Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Nos oublis commodes

Dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal, j’ai eu la chance et le bonheur de voir Québekoisie de Mélanie Carrier et Olivier Higgins. Ce film nous remet face à notre aveuglement total devant la réalité des peuples autochtones qu’on a préféré effacer de nos mémoires plutôt que de voir comment on a rétréci leur univers en agrandissant le nôtre.

Depuis, je conseille à qui veut m’entendre de mettre à son programme l’assistance à la projection de ce film dès que possible, car il est fort bien fait et est un bon instrument pédagogique pour nous amener à réfléchir.

J’en parlais hier avec un ami. J’ai appris de lui que, dans les premières années du cinéma, les Amérindiens jouaient surtout le rôle de « bons sauvages » et que c’est autour de la Deuxième Guerre mondiale et après qu’ils sont devenus les méchants de service pour créer le genre western.

Cela m’a rappelé un fait de mon adolescence, qui montre à quel point l’idéologie dominatrice des blancs européens s’affirme dans la plus superbe ignorance. Il y avait au tout début des années 70 une émission pour enfants mettant en vedette l’ineffable Fess Parker (dont le nom est en soi une belle absurdité pour un public francophone), qui incarnait le héros états-unien Daniel Boone.

Ce charmant héros accomplissait des merveilles grâce à la collaboration des
« Indiens », qui se tapaient tout le travail, dont il récoltait ensuite les honneurs.

Un épisode qui m’avait particulièrement révolté est celui où il était parti avec
deux ou trois blancs et une douzaine d’Amérindiens pour délivrer un personnage que des brigands avaient fait prisonnier.

Au bout de nombreuses péripéties et au prix de la mort de la moitié de ses fidèles serviteurs indiens, Daniel Boone déclara dans la plus belle innocence qu’il avait réussi sa mission « sans perdre un seul homme ». Qu’un héros de télé puisse faire une telle déclaration sans que cela ne fasse lever le moindre sourcil dépasse proprement l’entendement, mais il semble hélas que j’aie été l’une des très rares personnes de mon entourage à m’en émouvoir.

Et cela m’amène à un autre exemple de double ignorance entendu ce matin même sur les ondes de Radio-Canada première chaîne. Le correspondant en Chine expliquait à l’animatrice de l’émission Info Matin que la Chine s’était incroyablement développée ces 30 dernières années, mais que l’éducation n’avait pas suivi puisque les Chinois en général ne parlent pas l’anglais. Non, mais vous vous rendez compte ? Les chauffeurs de taxi ne parlent pas anglais. On en apprend tous les jours : que les Chinois ne parlent pas une langue dont ils n’ont visiblement aucun besoin serait un manque d’éducation. Les énormités qu’on peut proférer quand c’est l’idéologie qui parle.

Et pour revenir à mon sujet du début, l’oubli des torts imposés aux peuples qui ont accueilli nos ancêtres est bien commode quand on veut exploiter la richesse de ce pays sans les consulter.

LAGACÉ Francis

Francis Lagacé

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