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« Midterms » : Trump sauve les meubles

7 novembre 2018 | tiré de mediapart.fr

Pour autant, c’est loin d’être un raz-de-marée. Pour des élections de mi-mandat, d’habitude boudées par les électeurs, la mobilisation est très significative – tout comme le pactole faramineux, plus de 5 milliards de dollars, dépensé pour ces élections.

Soirée démocrate à Newport Beach, Californie. © Reuters

Si les démocrates se sont beaucoup mobilisés, fruit d’une intense activité militante déployée depuis la victoire de Donald Trump, ils perdent toutefois trois sièges au Sénat, où le parti de Donald Trump accroît sa majorité – à l’heure où nous écrivons, ils n’en ont gagné qu’un, dans le Nevada.

C’est qu’en face, les républicains se sont eux aussi massivement rendus aux urnes, certains galvanisés par la rhétorique anti-immigrés et « nationaliste » de Donald Trump, d’autres satisfaits des bons chiffres économiques et de sa politique. « Succès formidable ce soir », a tweeté Donald Trump, qui s’est beaucoup affiché avec les candidats républicains au Sénat. « Le président les a aidés, c’est une victoire énorme pour lui », a répété sa porte-parole à la télé.

Les républicains ont aussi été avantagés par les charcutages électoraux massifs et les purges des listes électorales qu’ils ont menées depuis une décennie dans les États qu’ils contrôlent.

Ce mardi 6 novembre, les démocrates ont en effet remporté, selon les projections du New York Times, près de 8 % de voix de plus que les républicains, une avance substantielle. Cette mobilisation est peut-être de bon augure pour les échéances futures. Mais dans l’immédiat, elle ne se traduit que très imparfaitement dans les résultats.

Donald Trump avait multiplié les meetings, persuadé que ces élections seraient un référendum pour lui ou contre lui. Sa campagne fut lugubre, parfois apocalyptique, centrée sur l’« invasion migratoire », le traitement réservé par l’opposition au juge de la Cour suprême Brett Kavanaugh accusé d’agression sexuelle, ou la dénonciation des « hordes » démocrates. Mais de toute évidence, elle a permis au parti présidentiel d’emporter des victoires significatives dans certains États qu’il avait remportés en 2016, comme l’Indiana, le Missouri, ou le Dakota du Nord.

« Aujourd’hui, le trumpisme a été encouragé, validé dans l’Amérique rurale », a expliqué sur la chaîne MSNBC le communicant Steve Schmidt, ancien stratège républicain qui a quitté le parti à cause de son extrémisme. Mais dans le même temps, ajoute Schmidt, il a été « répudié dans l’Amérique urbaine et des banlieues ».

C’est l’autre enseignement du vote : deux ans de présidence Trump et de rhétorique incendiaire ont contribué à tourner des portions significatives de l’électorat vers des candidats démocrates modérés, notamment dans les banlieues aisées.

C’est notamment le cas en Virginie (où l’élection en 2014 de Dave Brat, un représentant fameux du Tea Party, a pu être interprétée comme un signe avant-coureur de l’élection de Trump) et à New York, deux États remportés par Hillary Clinton en 2016. Mais aussi dans l’Iowa, au Texas ou en Pennsylvanie, où Trump avait gagné. Cette exaspération n’a toutefois pas eu raison de Steve King, représentant de l’Iowa soupçonné de sympathies néonazies, qui l’emporte de peu.

Plus inattendu, la démocrate Kendra Horn, une avocate, ravit une circonscription urbaine acquise aux conservateurs depuis 1975 dans le très républicain Oklahoma. Et Sharice Davids, elle aussi avocate, par ailleurs lesbienne et indienne-américaine, l’emporte dans des banlieues aisées du Kansas, un État très conservateur, face à un candidat sortant qui se battait pour l’abolition de la réforme de la santé de Barack Obama.

Dans le même État, l’extrémisme de Kris Kobach, un clone de Donald Trump qui s’est mis en tête de traquer les fraudeurs électoraux (qui n’existent pas) et a fait une douteuse apparition de campagne juché sur un char doté d’une fausse arme de guerre, lui a coûté le poste de gouverneur qu’il convoitait : dans cet État où les républicains ont appliqué depuis huit ans des coupes budgétaires massives, c’est une démocrate, Laura Kelly, qui est élue.

Les démocrates remportent par ailleurs les postes de gouverneur dans le Michigan, l’Illinois, le Maine, le Nevada et le Nouveau-Mexique. Ainsi qu’une victoire tout à fait symbolique dans le Wisconsin, où le gouverneur Scott Walker, qui fut candidat à la primaire républicaine en 2016, est un champion du redécoupage électoral, connu pour ses lois hostiles aux syndicats. Son adversaire, Tony Evers, responsable des écoles publiques de l’État, a promis d’investir massivement dans l’enseignement public.

