Édition du 26 novembre 2024

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Solidarité internationale

Exploitation minière dans les Andes

Pour un Intag intact

Il ne faudrait pas vous blâmer si vous n’étiez pas au courant, mais dans une petite région agricole de l’Équateur a sévi un conflit qui a brassé bien des émotions dans la dernière décennie. C’est dans la région d’Intag, partie intégrale de ce qu’on appelle le Chocó – une partie de la Cordillière des Andes néotropicales qui s’étend du Panama au Pérou – qu’est né le grand conflit de l’exploitation minière de la région.

Tout a commencé au début des années 90, quand Bishimetals, une fillière de Mitsubishi, la toute-puissante japonaise, a entrepris diverses études sur le potentiel minier de la région d’Intag, dans le canton de Cotacachi, notamment sur le cuivre. Intrigués par cette activité peu usuelle pour leur vie tranquille, les habitants des communautés d’Intag ont vite pris conscience de ce qui se tramait sans leur consentement et ont mis feu au campement de l’entreprise, les forçant à évacuer sur-le-champs. Les habitants furent accusés de terrorisme et de vol, mais heureusement furent acquités.

La peine des paysans d’Intag n’en était toutefois qu’à ses débuts : en 2003, une nouvelle entreprise, canadienne cette fois, prends la relève et vient troubler la paisible région de l’Équateur. Sans aucune consultation des communautés (ce qui consiste en un acte anticons-titutionnel en Équateur), l’entreprise Ascendant s’approprie des terres et commence à acheter des fermes avec les fonds de la bourse de Toronto. De plus, ils paieront une partie des habitants pour militer en faveur de la mine, ce qui conjointement avec les achats des fermes, créera une division entre les gens des petites communautés de l’Intag, amorçant ainsi la technique de “guerre psychologique” dont est accusée la compagnie minière par diverses organisations militantes.

Pourquoi une opposition si vive de la part des communautés ? Il faut d’abord souligner que le peuple équatorien n’est pas du genre à se laisser passer des savons : les 3 derniers gouvernements n’ont pas pu terminer leur mandat, accusés de corruption, ce qui amène le 4e parti au pouvoir en moins de 10 ans !

C’est que la région d’Intag fait partie des 10 points chauds de la biodiversité dans le monde. Malgré la grande déforestation des dernières décennies pour l’agriculture (maïs, café et haricots principalement), la région abrite une forêt tropicale nuageuse (à plus de 2000m d’altitude) où l’on retrouve pas moins de 28 espèces en voie de disparition, incluant 2 singes, le jaguar, et plusieurs espèces d’oiseaux.

De surcroît, les habitants croient – et avec raison – que la région possède d’autres atouts économiques dépendant justement de la biodiversité et de la nature : on pense ici à l’écotourisme, mais aussi au marché agricole qui s’organise de plus en plus dans la région grâce aux associations qui se forment, et qui comporte déjà quelques producteurs Bio. Soulignons aussi l’artisanat et l’entrée de plusieurs produits dans le commerce équitable.

Les gens des communautés n’ignorent pas qu’une mine à ciel ouvert – c’est le plan projeté – détruira une zone immense de forêt primaire, ce qui risque d’assécher la région environnante. De plus, les produits toxiques utilisés par les entreprises minières incluent le chrome et l’arsenic. Ces substances seront délaissées dans l’environnement et contamineront les eaux dont dépendent les animaux, les plantes et les humains de l’Intag. Pour terminer, la construction de la mine nécessitera le déplacement de 5 communautés.

Bref, comme le souligne Carlos Zorilla, dirigeant d’un groupe d’éducation environnementale et militant contre le projet minier : « Il n’existe aucun exemple viable de mines. Nous n’avons qu’à regarder ce qui s’est passé avec les entreprises étrangères qui ont exploité le minerai des pays d’Amérique du Sud, entre autre au Chili, pour s’apreçevoir que finalement, il ne reste rien pour le pays qui possédait le minerai à priori. Une fois que l’entreprise a terminé son sale boulot, elle ne laisse qu’un paysage défiguré, pas un sous pour les gens. »

Zorilla souligne l’appui de la Banque Mondiale pour les corporations minières, qui a élaboré une loi il y a moins de 10 ans réduisant les impôts d’exploitation minière et cédant des lots miniers à des valeurs symboliques de 1$ (!). Tout cela a facilité la vie des méga-entreprises minières, ces multi-nationales toutes puissantes qui ont déjà causé bien des dommages environ-nementaux, non seulement en Amérique Latine mais aussi en Afrique.

Les gens d’Intag veulent quelque chose de plus durable, pas la destruction de leurs richesses. Seulement, la compagnie Ascendant ne semble pas comprendre, pas plus que son président qui s’est rendu en Équateur pour discuter avec les communautés et qui, bafouant de contradictions, n’a finale-ment rien pu leur dire d’autre que le projet minier allait suivre son cours, que les communautés le veuillent ou non.

En plus de financer des groupes pour intimider les gens qui ont pris position “contre la mine”, Ascendant a créé une organisation faussaire, CODEGAM, qui récemment, en 2005, a envoyé un groupe paramilitaire pour intimider les dérangeants dans la municipalité de Cotacachi. Ironie du sort, les paramilitaires furent capturés alors qu’ils tentaient de pénétrer par la forêt et furent faits prisonniers dans l’Église du village.

Ceci n’est qu’un exemple des nombreuses tentatives d’intimidation entreprises contre les militants, en particulier les chefs des groupes d’opposition.

En conclusion, peut-être penserez-vous que l’Équateur est un peu loin pour agir contre ce terrible projet qui risque encore une fois de détruire la nature au prix de capital monétaire. Détrompez-vous, grâce à la grande mobilisation des gens de l’Intag, la bataille va de bon pied et vous pouvez aider en tant que canadien(ne) en écrivant à l’entreprise Acendant, qui est aussi canadienne, afin de donner votre opinion sur leurs activités frauduleuses, anti-environnementales et anti-sociales.

J’ai préparé une lettre, jointe en annexe, que vous pouvez envoyer par courriel à la compagnie. Si un nombre suffisant de canadiens donnent leur avis, cela mettra un autre boulet dans les plans de l’entreprise. Faites-la circuler dans vos contacts. Mobilisez-vous ! Aidons nos frères en Équateur qui veulent préserver leur beau pays !

Plus d’info :
www.decoin.org
www.atquebec.org/

© Pier-Olivier Boudreault
Avril 2007
présentement en voyage en Amérique du Sud

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