Il y a comme une odeur de corruption qui devient de plus en plus forte à Québec. En fait, le renouvellement du mandat du commissaire à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, a amené des pièces du casse-tête qui commencent à montrer une image qui n’a rien de bucolique. Quand le Parti libéral au pouvoir a battu une motion déposée par le Parti québécois qui suggérait que le patron de l’UPAC soit nommé par les deux tiers de l’Assemblée nationale, il endommageait lui-même sa propre réputation. Il serait en effet tout à fait normal que la nomination du commissaire à la lutte contre la corruption relève de l’Assemblée nationale et non du gouvernement. Le vérificateur général du Québec, chargé d’enquêter sur la façon dont l’État dépense l’argent public, est pourtant nommé aux deux tiers par l’Assemblée nationale.
Si ce n’était pas le gouvernement, mais plutôt l’Assemblée nationale qui avait nommé le directeur de l’UPAC, il y aurait beaucoup moins d’apparences de conflit d’intérêts. Le fait que Robert Lafrenière ait été nommé par le gouvernement Charest en 2011 porte déjà ombrage à ses réalisations. Quand on regarde les résultats de l’Unité permanente anticorruption, on peut voir qu’ils ont majoritairement été au niveau municipal. En fait, le gros des actions de la commission n’a été réalisé que dans des municipalités comme Laval, Boisbriand et Mascouche. Les gros ministères comme celui des transports ont été épargnés. Et que penser de celui de la Justice dont les procureurs de la Couronne du Directeur des poursuites criminelles et pénales n’ont pas initié de poursuites criminelles malgré les perquisitions chez des entreprises liées à des membres influents du PLQ ? Les citoyens s’attendent à ce que les personnes qui travaillent pour le gouvernement soient intègres et qu’ils en aient l’apparence. Toute entrave du gouvernement a cette apparence d’intégrité, comme une nomination partisane, l’empêche de faire correctement son travail, soit d’inspirer la confiance dans le système de justice actuel.
C’est d’ailleurs la même chose au niveau de la Commission Charbonneau. Avant même qu’elles soient connues, ses recommandations manquent déjà de crédibilité du fait même que la commissaire a été nommée par Jean Charest. France Charbonneau et Renaud Lachance ont fait la leçon à des mafieux, mais à peu de politiciens provinciaux. Alors que la population avait ciblé le gouvernement libéral comme étant l’origine de la corruption, la commission a plutôt dévié le tir et s’est attaquée à l’industrie de la construction et aux syndicats. Visa le noir, tua le blanc. De nombreux Québécois se demandent donc si cette commission a fait le travail qu’on attendait d’elle. Si les membres de la commission Charbonneau avaient aussi été nommés par l’Assemblée nationale et non par le gouvernement, les maigres résultats qu’elle a obtenus au niveau des politiciens provinciaux seraient beaucoup moins gênants pour le gouvernement au pouvoir.
Or ces deux organismes ont été mis sur pied en raison de la méfiance populaire face au gouvernement provincial et tous les « autocollants jaunes » qui trainaient dans les dossiers des demandeurs d’aide. Pour que sa réputation soit intacte, ce n’est pas de la SQ ou des Services de police de la Ville de Montréal que l’UPAC doit être indépendante, mais bien du gouvernement puisque ce dernier peut faire l’objet, potentiellement, d’accusations. Tous les politiciens savent que l’apparence de corruption est aussi dommageable que la corruption elle-même. Alors, pourquoi le gouvernement insiste-t-il pour nommer lui-même ce commissaire sinon pour lui rappeler qui est le maître ?
Mais il n’y a malheureusement pas que ces cas. Quand la ministre de la Justice Stéphanie Vallée annonce qu’il y aura une coupe de 40 % de l’effectif au nouveau bureau qui enquête sur la grande criminalité au sein du DPCP et une réduction du nombre de procureurs dédiés, elle en remet une couche. La fusion des trois bureaux spécialisés en matière de lutte contre la corruption aura des impacts réels sur la priorité donnée aux dossiers de grande criminalité. Le nombre de procureurs spécifiquement dédiés à temps plein à ce type de dossiers devrait passer de 110 à 60. L’obsession des libéraux pour l’austérité commence de plus en plus à ressembler à une vendetta vosant ceux qui sont chargés d’empêcher la corruption au Québec.
Et finalement, le Québec qui vient de faire toutes ces compressions dans les bureaux spécialisés en matière de lutte contre la corruption pour économiser de l’argent a décidé de mettre un milliard de dollars américains dans Bombardier. Or cette compagnie a des libéraux notables sur son conseil d’administration. Il faut avoir les narines bouchées pour ne pas sentir l’odeur de corruption qui imprègne actuellement le gouvernement du Québec. Tant qu’il nommera les membres du pouvoir judiciaire, il y aura une présomption que la règle absolue universelle au Québec, c’est la corruption.
Michel Gourd