Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Section 2 - Système économique, travail des femmes et place de l'écologie

Nous commençons à publier cette semaines des textes présentées dans le cadre des États généraux du féminisme. Nous publions cette semaine la partie du texte État des lieux du texte portant sur le système économique, le travail des femmes et la place de l’écologie. La semaine prochain nous publierons la partie les perspectives et les pistes d’action.

1. État des lieux

Les femmes… riches ?

Les luttes du mouvement féministe ont permis de dénoncer les inégalités tout en travaillant à l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les femmes elles-mêmes. Faire un état des lieux est nécessaire. Dans nos sociétés postindustrielles, comment comprendre les contraintes qui freinent les femmes dans leur ascension sociale et économique ? « Plafond de verre », « murs étroits » ou « plancher collant », quelle image illustre au mieux les inégalités persistantes ? Faire un état des lieux implique de regarder autant le chemin parcouru que celui qu’il reste à parcourir.

En dépit d’un rétrécissement important des écarts entre les femmes et les hommes au plan de la participation au marché du travail et des revenus, et parce qu’elles assument encore la plus grande part du travail ménager et des soins aux personnes, les femmes continuent d’afficher des taux de pauvreté plus élevés pendant la vie active et à la retraite. Elles continuent d’avoir besoin de transferts gouvernementaux, notamment l’aide sociale, les prestations pour enfants, les prestations de maternité et parentales, la Pension de la sécurité de la vieillesse et le Supplément au revenu garanti. Elles reçoivent moins que les hommes des programmes d’assurance sociale qui visent à remplacer le revenu de travail, notamment l’assurance-emploi, le Régime de pension du Canada ou le Régime des rentes du Québec (RPC/RRQ) et les régimes d’assurance des accidents et maladies du travail. À l’inverse, elles ont davantage besoin des programmes publics pour elles-mêmes et pour leurs enfants (ex. : pensions, services de santé, etc.) puisqu’elles peuvent rarement compter sur les programmes et régimes privés. [1]

Dans les 20 dernières années, la progression de l’emploi féminin total (tous secteurs confondus) repose principalement sur l’augmentation des emplois précaires de tous types occupés par des femmes. En effet, les femmes occupent la majorité des emplois atypiques et précaires, qui n’offrent pas les mêmes protections sociales ni les mêmes avantages sociaux que les emplois typiques, à temps plein. Le temps partiel est la facette la plus connue des emplois précaires, mais ceux-ci incluent plus largement tout emploi non standard, comme les mesures et programmes d’employabilité, le travail temporaire à durée déterminée, le travail avec les agences de placement ou le travail autonome [2]. En 2008, les femmes représentent plus de la moitie (52,1 %) des travailleurs atypiques, les deux tiers (66,6 %) des employés à temps partiel, plus de la moitie des travailleurs temporaires (51,6 %) et un tiers des travailleurs autonomes (36,9 %). Elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel. [3]Elles sont syndiquées dans une proportion de 38,8 % en 2011 [4] Suivant les années, les femmes occupent entre 60 % et 70 % des emplois au salaire minimum alors qu’elles occupent .
46 % des emplois en général. Plusieurs femmes gagnent des salaires à peine plus élevés que le salaire minimum. [5] Encore aujourd’hui, les femmes ont 73,7 % des revenus totaux moyens des hommes [6]. Le taux d’emploi [7] des femmes issues de minorités visibles et des femmes ] migrantes est plus bas que le taux d’emploi de l’ensemble des femmes. Le taux de chômage de femmes immigrantes est de 11,3 % alors qu’il se situe à 6,2 % pour l’ensemble des femmes. En, 2005 elles gagnent 88 % des revenus des femmes non immigrées, une baisse par rapport à l’an 2000 [8]. À cause du racisme et du manque de reconnaissance des expériences et des diplômes obtenus à l’étranger, ces femmes sont doublement discriminées sur le marché du travail.