En revanche, ils ont échoué à gagner l’Ohio et surtout la Floride, où le candidat progressiste Andrew Gillum, soutenu par Bernie Sanders, de nombreuses organisations africaines-américaines, mais aussi les riches mécènes George Soros et Tom Steyer, a perdu l’élection face à Ron de Santis, un candidat qui a copié en tous points la rhétorique de Donald Trump.

Comme Gillum, qui avait fait campagne dans tous les recoins de Floride pour devenir le premier gouverneur africain-américain de son État, d’autres candidats ayant mené une campagne à la fois très active, et progressiste, mordent la poussière : Stacey Abrams, candidate en Géorgie, ne deviendra pas la première femme noire à diriger un État américain. Et Beto O’Rourke, dont la campagne destinée à mobiliser les jeunes et les Latinos a tenté de renouveler le vieux logiciel démocrate, a perdu son pari audacieux de battre le sénateur républicain Ted Cruz, héraut de l’Amérique religieuse.

Leurs défaites ne sont pas honteuses, mais elles prouvent que le parti démocrate a encore énormément de travail devant lui pour bâtir une coalition large, prenant en compte les grandes mutations démographiques du pays, qui lui permettrait de redevenir majoritaire dans le pays.

Dans le futur Congrès siégeront largement plus d’une centaine de femmes, la plupart démocrates : ce devrait être un record. Parmi elles, on trouvera Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, élue à New York : une « socialiste » autoproclamée, la plus jeune femme jamais élue au Congrès ; une autre membre du parti socialiste américain, Rashida Tlaib, de Detroit (Michigan), née de parents palestiniens : elle et Ilhan Omar, une réfugiée somalienne naturalisée qui porte un voile, sont les deux premières musulmanes du Congrès ; Deb Haaland (Nouveau-Mexique), la première Indienne-Américaine, etc.

Dès les prochaines heures, la bataille d’interprétation des résultats devrait démarrer au sein du parti démocrate. La direction du parti, assommée par la défaite de 2016, ne va pas manquer de souligner qu’elle a rempli son objectif de faire basculer la Chambre des représentants. Elle devrait aussi faire valoir le profil plutôt centriste des nouveaux élus démocrates et la défaite de figures progressistes comme O’Rourke ou Gillum.

À l’inverse, les proches de Bernie Sanders, qui n’exclut pas une candidature à la prochaine présidentielle, ou la sociale-démocrate Elizabeth Warren (tous deux ont été facilement réélus sénateurs ce mardi) pourraient estimer que leurs propositions en matière de travail ou de santé ont largement inspiré les campagnes des candidats démocrates. Mais que cette victoire serrée à la Chambre des représentants est aussi la preuve que le parti, qui a perdu près d’un millier d’élus sous la présidence Obama, n’a pas fait sa mue stratégique et idéologique.

Cette bataille-là ne fait que commencer. À l’issue de ce vote, la présidentielle américaine de novembre 2020 est déjà dans toutes les têtes.

Deux ans après l’élection de Donald Trump, les démocrates gagnent la Chambre des représentants. Mais dans un contexte de mobilisation historique, les républicains conservent le Sénat. Le président américain a réussi à limiter la casse.

New York (États-Unis), de notre correspondant.– C’était le signal du début de soirée. La possible victoire qui devait préfigurer une éventuelle « vague bleue » des démocrates au Congrès. Dans le Kentucky, un État très conservateur du Midwest, Amy McGrath était, sur le papier, une candidate idéale : une ancienne pilote de l’air en Afghanistan, démocrate modérée, quadra toute neuve en politique, dont la campagne parlait plus de couverture santé que de Donald Trump. En début de soirée, McGrath a perdu, prélude d’une soirée mitigée pour les démocrates.

Deux ans pile après l’élection de Donald Trump, les démocrates parviennent à reprendre, de justesse, aux républicains une des deux assemblées du Congrès, la Chambre des représentants, détenue depuis huit ans par le parti actuellement au pouvoir à la Maison Blanche.

C’est une victoire attendue, mais significative : elle met un coup d’arrêt à la toute-puissance institutionnelle des républicains, va permettre aux démocrates de proposer leur agenda législatif et de lancer, s’ils le souhaitent, toutes sortes d’enquêtes sur les conflits d’intérêts de Donald Trump, sa famille et ses ministres.

Un futur responsable de la majorité démocrate a d’ores et déjà laissé entendre qu’il comptait exiger que Donald Trump publie ses déclarations fiscales, ce que l’homme d’affaires devenu président n’a jamais fait, au mépris de tous les usages.

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