Édition du 26 mars 2024

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Asie/Proche-Orient

Syrie : une révolution qui persiste, malgré tout

Le processus révolutionnaire syrien vit des heures difficiles. Plus de trois ans après le début du soulèvement populaire pour la liberté et la dignité contre la dictature du régime Assad, ce dernier vient d’organiser début juin un simulacre d’élection démocratique. Dénoncés par les révolutionnaires comme les élections du sang, ces dernières ont vu la victoire du dictateur. Mais cela face à un très large boycott et l’impossibilité pour des millions de Syrien·ne·s de voter.

La situation sociale et humanitaire s’est encore dégradée en Syrie ces derniers temps. Le pays est fortement touché par la pauvreté, trois personnes sur quatre vivant dans la pauvreté à la fin de 2013, et plus de la moitié (54,3 %) vivant dans l’extrême pauvreté, incapable d’obtenir les produits alimentaires et non-­alimentaires nécessaires à la survie de leurs ménages. Il faut également se rappeler que plus de 45 % de la population syrienne est constituée de déplacés internes ou des réfugiés à l’étranger.

La contre-révolution a plusieurs visages

Le mouvement populaire syrien fait également face à plusieurs menaces contre-révolutionnaires. La guerre continue et massive du régime Assad contre le peuple révolutionnaire syrien, aidé par ses alliés Russes, Iraniens et du Hezbollah, n’a pas cessé et a d’ailleurs enregistré des victoires militaires importantes comme la reprise de la ville de Homs. Le régime n’a également pas cessé de bombarder les quartiers libérés d’Alep depuis janvier 2014, provoquant la mort de plus de 2000 personnes. La propagande du régime de la « guerre contre le terrorisme », reprise également par le dictateur Sissi en Egypte et dans d’autres monarchies réactionnaires du Golfe, trouve également de plus en plus d’échos au sein des pays occidentaux qui mettent en place leurs propres mesures répressives et liberticides pour soi-disant faire face à la menace « jihadiste » en Europe.

L’autre visage de la contre-­révolution est représenté par les groupes islamistes et jihadistes qui s’opposent aux objectifs de la révolution syrienne (démocratie, justice sociale et opposition au communautarisme) et qui n’hésitent pas à s’attaquer aux révolutionnaires dans les régions dites libérées. Ces groupes ont profité en premier lieu de « l’amnistie » accordée par le régime à de nombreux islamistes et jihadistes au début de la révolution tandis que les démocrates et autres révolutionnaires continuaient de croupir en prison et à se faire assassiner par le régime. Ainsi le régime de Assad ne les combat pas systématiquement : Raqqa, la ville occupée par l’Etat Islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) a été épargnée par les bombardements. En second lieu, ces groupes profitent du soutien financier des monarchies du Golfe qui veulent transformer cette révolution populaire en guerre sectaire.

Mais la révolution n’est pas morte

Le mouvement populaire, malgré tout, continue à faire entendre sa voix contre tous ceux qui s’opposent aux objectifs de la révolution. Lors du simulacre pour la ré-élection du dictateur de Bashar Al Assad, des groupes d’activistes ont distribué des flyers et brochures dans des villes et zones sous la domination du régime, comme à Damas, Alep et Hama, condamnant les crimes de ce dernier et réitérant leur volonté de continuer leur révolution jusqu’à la victoire, tandis que des manifestations avaient lieu dans de nombreuses zones libérées pour dénoncer les « élections du sang ». On a également vu certains révolutionnaires dans les zones libérées transformés des poubelles en boîtes de vote sur lesquelles étaient écrit : « Vous pouvez voter ici », « On te jette, Bachar » et « Bachar, c’est là que tu résides ».

Des actions ont également été organisées ces dernières semaines contre les groupes jihadistes et islamistes. Dans la ville de Minbej, proche d’Alep, occupée par EIIL, une grève générale avait été décrétée fin mai par les habitants de la ville pour protester contre l’occupation de la ville. Un groupe d’activistes sy­rien·ne·s a également lancé une campagne pour demander la libération des quatre révolutionnaires, symboles du soulèvement populaire et de la lutte contre le régime, qui ont été kidnappé en décembre 2013, très vraisemblablement par le Front islamique qui avait déjà menacé les activistes dans le passé. Des manifestations ont eu lieu par exemple dans la ville de Douma, proche de Damas, et dans le quartier de Salah el-Din à Alep sous le slogan : « Traître est celui qui kidnappe les révolutionnaires ».

Pour rappel, de nombreuses manifestations et activités avaient eu lieu en mars 2014 pour commémorer le troisième anniversaire du début de la révolution syrienne et rappeler ses objectifs, dont des expositions de photos et autres pièces de théâtres dans des zones libérées comme à Alep et dans la région d’Idlib. De plus en janvier 2014, une explosion populaire dans de nombreuses zones libérées avait poussé l’EIIL vers la sortie et amené d’autres groupes armés à combattre ce dernier, notamment des groupes islamistes qui sous la pression populaire n’ont pu faire autrement que de combattre l’EIIL.

La révolution syrienne fait partie intégrante des processus révolutionnaires de la région et de ses dynamiques, et toute tentative de les séparer doit être combattue. Les révolutionnaires en Syrie combattent comme les autres activistes dans les pays de la région pour la liberté et la dignité. Dans ce combat, ils combattent les régimes autoritaires et les groupes islamistes et jihadistes qui s’opposent à leurs objectifs. Comme l’écrivaient des révolutionnaires syriens : « Les ennemis sont multiples… la révolution est une… et elle continue ». Le mouvement populaire syrien n’a pas dit son dernier mot.

* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n° 250 (18/06/2014) p. 4.

Joseph Daher

Militant révolutionnaire syrien résidant actuellement en Suisse

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