De nombreuses femmes aînées et à la retraite vivent une grande pauvreté, notamment due au fait qu’elles n’ont pas été assez longtemps sur le marché du travail pour cotiser suffisamment à la Régie des rentes du Québec. Pour plusieurs femmes, leur rente ne leur permet pas de sortir de la pauvreté et de vivre dignement. Les femmes en situation de handicap subissent de graves obstacles à l’emploi. Enfin, le cas des femmes recevant des prestations est aussi révélateur des grandes inégalités sociales induites par le capitalisme.

Femmes et aide sociale : un portrait statistique révélateur

Au Québec, les femmes représentent 48,2% de l’ensemble des adultes prestataires en 2009. Parmi les femmes prestataires du programme d’aide sociale : 31 % ont des contraintes temporaires et 38 % ont des contraintes sévères à l’emploi. Les principales raisons de contraintes (5) ans ou grossesse (45 %) ; en raison de leur âge (55 ans et plus) ; pour motifs de santé ; des enfants handicapés à charge ; le soin d’adultes en perte d’autonomie [9]. On constate que les raisons pour lesquelles les femmes sont considérées comme ayant des contraintes temporaires à l’emploi sont principalement liées au fait qu’elles sont des femmes. En effet, ici comme partout dans le monde, les femmes assument le travail non rémunéré de reproduction, d’éducation et de soins.

Les personnes assistées sociales sont catégorisées, de façon arbitraire, à partir de critères relatifs au marché de l’emploi. Dans ce contexte, le gouvernement s’attend à ce que des femmes désavantagées sur le plan du revenu et des ressources, s’intègrent dans un marché du travail qui peine encore à reconnaître en toute égalité des femmes souvent plus scolarisées et mieux nanties qu’elles. L’aide sociale est un instrument indispensable pour bâtir la sécurité financière des femmes en vue de lever la barrière de leur pauvreté. Or, les réformes du régime d’aide sociale ne sont pas fondées sur le droit à la sécurité du revenu. Elles ont plutôt introduit des pratiques paternalistes et arbitraires tout en réduisant les droits de recours des prestataires.

Avancées économiques des femmes

Malgré ce portrait, les avancées féministes en matière d’économie ont été grandes. La lutte pour l’amélioration des conditions économiques des femmes a été et reste une priorité du mouvement. Par exemple, il y a eu une amélioration de l’accès au travail pour les femmes de la classe moyenne, tout en rappelant que les femmes de milieu populaire, racisées ou migrantes ont depuis fort longtemps dû travailler pour survivre. Rappelons que depuis les années 90, la lutte pour l’égalité économique a pour objectif de contrer la pauvreté des femmes, qui en sont temporaires sont pour les femmes : des enfants à charge âgés de moins de cinq socialement les plus affectées. Le mouvement féministe s’est saisi de ce problème et a travaillé à développer une série de mesures : loi proactive sur l’équité salariale, la perception automatique des pensions alimentaires et d’autres mesures fiscales telles que la hausse du salaire minimum.

Par ailleurs, la timide représentation des femmes dans des métiers traditionnellement masculins ou les tentatives de représentations dans les conseils d’administrations d’entreprises de taille diverses existent, même si elles restent à développer. Il faudrait aussi se féliciter des gains du mouvement syndical comme outil de lutte collective et de protection des travailleuses, notamment à travers les revendications des conventions collectives en matière de conciliation travail-famille études, qui restent encore à développer.

Enfin, grâce à la mobilisation du mouvement, certaines mesures de reconnaissance du travail invisible des femmes (dit travail ménager ou de reproduction) ont été acquises, tels que les congés de maternité et de parentalité, les services de garde améliorés, etc. Tous ces éléments sont autant de changements sociaux permettant une plus grande place des femmes.

Les lacunes du travail rémunéré et la non-reconnaissance du travail gratuit et invisible des femmes

L’une des questions primordiales dont le mouvement féministe s’est emparée au cours des dernières décennies est celle du travail rémunéré. En effet, celui-ci était et reste considéré comme le garant de l’autonomie des femmes, de leur épanouissement en tant que citoyennes en leur permettant de se sortir du joug de la dépendance dans laquelle elles ont pu être cantonnées.

