Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Élections fédérales 2015

Stephen Harper et la négation du Québec

L’élection des Conservateurs en 2006 a été en bonne partie le résultat du changement politique découlant de la faillite des libéraux à résoudre la question constitutionnelle et à son incapacité à intégrer le Québec de façon durable au sein de la confédération. Stephen Harper rejettera cette conception et défendra une politique d’un Canada monolithique en négation de la réalité québécoise.

Comme le mentionnait Pierre Beaudet, « Il avait promis, à l’époque où il s’emparait du Parti « progressiste-conservateur » de démolir les pierres angulaires historiques du fédéralisme canadien, notamment le concept des « deux peuples fondateurs » et de leurs droits. Pour lui, le bilinguisme représente un vestige d’une époque révolue où le « vrai » Canada était forcé de faire des concessions à la « minorité francophone ». C’est dans ce sens qu’il faut interpréter les nominations à la Cour Suprême et dans la fonction de Vérificateur général. »(1)

Dans une manœuvre qui tentait de désamorcer la ferveur souverainiste au Québec, les conservateurs recommandaient en 2006 que le Québec soit reconnu comme nation. Mais les explications de Stephen Harper autant que ses choix politiques allaient dans le sens inverse : « La vraie question est simple, est-ce que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ? La réponse est oui. Les Québécois forment-ils une nation indépendante du Canada ? La réponse est non, et elle sera toujours non. (2)

En 2013 il adoptera une position sans équivoque en se joignant à la demande d’invalider la loi 99 adoptée sous le gouvernement de Lucien Bouchard en réponse à la "loi sur la clarté" du gouvernement libéral de Jean Chrétien. "En vertu de la Constitution du Canada, le Québec est une province du Canada et la loi contestée ne peut en aucun cas constituer le fondement juridique d’une déclaration unilatérale d’indépendance", stipulaient alors les avocats du gouvernement de Stephen Harper. (3) Celui-ci répondait ainsi à la demande du Comité spécial pour l’unité canadienne (CSUC) représenté par l’ancien chef du Parti Égalité, Keith Henderson qui, avec l’aide du député d’Edmonton Est Peter Goldring, avait initié la requête en invalidation.(4)

L’acharnement des Conservateurs à éliminer le registre des armes à feux a également été reçu comme une gifle envers la lutte des femmes au Québec. Ce registre a été créé grâce au travail des survivantes de la tuerie survenue à l’école Polytechnique de l’université de Montréal en 1989 où 14 femmes avaient perdu la vie. Le retrait du registre représente en quelque sorte la fin de la volonté de lutte contre la violence faite aux femmes. Afin de bien remplir la coupe, le Prix Thérèse-Casgrain du bénévolat, en l’honneur de sa lutte pour le droit de vote des femmes au Québec, créé en 1982 par le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau, a été remplacé par les Prix du premier ministre pour le bénévolat (PPMB) en 2014.

En 2011, le ministre John Baird faisait retirer les deux toiles du peintre québécois Alfred Pellan du hall d’entrée du ministère des Affaires étrangères pour les remplacer par un portrait de la reine Élisabeth II. Si Harper concédait que le Québec est une nation, il nous indiquait que nous sommes une nation colonisée dans un état monarchique. Les coupures dans le milieu culturel sont venues terminer ce sombre tableau. Les réductions de 130 millions de dollars à Radio-Canada ont pour conséquence de couper 650 emplois dont près de la moitié soit 312 dans le secteur francophone seulement.

Nous n’avons plus le droit de prendre ces questions à la légère. Gilles Duceppe prétend qu’on peut faire alliance avec n’importe qui même Harper s’il s’agit de l’intérêt du Québec. C’est faire peu de cas de l’impact de ces politiques.

André Frappier

(1) La consternante performance du NPD, Pierre Beaudet, Presse-toi à gauche, 8 novembre 2011
(2) Le Devoir 23 novembre 2006
(3) Maclean’s 18 octobre 2013, Paul Wells
(4) Le Devoir, 22 octobre 2013, Robert Dutrisac

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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