rappeler – 3,3 % du PIB du Canada et 4,4 % de celui du Québec.

Au moment où le gouvernement fédéral prépare une réforme de ses lois et politiques en matière de culture et de communications – ainsi qu’un réexamen de la Loi sur le droit d’auteur – et où le gouvernement du Québec revoit sa politique culturelle et sa stratégie numérique, nous réclamons que nos décideurs prennent leurs responsabilités afin de nous doter des outils nécessaires au rayonnement de notre culture et de nos médias à l’ère numérique. Nous traversons une période charnière. Les décisions qui seront prises dans les prochaines semaines et les prochains mois revêtent une importance capitale. Pour réellement soutenir et assurer la pérennité de l’industrie culturelle et médiatique, nos gouvernements doivent faire preuve d’audace, mais également de prudence, car il faut en quelque sorte rénover les fondations de notre maison, tout en préservant ce qui a été construit. Pour y parvenir, nous croyons que nos dirigeants doivent mettre de l’avant les trois principes suivants : 

Continuité

D’abord, nos gouvernements doivent agir dans la continuité. L’adaptation à l’environnement numérique actuel ne doit pas être un prétexte pour mettre de côté la philosophie d’intervention qui a permis le développement de notre culture et de nos médias. Les mesures réglementaires existantes doivent donc être revues pour encourager non seulement la création, mais également la diffusion et la découvrabilité de contenus qui nous ressemblent, la diversité des expressions culturelles et de l’information, ainsi que la vitalité de la langue française. La réglementation doit aussi être étendue à toutes les entreprises offrant des produits culturels ou d’information au Canada grâce à Internet. Il faut éviter de céder à la tentation de déréglementer : notre identité nationale et notre souveraineté culturelle en dépendent. 

Équité

Nos gouvernements doivent également mettre à jour les lois et politiques en vigueur pour que les entreprises canadiennes et étrangères soient traitées équitablement en matière de fiscalité, de taxation et de réglementation, dès lors qu’elles transigent avec des consommateurs québécois et canadiens. Qu’il s’agisse de services en ligne ou de médias traditionnels (radio, télévision, journaux), toutes les entreprises devraient payer leur juste part de taxes de vente et d’impôts, en plus de se soumettre à la réglementation – tant en matière de financement que de mise en valeur des contenus canadiens. Cette symétrie des obligations est cruciale dans le contexte actuel de prolifération de nouveaux services et plateformes numériques.

Soutien

Enfin, nous réclamons que les mesures mises en place par les gouvernements soient adaptées pour maintenir un écosystème de la culture et des communications fort, capable de développer nos talents et notre contenu dans un contexte de concurrence mondiale. Il est illusoire de penser que les centaines de milliers d’emplois générés par les entreprises culturelles et médiatiques au Canada puissent reposer uniquement sur l’exportation et les coproductions. Il faut mettre à profit tous les leviers disponibles – législatifs, réglementaires, fiscaux et financiers – pour assurer la vitalité de notre industrie, d’abord sur la scène nationale, puis à l’international. 

Une richesse collective à préserver

Pour conclure, nous voulons que la culture et les médias québécois et canadiens traversent avec succès la période de transformation en cours et continuent encore longtemps à nous enrichir collectivement, tant du point de vue artistique que sur le plan économique.

Les contenus produits ici, qu’ils divertissent, émeuvent, informent ou passionnent, sont grandement appréciés du public. Peu importe la technologie employée pour les diffuser, ils contribuent à notre identité et constituent également un important facteur d’intégration et de cohésion sociale.

Il est primordial que nos gouvernements reconnaissent que la production culturelle et d’information est une richesse collective. Ce n’est pas une marchandise comme les autres. Il faut la protéger, encourager son développement et favoriser son accessibilité afin qu’elle puisse rayonner dans le nouvel environnement numérique.

Nous demandons à Québec et Ottawa d’agir sans plus attendre – dans la continuité, l’équité et le soutien – pour aider l’industrie à surmonter les difficultés actuelles et faire en sorte que les générations futures puissent toujours regarder, écouter et lire des contenus qui soient le reflet de la diversité de nos communautés.

Signataires

Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA)

Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS)

ARTISTI

Association des professionnels de l’édition musicale (APEM)

Association des propriétaires de cinémas du Québec (APCQ)

Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ)

Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

Association québécoise de la production médiatique (AQPM)

Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ)

Association québécoise des cinémas d’art et d’essai (AQCAE)

Canadian Media Producers Association (CMPA)

Conseil québécois des arts médiatiques (CQAM)

Destiny Tchéhouali, directeur de l’Observatoire des réseaux et interconnexions de la société numérique (ORISON) - UQAM

DOC Canada, incluant sa division du Québec

Fédération culturelle canadienne-française (FCCF)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Front des réalisateurs indépendants du Canada (FRIC)

Forum for Research and Policy in Communications (FRPC)

Guilde canadienne des réalisateurs (GCR)

Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ)

Les Amis de la radiodiffusion canadienne

L’Observatoire du documentaire

Michèle Rioux, directrice du Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CEIM)

On Screen Manitoba

Performers’ Rights Society (PRS)

Québec Cinéma

Quebec English-language Production Council (QEPC)

Regroupement des artisans de la musique (RAM)

SOCAN

Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ)

Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC)

Société du droit de reproduction des auteurs compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC)

Société Internet du Québec

Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ)

Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et son Conseil provincial du secteur des communications (CPSC)

Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau (SEPB)

Table de concertation de l’industrie du cinéma et de la télévision de la Capitale-Nationale

Unifor-Québec

Union des artistes (UDA)

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