Pourtant, le patriarcat cantonne les femmes à des rôles dits « de reproduction » (par opposition au travail dit « de production », qui est rémunéré et reconnu dans le système économique) en considérant qu’elles sont « par nature » portées à s’occuper des autres. Or, il n’y a rien de naturel là-dedans. En effet, la socialisation est différente selon les sexes : les attentes de la société par rapport à une femme sont différentes de celles par rapport à un homme. Les rôles sociaux différents attribués aux femmes et aux hommes ont un impact important sur les revenus des femmes et sur leur place sur le marché du travail [10]. Par exemple, les femmes constituent 80 % des proches-aidantes [11]. Les femmes sont socialisées à remplir ces fonctions qui ne sont ni rémunérées ni valorisées par d’autres moyens.

Ainsi, la notion de travail continue trop souvent de référer uniquement au travail salarié et d’exclure le travail domestique ou celui lié aux soins des enfants ou des proches dépendants ainsi qu’à toute autre activité bénévole de service à la communauté. Le travail gratuit, non reconnu, est encore largement le lot des femmes et le partage des tâches au sein de la famille demeure toujours inégal. C’est ce que l’on nomme le travail invisible des femmes.

Or, le travail salarié n’est aujourd’hui ni garant de la sécurité financière pour un grand nombre de femmes, ni garant du bien-être global (comme le souligne la Section 1). L’économie capitaliste s’appuie sur une division sexuelle du travail qui repose sur le travail gratuit des femmes et les cantonne aux secteurs les moins valorisés et aux emplois les plus précaires. La conciliation travail-famille, qui concerne pourtant une grande majorité des femmes, ou encore la conciliation études-famille, est encouragée par quelques timides mesures politiques, qui restent malgré tout insuffisantes puisque les femmes sont carrières ou études pour se consacrer aux tâches familiales. La multiplication des rôles sociaux s’additionne sans qu’il y ait une réelle perspective de conciliation des tâches au niveau privé et collectif. Ne serait-il pas temps de s’attaquer sérieusement à la proposition d’un revenu minimum garanti pour les femmes qui restent à la maison, par choix ou non, et qui n’ont pas accès à un emploi rémunéré ? Un tel revenu devrait avoir comme objectif de sortir les femmes de la pauvreté. Quelle place faire à la volonté d’avoir un meilleur équilibre entre vie de travail rémunéré et responsabilités familiales au sein des revendications féministes ?

Un système économique reproducteur d’inégalités sexistes

Le système de commerce qui échappe à tout contrôle démocratique se fonde donc en partie sur l’exploitation des femmes. Alors qu’on assiste à la réduction ou à la privatisation de certains services étatiques notamment dans la prise en charge ou le soin des personnes en perte d’autonomie, vivant avec un handicap ou malades, les femmes sont toujours les premières à en assumer les conséquences dans la sphère domestique. On pourrait dire en quelque sorte que l’on remplace l’État providence par « maman providence », ce qui représenterait une forme de conscription pour les femmes car de façon générale, en raison de leur socialisation, elles prendront le relais de l’État pour ne pas pénaliser les membres de leur famille. Le rétrécissement du partage des responsabilités entre les femmes et l’État pour les soins aux personnes représente un net recul pour les femmes qui en perdent en salaire, en avancement dans leur travail, et en temps disponible pour s’engager politiquement ou dans la société civile.

La ségrégation [12] du marché du travail affecte encore aujourd’hui les conditions de travail des femmes qui sont les premières touchées par la précarité et la pauvreté. C’est particulièrement le cas pour les femmes qui vivent en région et qui se retrouvent majoritairement dans les secteurs des services, notamment les petits commerces, l’éducation et les soins. En région, on constate aussi que les emplois sont davantage ghettoïsés : les femmes travaillent dans les secteurs traditionnellement associés à leur genre et c’est la même chose pour les hommes. Il est normal que ce soit ces derniers qui rapportent le gros salaire à la maison. Encore aujourd’hui, une femme a besoin d’un diplôme de plus qu’un homme pour toucher un salaire équivalent.

