L’explosion des subventions et des cadeaux fiscaux pour les grandes entreprises
La politique économique du gouvernement Legault repose essentiellement sur une dépense d’argent public au profit du capital. Sa politique de subventions et d’évitement fiscal vise le soutien massif à des « champions industriels » jugés stratégiques pour la compétitivité du Québec dans l’économie mondiale.
Les entreprises privées, souvent des multinationales ou de grands groupes industriels, sont les principales bénéficiaires de cette politique. Les dix premiers récipiendaires – dont Nemaska Lithium, Northvolt, Airbus, Résolu, Kruger, CAE et Davie – accaparent à eux seuls près de 3 milliards de dollars, soit davantage que le budget annuel du ministère de la Culture et des Communications. Ces aides se concentrent dans quelques filières jugées stratégiques : électrification et batterie (Northvolt, Nemaska, Ultium CAM), aéronautique et défense (Airbus, CAE, Pratt & Whitney), forêt et papier (Résolu, Kruger), énergie et biocarburants (Varennes, Enerkem) et sécurité privée (GardaWorld). Peu de soutien est dirigé vers les petites et moyennes entreprises régionales, les coopératives ou l’économie sociale [3].
Cette logique s’accompagne d’un fort soutien à la recherche et à l’innovation, qui totalise plus de 1,6 milliard $. Cependant, cette recherche est largement orientée vers les besoins industriels et organisée en partenariat avec les entreprises, au détriment de la recherche fondamentale et indépendante. Le modèle d’innovation québécois s’apparente ainsi à un capitalisme où la production de savoirs est intégrée à la logique marchande.
Le gouvernement Legault a décidé de placer les fonds publics dans des projets phares : batterie, aéronautique, intelligence artificielle, afin d’attirer les investisseurs étrangers et d’ancrer le Québec dans les chaînes de valeur mondiales. Ces choix ont débouché sur des pertes majeures d’argent public. Il a subordonné le soutien à la recherche aux besoins de l’industrie et il a privilégié les villes industrielles comme Montréal, Varennes ou Bécancour, tout en négligeant les régions périphériques.
Sur le plan politique, cette orientation correspond à un néonationalisme économique où l’État québécois, via Investissement Québec, assume un rôle d’actionnaire et de bailleur de fonds du capital privé. Les investissements publics massifs visent à consolider une base industrielle qui renforce la dépendance envers les multinationales, au détriment des services publics et de la redistribution sociale.
Une orientation pro-patronale couplée à une offensive contre les intérêts populaires
Depuis le début de la session parlementaire d’automne 2025, une série de mobilisations féministes, syndicales et populaires dresse un même constat : le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) mène une politique budgétaire et économique qui affaiblit systématiquement les services publics, les organismes communautaires et les protections sociales, au profit des intérêts privés et des plus fortunés. Derrière le discours sur « l’efficacité de l’État » et « la rigueur budgétaire » se déploie une restructuration idéologique et matérielle de l’action publique : compressions, sous-financement chronique, désengagement social et dérégulation économique et environnementale.
Au moment même où les services essentiels subissent des compressions, le gouvernement Legault se prépare à octroyer, par l’entremise d’Investissement Québec, des subventions massives à l’industrie de l’armement. Québec solidaire dénonce ce virage comme un signe inquiétant de militarisation économique : alors que les ressources manquent pour les femmes, les enfants et les travailleurs, des fonds publics iront soutenir des entreprises d’armement « très rentables » et souvent étrangères. Ce déplacement des priorités révèle une logique de sécurisation autoritaire, centrée sur la puissance industrielle et militaire plutôt que sur la sécurité humaine et sociale [4].
La marginalisation de la lutte aux changements climatiques
Le gouvernement de la CAQ opère une réorientation majeure de sa politique climatique. Sous la direction du ministre Bernard Drainville, Québec entend désormais consacrer une part plus importante de ses ressources non plus à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), mais à l’adaptation de la population aux effets déjà perceptibles des changements climatiques. Selon un document interne du ministère de l’Environnement obtenu par Radio-Canada, le Plan pour une économie verte 2030 sera modifié afin de transférer une portion significative du budget vers des mesures d’aide aux citoyens touchés par les inondations, les tornades, les glissements de terrain ou les refoulements d’égouts. Le Fonds d’électrification et de lutte contre les changements climatiques — anciennement le Fonds vert — fera donc l’objet d’une révision en profondeur. Actuellement, seules 13 % des sommes du plan (1,3 milliard sur 10,1 milliards) sont destinées à l’adaptation ; cette proportion devrait augmenter sensiblement.
Cette réorientation s’inscrit dans une volonté politique plus large de François Legault de revoir à la baisse les ambitions du Québec en matière de réduction des GES. Déjà, la cible actuelle de 37,5 % de réduction des émissions sous le niveau de 1990 d’ici 2030 semble compromise : le Québec n’a pour l’instant atteint qu’une réduction de 19 %.
En parallèle, d’autres changements confirment un assouplissement général des normes environnementales. Le ministère prévoit de simplifier et d’alléger la réglementation sur la gestion des sols contaminés : sept règlements deviendraient deux d’ici 2026. De nombreuses enquêtes avaient pourtant révélé les dérives de ce secteur — dépôts illégaux, fraudes, implication du crime organisé —, ce qui avait conduit à l’imposition du traçage GPS des camions en 2019. Malgré cela, le cabinet du ministre parle d’une approche « équilibrée et responsable », conciliant environnement et économie « dans une perspective de développement durable » [5].
De plus, avec l’arrivée de Bernard Drainville, environ 130 postes ont été supprimés au ministère de l’Environnement, dans le cadre d’un plan gouvernemental de réduction de la fonction publique. Officiellement justifiés par des motifs d’« efficacité » et de « rationalisation », ces licenciements risquent d’entraîner des pertes d’expertise, des retards dans les évaluations environnementales et un affaiblissement de la capacité d’action écologique de l’État. Les syndicats dénoncent une réorientation politique où la gestion budgétaire prime sur la protection de l’environnement [6].
Des services sociaux minés par des politiques austéritaires
Violence conjugale et ressources pour femmes
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale tire la sonnette d’alarme : trois budgets successifs (2023, 2024 et 2025) ont ignoré la hausse dramatique des besoins. Malgré qu’il y ait plus de 8 000 femmes et enfants hébergé-es par an, une demande sur deux est refusée, faute de ressources. Les maisons vivent un déficit de financement structurel de 30 % et un taux de roulement de personnel de 33 %, mettant en péril la sécurité de femmes déjà en danger. Les organismes demandent un financement récurrent de 57 millions sur trois ans et une reconnaissance salariale équitable, rappelant que la violence conjugale n’attend pas et que l’austérité tue [7].
Éducation : une attaque du primaire à l’université
Dans le réseau scolaire, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) rapporte une adhésion record de 160 000 signatures contre les nouvelles restrictions budgétaires imposées aux centres de services scolaires. Ces compressions, dénoncées comme des coupes déguisées, menacent directement les services aux élèves en difficulté ou en situation de handicap. L’austérité éducative revient ainsi au cœur d’un modèle où les besoins particuliers sont traités comme des charges, non comme des droits [8].
En mai dernier, le gouvernement de la CAQ annonçait des compressions de 150 millions de dollars dans le réseau de l’enseignement collégial en 2025-2026. De plus, l’augmentation des subventions de fonctionnement de ce réseau pour 2025-2026 sera réduite à seulement 0,3 %, ce qui ne permettra pas de faire face adéquatement à l’augmentation des coûts du système [9]. