Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Asie/Proche-Orient

Quelques éléments sur les luttes démocratiques et sociales à Hong Kong et sur le continent chinois

Ce texte s’inspire en partie de la revue internationale « Chine » de l’Union syndicale Solidaires, publiée au printemps 2019. Des renvois figurent en note vers les pages concernées.

Tiré de Europe solidaire sans frontière.

Quatre dimensions seront successivement abordés :

1. Les luttes démocratiques en Chine continentale,

2. Les luttes démocratiques à Hong Kong,

3. Les luttes sociales à Hong Kong,

4. Les luttes sociales sur le continent.

Chacune des ces dimensions a ses caractéristiques propres, son histoire propre et sa propre dynamique.
Simultanément, chacune interfère avec les trois autres.

1. Les luttes démocratiques en Chine continentale

Les droits démocratiques sont extrêmement limités sur le continent, notamment en ce qui concerne libertés d’expression et d’organisation.(1)
Le pouvoir n’est pas élu par la population. Les décisions politiques finales sont prises par les 9 personnes siégeant au secrétariat du Bureau politique du PCC. Ils sont dominés par une volonté forcenée de se maintenir en place.

Une répression farouche est de règle contre celles et ceux qui pourraient y faire obstacle parmi les défenseurs/euses des droits humains, les avocats, les militant.es ouvrièr.es, les féministes, les artistes, les minorités ethniques.(2) Sur 12 millions de ouïghours, au moins un million seraient détenu.es en camp de travail).

Depuis 2012 une accentuation de la répression a lieu contre le peu de droits existants.(3)

Les dirigeants sont toujours traumatisés par le chute du mur. Les luttes de clans, ont en toile de fond la peur de voir surgir parmi eux un Gorbatchev chinois.

Plusieurs angoisses les hantent :

 Qui pourrait surgir du monde intellectuel et/ou des défenseurs/euses des droits humains ?

Avec le spectre du tchécoslovaque Vlaclav Havel, qui explique la violence de la répression contre Liu Xiabo qui s’en réclamait en Chine.(4)

 Qui pourrait surgir du monde ouvrier ? Avec le spectre de la grève générale d’Août 1980 en Pologne.(5)

 Le spectre du mouvement de la place Tienanmen de 1989, suite auquel des milliers de personnes avaient été tuées pour avoir osé revendiqué la démocratie.(6) Les responsables du Parti communiste chinois sont depuis cette époque bien décidés à empêcher toute possibilité de mouvement de masse luttant pour la démocratie, et pouvant éventuellement converger avec les luttes sociales. Dans ce but, une répression implacable est exercée contre toute mobilisation se structurant en dehors du contrôle du pouvoir.

2. Les luttes démocratiques à Hong Kong

A la différence du continent, un certain nombre de droits démocratiques existent à Hong Kong, et notamment la liberté d’expression, une certaine indépendance du pouvoir judiciaire, et la liberté de former des associations et des partis politiques. (7)

Mais l’existence de partis n’a jamais été à Hong Kong synonyme de démocratie politique. Le pouvoir britannique avait refusé d’organiser des élections jusqu’en 1985. Par ailleurs, les partis n’ont jamais eu à ce jour de véritable influence sur le choix des pouvoirs exécutifs et législatifs.

 Hong Kong était avant 1997 une colonie britannique, et le pouvoir exécutif était entièrement aux mains du gouvernement de Londres. Cette prérogative antidémocratique a été transféré dans les faits depuis juillet 1997 au pouvoir de Pékin.

Le/la Chef.fe de l’exécutif est en effet élu.e par un collège de 1 200 personnes, dont seulement 40 sont élu.es par la population (en tant que député.es). Les 1 160 autres sont très majoritairement acquis.es au pouvoir de Pékin, en particulier celles et ceux représentant les milieux d’affaires. En pratique, ne peuvent se présenter au poste de Chef.fe de l’Exécutif que deux ou trois candidat.es agré.es par Pékin.

Le « Mouvement des parapluies » de 2014 avait échoué à remettre en cause ce système particulièrement complexe et anti-démocratique.

