Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Suggestion au O.U.I.

Près de 150 personnes, issus des 4 coins de la province et de tous les horizons s’étaient déplacé samedi le 6 décembre, à Montréal, pour fonder ce nouveau regroupement des Organisations Unies pour l’Indépendance (OUI). Le président de la CSN, Jacques Létourneau, de même que le secrétaire-général de la FTQ, Serge Cadieux, faisaient partie des personnes présentes.

Ce nouveau regroupement veut encourager la participation citoyenne, plutôt que de continuer à dépendre essentiellement du bon vouloir des états-majors des grands partis politiques que sont le PQ, Québec solidaire et Option Nationale.

La table de concertation, dont il est fait mention dans le texte ci-joint, et que le OUI voudrait mettre en place, reflète en même temps une reconnaissance très nette du fait que les partis politiques devront nécessairement jouer un rôle crucial dans la réalisation effective de l’objectif de l’indépendance.

Ce qui suit se veut une contribution visant à renforcer la partie du plan stratégique du O.U.I. portant sur l’importance d’une plus grande convergence entre tous les indépendantistes, ce qui inclurait de mettre en place une table de concertation entre tous les partis politiques indépendantistes avancée par le O.U.I.

Voici un extrait du plan stratégique 2015-2018 du mouvement des Organisations unies pour l’indépendance (OUI) discuté lors de l’assemblée générale de l’ex-Conseil pour la souveraineté du Québec le 6 décembre dernier (c’est là que s’est décidé aussi le changement de nom) :

Paragraphe 1. Assurer la convergence de tous les indépendantistes

Article 1.5

Mettre en place une table de concertation avec les partis politiques indépendantistes en vue d’échanger sur les orientations, de coordonner les actions et d’établir un argumentaire et une position commune à l’égard de l’indépendance d’ici les prochaines élections québécoises.

Dans l’optique de cette position de principes, le Parti Communiste du Québec (PCQ) aurait une suggestion pour nous rapprocher encore plus de notre objectif commun, soit l’indépendance. Nous y ajouterions la proposition suivante :

Étant donné que le parti Libéral ne voudra pas doter le Québec d’un mode de scrutin proportionnel, les forces indépendantistes pourraient, selon le nombre de voix obtenues aux dernières élections, s’attribuer les circonscriptions proportionnellement, de manière à ne présenter qu’un seul candidat indépendantiste par circonscription.

Il s’agirait de calculer la proportion des votes obtenus par chaque parti indépendantiste par rapport au total des votes obtenus par l’ensemble de ces partis (en excluant conséquemment les votes ayant été à l’un ou à l’autre des différents partis fédéralistes) et d’attribuer ensuite les circonscriptions selon ce calcul.

Le PQ a disposé de 1 074 120 votes, Québec solidaire en a eu 323 124 et finalement Option nationale a engrangé 30 597 votes. Pour un total d’environ 1 400 000 votes à tout le mouvement. La proportion est facile à calculer. Si on arrondit, on obtient pour le PQ, 88 comtés, pour QS, ce serait 29, et finalement pour ON, 8 circonscriptions. Pour un grand total de 125 circonscriptions.

On a ainsi un portrait du vote indépendantiste dans son ensemble et des comtés répartis entre eux, proportionnellement à leurs appuis réels en termes de bulletins de vote.

La table de concertation, dont il est fait mention dans le texte ci-joint, et que le OUI voudrait mettre en place, reflète en même temps une reconnaissance très nette du fait que les partis politiques devront nécessairement jouer un rôle crucial dans la réalisation effective de l’objectif de l’indépendance.

Négociés et envisagés dans ces rapports, le mouvement indépendantiste pourrait présenter dans chaque circonscription un seul candidat ou candidate et il pourrait beaucoup plus facilement espérer obtenir une très claire majorité de députés sous sa bannière à l’Assemblée Nationale.

En tout cas, les chances seraient nettement meilleures pour obtenir une proportion beaucoup plus élevée de représentants, et qui sait, pourquoi pas même une double majorité, soit à la fois une majorité de voix et une majorité de députés.

À défaut de pouvoir compter sur la mise en place d’une forme de proportionnelle, au niveau de la loi électorale, on pourrait chercher à s’entendre, au sein du mouvement souverainiste, pour la mise en place de notre propre proportionnelle entre nous.