Le travail autonome, à contrat, ou sur appel constitue de plus en plus la norme pour une jeune génération de femmes. On observe une racisation [13] de la pauvreté et de l’exploitation économique, notamment en milieu urbain, où ce sont davantage les femmes racisées et immigrantes qui occupent les emplois délaissés par des Québécoises d’origine. L’exclusion du marché du travail touche particulièrement les femmes handicapées, aînées, les femmes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou en situation de grande pauvreté et ce, en raison d’une logique de performance économique à laquelle elles ne peuvent répondre. La vision de toujours produire davantage pour toujours plus de profits, au coeur de la conception capitaliste du travail, fait que celles qui ne sont pas considérées comme étant suffisamment productives sont mises de côté. Dans une société où le travail salarié a une place majeure, toute ressource humaine qui ne semble pas correspondre à la norme devient problématique. Peut-on dire aujourd’hui que le travail salarié a permis aux femmes d’atteindre l’égalité économique ?

Ce système économique valorise la surconsommation et la surexploitation des ressources naturelles et des territoires. Il s’appuie également sur la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes en les transformant en de simples objets de consommation. Ce modèle économique repose avant tout sur des rapports de domination. Dans ce contexte, l’État ne joue plus son rôle de garant du respect des droits de la population mais agit davantage pour protéger les intérêts des possédants. Les écarts entre riches et pauvres s’accentuent, tout comme l’insécurité et la détresse sociales qui l’accompagnent.

Dans un monde globalisé capitaliste : état des lieux des inégalités ici et ailleurs

La détérioration de la qualité de l’emploi a des conséquences différentes sur les hommes et sur les femmes. Les avancées féministes en matière d’économie sont grandes, mais les inégalités, toujours plus grandes, subsistent dans le monde entier et dans nos sociétés. Cette réalité est partagée par les femmes de pays du Nord et de pays du Sud. En effet, ici comme ailleurs, la libéralisation entraîne une multiplication des situations d’emploi et cantonne les femmes dans les emplois les plus précaires (travail à domicile, sous-traitance, travail au noir, etc.) [14]. Les efforts menés pour une plus grande égalité des femmes et des hommes sur le marché du travail se font lentement et ce, dans un contexte de recul global des conditions de travail. Ainsi, on assiste au développement d’un modèle « féminin » d’emploi caractérisé par la flexibilité qui engendre insécurité et précarité. Les politiques de migration s’inscrivent dans une même logique. On peut penser au Programme des aides familiales résidantes, par exemple. Pour comprendre la situation actuelle, il nous faut considérer l’interdépendance du capitalisme néolibéral, du patriarcat et du racisme [15]

Le capitalisme globalisé nuit aux femmes du Nord comme à celles du Sud. Il implique un certain mode de production et une accumulation de richesse de laquelle la plupart des femmes sont exclues. Dans le système économique actuel, certaines avancées des femmes du Nord reposent sur l’exploitation du travail des femmes dans le Sud. Le modèle consumériste [16]qui nous incite à toujours consommer davantage) exacerbé dans le Nord, repose sur des politiques d’emploi meurtrières et appauvrissantes, comme l’a prouvé l’effondrement de l’usine textile au Bangladesh plus tôt cette année, où travaillaient dans des conditions exécrables des milliers de femmes.

Les inégalités existent entre les femmes du monde, mais elles sont aussi reproduites à l’échelle locale. Si certaines femmes ont pu entrer sur le marché du travail, cela a été rendu possible en partie parce que les femmes pauvres, notamment les femmes migrantes, les femmes racisées et les femmes autochtones ont assumé le travail domestique de celles-ci, en agissant à titre de bonnes, de nounous, de servantes, etc. Ajoutons à cela que dans les pays riches, la majorité du travail précaire non valorisé repose sur le travail de femmes migrantes et de femmes racisées. Ainsi, les injustices connues et dénoncées au niveau international se reproduisent au niveau national.

La Marche mondiale des femmes (MMF) est un évènement majeur dans le mouvement féministe, notamment parce qu’il a institué une tradition de solidarités. La MMF a permis de lier analyse des phénomènes mondiaux, solidarité internationale et luttes locales. En comprenant la globalité des questions et des enjeux qui touchent les femmes d’ici et d’ailleurs, la MMF a permis au mouvement féministe de prendre conscience des impacts du modèle globalisé capitaliste et patriarcal sur les femmes du monde entier : le mouvement s’interroge de plus en plus sur le capitalisme et ses liens avec le patriarcat – autant dans l’appropriation par des compagnies transnationales des ressources naturelles que la domination du corps des femmes dans les champs économiques et militaires. La question de l’accumulation des biens dans le Nord, qui repose sur des modèles de production exploitant les femmes dans le Sud et les femmes du Sud dans nos pays, est aussi soulevée.

De la surexploitation des ressources au contrôle des territoires

Les gouvernements successifs adoptent des politiques néolibérales qui répondent uniquement aux intérêts des grandes entreprises. Les démocraties occidentales s’apparentent de plus en plus à des oligarchies démocratiques dans lesquelles les institutions publiques sont soumises à une logique marchande et non plus liées à la poursuite du bien-être collectif. Face à cette incapacité des gouvernements à encadrer le système économique, les entreprises transnationales ont trop souvent la permission d’épuiser les ressources naturelles sans égard aux intérêts à long terme de la population.

Dans ce contexte, l’exploitation des ressources humaines s’accompagne d’une surexploitation des ressources naturelles. Le mode de production capitaliste se base sur la surexploitation qui met en péril la vie, et la viabilité de l’humanité sur terre en s’accaparant les territoires. Ce vol des terres n’est pas nouveau, l’aventure coloniale fonctionnait déjà sur cette base en s’appropriant les ressources et les territoires autochtones, et cela continue toujours, le Plan Nord en est une preuve tangible. À plusieurs endroits dans le monde, nous assistons à une militarisation des territoires autochtones afin que les entreprises multinationales puissent s’approprier les ressources naturelles de ces territoires. Pensons aux compagnies canadiennes, telles les minières et les pétrolières, présentes dans des pays en conflit, riches en matières premières exportables, comme la Colombie, la République démocratique du Congo ou même la Grèce, pour ne nommer que ceux-là.

La militarisation passe par l’augmentation vertigineuse des budgets militaires, l’implantation et la consolidation de bases militaires, l’occupation plus grande et plus visible de l’espace public par les structures militaires, la propagande insidieuse faite autour des forces armées et l’intensification de leur recrutement, le tout inscrit dans une culture autoritaire. Mais c’est aussi un renforcement des rapports sociaux de domination entre les hommes et les femmes. La culture militaire amène une survalorisation d’une masculinité stéréotypée et réductrice, la normalisation de la violence pour régler les conflits, la banalisation des violences envers les femmes et la dévalorisation d’autres cultures ou des personnes racisées. Cette culture de la violence, avalisée par l’État, se transmet à l’ensemble de la société.

À la surexploitation des ressources naturelles s’ajoutent des enjeux féministes. Les femmes sont les premières touchées par cette exploitation et c’est pourquoi les femmes paysannes et les femmes autochtones sont bien souvent au coeur de la résistance contre l’expropriation et l’exploitation des terres agricoles et des ressources naturelles. Ces luttes sont pour elles une lutte pour défendre leur territoire, leur identité et participent plus largement d’une résistance contre le projet colonialiste et capitaliste. Dans le cas du Plan Nord ou dans celui de l’exploration des gaz de schiste, les conséquences sur les femmes sont directes. L’exploitation des ressources s’accompagne d’une concentration du pouvoir et d’une course au contrôle du territoire qui tend à développer une compétition entre les populations.

Parallèlement, elle encourage une division sexuelle du travail, une augmentation de l’exploitation sexuelle des femmes autochtones, la dégradation de l’environnement avec notamment la pollution de l’eau avec des effets majeurs sur la santé des femmes. Le droit à un environnement sain repose sur le fait que les ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l’humanité, que chaque être humain a besoin, pour vivre, d’eau, d’air, de nourriture et d’énergie en quantité suffisante et de la meilleure qualité possible, que la diversité biologique et les savoirs traditionnels sont une richesse, que la continuité de l’espèce humaine et des autres êtres vivants doit être assurée. Enfin, le droit à un environnement sain est relié à la nécessité de promouvoir un développement durable ou viable plaçant l’être humain au centre de ses préoccupations, cherchant à harmoniser les rapports entre les individus, les peuples et leur environnement, contribuant à l’avènement de sociétés justes, solidaires, égalitaires et pacifiques.

Au Québec, dès le début des années 1970, des femmes militent pour vaincre la pollution, pour la paix et le désarmement nucléaire. Les revendications féministes concernant le droit à un environnement sain sont, en général, moins connues dans le mouvement féministe. Pourtant, depuis particulièrement le milieu des années 1970, la préoccupation de l’écologie est intégrée dans l’action et l’analyse de certaines féministes. Un courant appelé « écoféminisme » propose de faire un lien entre l’appropriation de la nature et l’appropriation du corps des femmes, puisque toutes deux relèvent d’une même logique de domination à l’oeuvre dans le système patriarcal. Non seulement les femmes doivent-elles reprendre en main la propriété de leur corps, mais elles doivent aussi relier la lutte pour leurs droits à celle pour la défense de la nature.


[1ROSE, Ruth, Sortir les aînées de la pauvreté, de la violence et de la discrimination : un choix de société, Mémoire présenté dans le cadre de la « consultation publique sur les conditions de vie des aînés », FFQ, 2007.

[2Ibid

[3Emploi-Québec, Les chiffres clés de l’emploi au Québec. Édition 2013. p. 36

[4Groupe des 13, Plate-forme pour l’égalité des femmes Les enjeux concernant l’égalité des femmes et des hommes et l’égalité des femmes entre elles : engagements pour une société juste et solidaire, Février 2007

[5Au bas de l’échelle, Le salaire minimum, la pauvreté et l’emploi, 2006

[6Conseil du Statut de la Femme. Portrait des QUE..BE..COISES en 8 temps, édition 2013

[7Proportion des femmes qui travaillent par rapport à l’ensemble des femmes

[8Secrétariat à la condition féminine, L’égalité entre les femmes et les hommes au Québec. Faits saillants, 2010

[9Ministère de l’Emploi et de la solidarité sociale, Direction de la statistique et du soutien aux expérimentations, rapport statistique sur la clientèle des programmes d’assistance sociale, Octobre 2009

[10L’R des Centres de femmes du Québec, La Pauvreté : une décision politique, 2006

[11DUCHARME, Francine, Famille et soins aux personnes âgées, enjeux, défis et stratégies, Beauchemin, Chenelière Éducation, 2006

[12Voir Glossaire disponible en ligne sur le site des États généraux : www.etatsgenerauxdufeminisme.ca

[13Voir Glossaire disponible en ligne sur le site des États généraux : www.etatsgenerauxdufeminisme.ca

[14DEL CASTILLO, Isabel Yépez, L’emploi des femmes en Amérique latine, dans Regards de femmes sur la globalisation, sous la direction de Jeanne Bisilliat, Éd. Karthala, 2003

[15BOURRET, Gisèle, « Femmes au travail… atypique », Revue À bâbord !, décembre. 2004/janvier 2005

[16Voir Glossaire disponible en ligne sur le site des États généraux : www.etatsgenerauxdufeminisme.ca

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