 En ce qui concerne le pouvoir législatif, des élections ont fini par être organisées à partir de 1985 par le pouvoir britannique. Mais elles n’ont pas grande influence : le système en place garantit automatiquement l’exercice du pouvoir législatif par les partisans du pouvoir de Pékin.

Seul.es 40 des 70 membres sont en effet élu.es par les citoyen.es (35 directement, 5 parmi les élu.es locaux). Les 30 autres sont majoritairement des partisans de Pékin, provenant notamment des sommets du patronat.

Résultat, alors que les partisans de Pékin ont toujours été largement minoritaires lors des élections, ils/elles ont toujours eu la majorité des sièges au Conseil Législatif (LegCo), présenté pourtant comme le « Parlement » hongkongais.

 Mais cette situation ne suffit pas au pouvoir de Pékin. Il entend désormais remettre en cause les libertés d’expression et d’organisation existant à Hong Kong. Dans ce but, un projet d’amendement de la loi d’extradition a vu le jour : si il était adopté, les autorités de Pékin pourraient traduire devant les tribunaux du continent toute personne présente à Hong Kong, quelque soit sa nationalité.

Le point de départ des mobilisations actuelles est une lutte défensive pour le retrait de la loi d’extradition, et le maintien de l’indépendance (relative) dont jouit le pouvoir judiciaire.

Elle s’est combinée avec une lutte offensive pour l’élection des pouvoirs exécutifs et législatifs au suffrage universel. Ces mobilisations se traduisent par :

 Des manifestations gigantesques, regroupant parfois plus de la moitié des hongkongais.ses en âge de manifester ;

 Des actions offensives minoritaires mais recevant le soutien de la grande majorité de la population.

La jeunesse joue un rôle moteur dans toutes ces mobilisations. C’est sur elle que repose l’essentiel des actions offensives.(8)

Malgré son ampleur impressionnante, le mouvement en cours comporte plusieurs faiblesses :

 la grande faiblesse en son sein des organisations et réseaux se réclamant du socialisme,

 l’existence sur la droite de celui-ci d’une aile indépendantiste xénophobe,

 l’absence d’alternative politique.

Avec le développement de la répression, en particulier contre les jeunes et les salarié.es, la solidarité internationale est plus nécessaire que jamais.

3. Les luttes sociales à Hong Kong

La détermination de la jeunesse a pour toile de fond le malaise profond de la jeunesse.

 même si le chômage est faible, les possibilités de mobilité sociale le sont aussi,

 le coût de la vie est exorbitant, notamment en ce qui concerne le logement.

 les libertés existant à Hong Kong sont menacées.

Les mouvements sociaux sont habituellement limités, et très peu de grèves ont lieu.

HKCTU, la centrale syndicale indépendant des pouvoirs de Hong Kong et de Pékin est essentiellement présente dans l’enseignement, plus faiblement dans quelques secteurs comme par exemple le transport aérien, les dockers, les travailleurs sociaux, la santé, les domestiques, etc.

Le niveau de militantisme de ses membres est habituellement limité. HKCTU a néanmoins appelé courageusement à la grève générale à deux reprises, le 17 juin et le 5 août. Son deuxième appel a été beaucoup plus suivi que le premier.

4. Les luttes sociales sur le continent

Contrairement à Hong Kong, énormément de luttes locales ont lieu sur le continent : conflits du travail, luttes écologiques, luttes féministes, etc.(9) Celles-ci sont éventuellement tolérées au niveau local.

Elles sont par contre sévèrement réprimées dès qu’elles prennent des formes échappant au pouvoir et/ou prennent une dimension géographique plus large.Toute constitution de syndicat indépendant est impitoyablement écrasée.

Les droits collectifs des salarié.es (droit de s’organiser, de faire grève et de négocier) sont quasi-inexistants sur le continent. A la fois cause et conséquence de cette situation, il n’existe pas en Chine de réelle organisation syndicale.

Ce qui suit, est essentiellement consacré aux luttes des salarié.es.

4.1 La centrale « syndicale » unique d’Etat (ACFTU) (10)

C’est la seule organisation ayant le droit de parler au nom des salarié.es.
De par la loi, l’ACFTU est étroitement soumise à l’autorité du Parti-Etat et a pour mission de soutenir le pouvoir. Les responsables syndicaux sont simultanément membres de l’instance correspondante du parti et/ou de l’appareil d’État.

 Les fonctions principales attribuées à l’ACFTU sont non pas de jouer un rôle revendicatif, mais d’œuvrer à la croissance de la production, de désamorcer voire réprimer les grèves.

 Elle dispose de moyens financiers considérables, et ses permanents ont des avantages matériels importants.

 Dans le secteur privé, ce sont les patrons qui nomment la très grande majorité des dirigeantEs de syndicats de base.

 En conséquence, la quasi-totalité des organisations militantes du continent et de Hong Kong ne considèrent pas l’ACFTU comme une organisation syndicale, mais un bout de l’appareil d’Etat.

4.2 Les organisations de défense des droits de salarié.es (LNGOs) (11)

Il s’agit d’organisations, de type associatif, essayant de pallier en partie à l’absence d’organisation syndicales indépendantes du patronat et de l’Etat. Elles sont tournées vers des entreprises privées, souvent à capitaux étrangers, et souvent situées dans le sud du pays.

Pour tenter d’échapper à la surveillance des autorités, la plupart des LNGOs sont enregistrées comme : entreprises, centres communautaires, centres d’expertise en hygiène et sécurité au travail, centres d’aide juridique, ou ne sont pas enregistrés du tout.

Les objectifs des LNGOs sont de développer chez les salariéEs la conscience de leurs conditions de travail et de vie, de façon à ce que se renforce leur identité collective et faciliter leurs luttes

Dans ce but, leurs locaux sont des lieux de vie où les salarié.es, essentiellement des migrants.es venu.es des campagnes chinoises, peuvent avoir accès à des journaux, des films, diverses activités culturelles et récréatives. Il leur est également proposé de participer à des groupes centrés sur les droits sociaux et notamment ceux des femmes, les accidents professionnels, l’hygiène et la sécurité, la santé des femmes, une aide à la rédaction de documents administratifs, le suivi de dossiers, etc.

Des permanent.es de certaines LNGOs représentent également des salariéEs auprès des tribunaux.

Aux alentours des entreprises, les LNGOs installent des panneaux explicatifs, distribuent des tracts , organisent des discussions dans les dortoirs, rendent visites aux victimes d’accidents du travail, etc.

Elles réalisent des enquêtes sur les droits des salarié.es, les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité. A partir de celles-ci, elles lancent des campagnes d’opinion (en Chine et dans le monde), notamment sur les pratiques des multinationales.

Suite à ces campagnes, certaines multinationales ont été contraintes de faire des concessions

Depuis 2012, le pouvoir a proposé à des LNGOs s’enregistrer légalement
Afin de cesser d’être harcelées, certaines ont accepté. En retour, elles sont strictement contrôlées et doivent se se limiter à des activités sociales ou caritatives, en passant éventuellement un contrat avec des pouvoir locaux pour la prise en charge de services sociaux.

D’autres LNGOs refusent de perdre leur indépendance en s’enregistrant officiellement.

Elles se limitent désormais essentiellement à donner des avis juridiques, et se refusent à tout ce qui peut ressembler à l’organisation directe les salariéEs.

D’autres, au contraire, ont choisi de franchir un pas de plus dans l’organisation des salarié.es.

dans la foulée de la grève Honda de 2010 (voir plus loin).

En décembre 2015, une sévère répression s’est abattu sur les LNGOs ayant adopté cette nouvelle orientation. Cette répression s’est amplifiée depuis l’été 2018.

Suite à cela, la plupart des LNGOs sont revenues à des attitudes très prudentes lors des luttes collectives.

Une dizaine de LNGOs sont basées à Hong Kong et disposent pour certaines de locaux sur le continent, mais elles doivent rester discrètes et ne pas l’afficher publiquement. Depuis 2017 leur liberté d’action sur le continent est très limitée.

Une deuxième série de LNGOs sont nées sur le continent : une quarantaine dans le delta de la rivière des Perles, 10 à Pékin, et 5 dans le delta du Yangzi (estimation 2014).

Elles au mieux tolérées, et peuvent être interdites à tout moment. Leurs responsables vivent sous la menace permanente d’agression par des hommes de main ou des policiers, ainsi que d’être jeté.es en prison.

Il est interdit aux LNGOs du continent de collecter des cotisations. Ce sont donc des organisations essentiellement basées à Hong Kong, qui leur font parvenir la plus grande partie de leurs moyens de fonctionnement.

Fondée en 1990, la centrale hongkongaise HKCTU a toujours soutenu les luttes sociales et démocratiques à Hong Kong et sur le continent. Les LNGOs et HKCTU partagent une série de valeurs fondamentales. Elles participent la plupart du temps aux mêmes coalitions.

5. Une réinvention en pointillé du syndicalisme en Chine

Quatre luttes, Ole Wolff (2006-2009), Honda, Walmart (depuis 2014) et Jasic (2018) sont particulièrement riches d’enseignements. (12) Chacune d’entre elles renferme une partie au moins des principes sur lesquels pourrait se constituer en Chine un mouvement syndical authentique :

 l’indépendance envers le patronat et le parti-Etat,

 l’auto-organisation des salarié.es,

 une structuration démocratique allant du bas vers le haut,

 l’absence d’avantage matériels pour les porte-paroles des salarié.es,

 une place égale des femmes et des hommes,

 la défense intransigeante des revendications élaborées par les salariéEs eux/elles-mêmes,

 la nécessaire construction de rapports de forces comme préalable à de réelles négociations,

 l’extension du mouvement en dehors du lieu de travail en lutte,

 le recours aux media et aux réseaux sociaux pour populariser la lutte,

 une alliance avec des étudiant.es, des juristes, des universitaires et des chercheurEs,

 un partenariat basé sur le respect mutuel entre salarié.es en lutte, LNGOs, et centrale syndicale hongkongaise HKCTU,

 la construction de liens avec des salarié.es du monde entier.

Les expériences citées n’ont en effet duré qu’un temps limité. Mais elles sont largement connues en Chine, et servent de référence à des millions de salarié.es.

Contrairement à ce que beaucoup de militant.es espéraient, réinventer un mouvement syndical authentique prendra du temps. Il en a été ainsi dans la plupart des pays du monde : le processus de construction d’un mouvement syndical s’y est étalé sur une longue période, alternant des phases de flux et de reflux. Il serait étonnant qu’il en aille aujourd’hui autrement dans un pays aussi gigantesque que la Chine, doté en outre d’un pouvoir à l’autoritarisme croissant.

De plus, tout ou presque est à réinventer. Depuis près d’un siècle, il n’existe en effet plus de réelle organisation syndicale en Chine continentale.
Un premier mouvement syndical s’était bien constitué au début du 20e siècle, mais il avait été sauvagement éradiqué à la fin des années 1920. L’ACFTU, qui a été reconstituée en 1948-1949 par le parti-Etat, n’a jamais réellement été une organisation syndicale, mais une courroie de transmission du parti-Etat.

Néanmoins, l’expérience accumulée, notamment lors des grèves de 2010 constitue un acquis incontournable. Raison supplémentaire pour les syndicalistes du monde entier de soutenir des luttes de ce type.

6. Quelques débats en cours

Un certain nombre de débats complexes existent entre militant.es chinois.es, et/ou chercheur.es en sciences sociales.

 Certains concernent les organisations de défense des droits des salarié.es (LNGOs), ainsi que les rapports entre celles-ci et l’auto-organisation des salarié.es.

 Deux autres sont abordés ci-après.

6.1 Une auto-réforme de l’ACFTU est-elle possible ? (13)

Les LNGOs et HKCTU faisaient traditionnellement des analyses convergentes de l’ACFTU :

Le syndicat officiel, ne défend pas la cause des salarié.es. Il défend ses propres intérêts. Il se montre plus actif que la police pour bloquer la constitution de syndicats indépendants qui pourraient le concurrencer.

A partir de 2005 Han Dongfang, de la LNGO China Labour Bulletin (CLB), a amorcé un double tournant :

1. D’après lui, une évolution graduelle du régime serait en cours.
Il se fixe en conséquence pour objectif de convaincre l’État de l’intérêt qu’il aurait à la satisfaction des revendications ouvrières

2. L’ACFTU, serait d’après lui en train de « devenir une organisation qui représente réellement les intérêts des travailleurs ».

Il faut « encourager une réforme du syndicat officiel en le mettant sur la bonne voie, et en faisant en sorte qu’il devienne une réelle représentation ouvrière », « capable de représenter les intérêts des salariéEs dans les négociations collectives avec leurs employeurs ».

Les autres organisations militantes de Hong Kong ne sont pas d’accord. Trois d’entre elles expliquent notamment :

« Lors des conflits du travail, les salariéEs ne veulent pas faire confiance aux syndicats parce que de nombreux dirigeants syndicaux font simultanément partie de la direction des entreprises. »

« Faire valoir que l’ACFTU réalise des avancées dans sa réforme et qu’elle est mieux à même de représenter les intérêts des salariéEs, ressemble davantage à un vœu pieux qu’à une appréciation objective de la réalité ».

4.2 Un système de négociation collective peut-il exister en l’absence d’organisation syndicale indépendante ?

Traditionnellement, les LNGOs et HKCTU estimaient que non. HKCTU et le CLB écrivait par exemple ensemble en 2001 : « La négociation collective est réduite à une farce, lorsque le syndicat participant n’est pas indépendant du patronat et du pouvoir politique. »

Les positions du CLB ont ensuite beaucoup évolué :
« Pourquoi ne pas commencer à mettre en place tout de suite la négociation collective, et remettre à plus tard la liberté syndicale ? »

« Notre changement de stratégie va permettre que les belles promesses du Parti communiste se réalisent pas à pas. Il existe une opportunité en or pour les salarié.es et le Parti communiste de travailler ensemble, et de créer une société plus juste, plus égalitaire et plus stable. »

« Grâce à notre engagement, il a également été possible de voir que le parti était capable d’apprendre et de poursuivre le processus de réforme, et qu’il constituait un partenaire potentiel ».

Le CLB a acquis « une riche expertise ouvrant la voie à la création d’un système national de négociation collective au niveau des entreprises. »

Contrairement au CLB, la quasi-totalité des LNGOs de Hong Kong et la centrale syndicale hongkongaise HKCTU continuent de lier étroitement la possibilité de réelles négociations collectives, ainsi que l’existence d’un syndicalisme indépendant du parti-Etat et du patronat.

Trois LNGOs écrivent par exemple en 2011 :

« Le mouvement syndical international repose sur trois principes directeurs fondamentaux :

 la liberté de former des syndicats,

 le droit à la négociation collective,

 le droit de grève.

Ce n’est que lorsque tous les trois sont reconnus simultanément, par l’État et les employeurs, non seulement en paroles mais en actes, que chacun de ces droits peut avoir un sens pour les salarié.es.
À cela s’ajoute la nécessité pour eux/elles de jouir des libertés civiles, qui sont également indispensables au mouvement ouvrier. Et en Chine, les libertés civiles sont pratiquement absentes. En Chine, les salarié.es sont privé.es des libertés civiles fondamentales en général, et des droits fondamentaux du travail en particulier. »

Elles ajoutent : « L’ACFTU est claire quand elle décrit ce qu’elle promeut comme étant des « consultations collectives », et non pas des « négociations collectives ».

En effet, le terme de « négociation » peut suggérer une sorte de confrontation entre employeurs et employéEs, qui n’est pas le cadre dans lequel se situe le syndicat officiel.
La « concertation collective » ne vise qu’à renforcer la seule institution syndicale officielle, en retirant leur légitimité aux grèves ouvrières ainsi qu’aux élections syndicales démocratiques. »

Annexe : les luttes ouvrières en Chine continentale

Il est possible de distinguer trois grands cycles de luttes qui se chevauchent partiellement.

Voir notamment pp 59-91 et 145-164.

La résistance à la liquidation du système économique et social mis en place pendant l’ère maoïste

Entre 1993 et 2003, environ la moitié des salarié.es des entreprises d’État sont chassé.es de leur emploi.
Pour cette raison les luttes ont essentiellement lieu en dehors des lieux de travail. Elles concernent en effet des ouvrierEs licenciéEs, des chômeurs/euses et des retraitéEs.

Le niveau de résistance ne dépasse pas en général le niveau de l’entreprise, et ce n’est que très rarement que la lutte prend une ampleur nationale.
Même si quelques luttes se terminent par des victoires partielles, la plupart se soldent par des échecs.

En 2002, la lutte des salarié.es des champs pétrolifères de Daqing constitue le mouvement contre les suppressions d’emplois le plus important que la Chine ait jamais connu. Une manifestation regroupe, par exemple, plus de 50 000 participant.es. L’échec de cette lutte est vécu comme une défaite décisive du mouvement national de résistance des travailleurs/euses des entreprises d’État contre les privatisations.

Un second cycle centré essentiellement sur les salarié.es venu.es des campagnes

A partir de 1992, c’est sur l’arrivée massives de salarié.es sous-payé.es venue.es des campagnes qu’est basée la croissance phénoménale de l’économie chinoise.
Pendant longtemps, la répression patronale et étatique parvient, en général, à empêcher les salarié.es migrant.es de luter.

Par la suite, c’est précisément l’importance de ces mesures répressives, ainsi que la surexploitation qui conduisent à des grèves souvent violentes et parfois victorieuses.

 Dans un premier temps, la plupart de ces luttes naissent, en général, entreprise par entreprise, sans avoir été préparées. Et une fois la grève passée, aucune forme d’organisation ne subsiste, soit à cause de la répression, soit à cause de la fragmentation des salarié.es, soit par un mélange des deux.

 Mais avec le temps, le soutien déterminé de militantEs de Hong Kong, la capacité croissante des salarié.es du continent à mener des luttes et à s’organiser, l’arrivée d’une nouvelle génération plus éduquée et ne voulant pas « retourner au pays », le rapport des forces se modifie.

Le pouvoir est alors contraint de recourir à la promulgation de lois sociales pour donner un cadre permettant de traiter les revendications.
Il en résulte une amélioration sensible de la situation matérielle des migrant.es, ainsi qu’une réforme partielle de leur statut discriminatoire (hukou).

Le troisième cycle n’en est qu’à ses débuts

Il repose :
 d’une part sur une nouvelle génération militante symbolisée par les grèves Honda (2010), Walmart (depuis 2014) ou Jasic (2018).

 d’autre part sur des salarié.es de la génération s’approchant de l’âge de la retraite, symbolisée par des luttes dans des entreprises de chaussures délocalisant à leur production à l’étranger (Yue Yen en 2014, Lide en 2014-2015).

Depuis 2015, la proportion des grandes mobilisations a chuté de façon spectaculaire. La raison essentielle en est le durcissement significatif de la répression. En 2018, les grèves ont eu lieu essentiellement dans des entreprises de moins de 100 salarié.es, ainsi que parmi des chauffeurs et/ou livreurs soumis à des plateformes Internet.

Notes

1. pages 214-219

2. pages 232-234

3. pages 214-219

4. page 216

5. page 19

6. page 19

7. pp 235-236

8. Des liens vers une série de vidéos sont disponibles sur http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article49627

9. p 21, pp 59-91, 145-164 et 243-246

10. Chapitre 3, pp 37-43

11. Chapitre 6 pp 99-141

12. Chapitre 7 pp 142-169

13. pp 44-51

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