Le mouvement dans son ensemble y gagnerait. Même chose pour chacun des partis politiques qui accepteraient une telle démarche. Puisque chaque parti augmenterait du même coup ses chances d’aller chercher, chacun de son côté, encore plus de votes, ce serait également, sur un plan plus strictement financier, une solution gagnante pour tous.

Cela demeurerait également relativement simple à mettre en place. Deux bémols s’imposent néanmoins.

D’abord, et pour qu’une telle chose puisse avoir la moindre chance de marcher, cela prendrait dès le départ un engagement clair de la part des états-majors des différents partis. Ensuite, et cela aussi serait très important, chaque organisation de circonscription, dans chaque parti, aurait à accepter de perdre, possiblement, et ce de manière très temporaire, faut-il le rappeler, le droit de se choisir un candidat ou une candidate, advenant que leur circonscription ne serait justement pas retenue comme étant une de celles qui seraient réservées à leur parti.

Dans les faits, et pour qu’une telle opération puisse fonctionner, cela impliquerait une gestion du partage de la carte électorale par en haut, ce qui pourrait heurter certaines sensibilités. Un fait demeure : dans la vie, surtout en politique, il y a parfois certaines choses qui s’imposent, même si l’on préférait que cela se fasse différemment. Comme on dit souvent, il faut ce qu’il faut ... Il faudrait donc que les discussions ne se limitent pas seulement aux états-majors des partis, mais que cela se fasse aussi à la base, chez les membres de chaque formation, pour que personne ne se sente trop lésé à travers tout ce processus.

Cela ne veut pas dire qu’il faudrait pour autant conclure qu’il faudrait revenir, pour toujours, après, avec un processus tout aussi centralisé.

Ce que nous proposons aujourd’hui découle avant tout d’une situation bien particulière, puisque nous n’avons toujours pas de proportionnelle en place et qu’il serait douteux que cela puisse se faire autrement que si, tous et toutes, nous arrivons à mettre l’épaule à la roue pour justement arracher le pouvoir des mains des libéraux, ce qui devra nécessairement, à nos yeux, impliquer qu’on accepte certains réajustements, au niveau de nos approches respectives.

Un dernier point. Certains pourraient se demander : oui, tout cela est bien beau, mais comment le départage des circonscriptions se fera-t-il ? Comment pourra-t-on régler les inévitables conflits qui pourraient surgir, advenant que tout le monde voudrait, par exemple, garder pour lui, telle ou telle circonscription ?

Une fois encore, et à condition, que tous et toutes veuillent bien y mettre du sien, on pourrait décider d’un processus à plusieurs tours, où chaque parti pourrait se prévaloir de premiers choix, un peu comme cela se fait au hockey, lors des périodes de repêchages.

Certains riront. Mais pourquoi pas ? Le hockey n’est-il pas, de toute manière, fortement ancré dans notre subconscient collectif ? Les circonscriptions, déjà détenues par un parti, en particulier, pourraient alors faire partie, par défaut, de ces premiers choix.

À la fin, on finirait avec les circonscriptions moins " intéressantes ", si on peut dire.

Parmi toutes les circonscriptions, n’étant toujours pas détenues par le PQ, Québec solidaire ou Option Nationale qui n’en a pas en fait, il y en a qui sont évidemment plus prenables que d’autres. Il y en a, au strict minimum, au moins une vingtaine. On se réfère ici à celles où le total des votes souverainistes, lors des précédentes élections, dépassaient celui des votes associés à la CAQ ou aux Libéraux.

Il faudrait donc aussi s’assurer, à travers tout ce processus, que cela demeure juste pour tout le monde et qu’on ne se retrouve donc pas dans une situation où un parti n’aurait finalement droit qu’à des circonscriptions correspondant à des forteresses libérales, et où ce même parti n’aurait finalement aucun chance de se faire élire. Ce ne serait pas équitable. Il faudrait donc aussi qu’il y ait un certain équilibre.

Tout cela pourrait bien sûr être amendé, bonifié, et corrigé, selon l’évolution des discussions. Mais de là pourrait découler une stratégie singulière pour l’accession à l’indépendance selon les diverses propositions envisagées d’ici les élections.

Dans les échanges futurs encouragés par le OUI, on discutera ferme sans doute, mais on discutera surtout de résultats et de rapprochements non-sectaires autour desquels le mouvement pourrait se reconstruire rationnellement. Le mot « rationnellement » est important.

Guy Roy et André Parizeau

Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

André Parizeau

Chef du Parti communiste du Québec

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