Édition du 14 octobre 2025

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Asie/Proche-Orient

Le pompier-pyromane et son Nobel de la Paix !

Après avoir laissé s’embraser Gaza, Washington se félicite d’un cessez-le-feu à Sharm el-Sheikh et rêve d’un Nobel de la Paix.
Une manœuvre diplomatique cynique, où le pompier-pyromane vient récolter les lauriers d’un incendie qu’il a contribué à allumer.

Le 8 octobre dernier, à Sharm el-Sheikh, un accord de cessez-le-feu a été signé entre Israël et le Hamas. Présentée comme une avancée “historique”, cette trêve, censée ouvrir la voie à un échange d’otages et à un apaisement progressif, a été largement mise en avant par l’administration Trump, qui y voit un succès diplomatique majeur.

Mais la réalité est plus trouble : ce cessez-le-feu intervient après deux ans de bombardements massifs, de destructions d’infrastructures civiles, et d’un bilan humain dépassant les 150 000 victimes, morts, blessés et disparus.

Pendant que la Maison-Blanche se met en scène en artisan de la paix, les convois humanitaires continuent d’être bloqués, les flottilles de la liberté interceptées, et la population gazaouie privée de nourriture, d’eau et de soins. La juxtaposition entre les images de diplomates souriants et celles des hôpitaux en ruine dit tout du décalage entre la rhétorique politique et la tragédie humanitaire.

L’expression n’est pas nouvelle, mais elle n’a jamais été aussi juste. Le “pompier-pyromane”, c’est celui qui crée le problème pour mieux prétendre le résoudre. Celui qui laisse se consumer un brasier qu’il aurait pu éteindre, pour apparaître ensuite en sauveur.

C’est ainsi que les États-Unis, principaux fournisseurs d’armes d’Israël, et premiers à opposer leur veto à toute résolution de l’ONU exigeant un cessez-le-feu, se présentent aujourd’hui comme médiateurs de paix. Cette stratégie est ancienne : maintenir une position dominante en se posant comme arbitre “indispensable”, tout en s’assurant que les déséquilibres du conflit demeurent. Le discours est calibré, Israël a “le droit de se défendre”, les Palestiniens ont “droit à une aide humanitaire”, mais les faits montrent que le soutien militaire américain a prolongé la guerre bien plus qu’il ne l’a freinée.

L’accord signé à Sharm el-Sheikh ne change rien à la nature du conflit. Il ne parle ni de fin de l’occupation, ni de gel de la colonisation, ni de création d’un État palestinien viable. Il ne reconnaît pas davantage la nécessité d’une reconstruction à grande échelle de Gaza, ni de dédommagement pour les victimes. Rien, dans ce texte, n’évoque une justice réparatrice ou un règlement durable. Ce n’est pas un accord de paix : c’est une pause politique. Une respiration destinée à soulager les chancelleries occidentales avant les cérémonies du prix Nobel, le 10 décembre. Un coup de peinture blanche sur les ruines.

Les ONG et plusieurs rapporteurs des Nations unies continuent de parler de crimes de guerre et de violations du droit international humanitaire. Le cessez-le-feu, aussi nécessaire soit-il, n’efface pas la responsabilité de ceux qui ont ordonné les bombardements aveugles, imposé un siège total ou entravé les secours. Mais dans le jeu diplomatique actuel, la justice est le grand absent : aucun mécanisme contraignant, aucune exigence de réparation, aucune sanction réelle. Si le pompier-pyromane obtient demain le Nobel de la Paix, ce ne sera pas une récompense pour la paix, ce sera un certificat d’impunité. Un symbole d’un monde où la reconnaissance prime sur la responsabilité, et où la diplomatie spectacle remplace le courage politique.

Ce conflit marque plus qu’une tragédie régionale : il révèle une crise morale de l’Occident. En soutenant sans réserve un État accusé de violations graves, tout en prétendant défendre les valeurs des droits humains, l’Amérique et ses alliés sapent leur propre crédibilité. À force de fermer les yeux sur l’injustice, ils risquent non seulement le déclin d’Israël qu’ils prétendent protéger, mais aussi leur propre discrédit historique.

L’histoire jugera non pas sur les discours, mais sur les actes : Qui aura eu le courage d’exiger la fin de l’occupation ? Qui aura financé la reconstruction de Gaza ? Qui aura défendu la justice, plutôt que la façade de la paix ?

Pour l’heure, le pompier-pyromane savoure ses lauriers. Mais la fumée n’a pas fini de s’élever au-dessus des ruines.

Mohamed Lotfi
9 octobre 2025

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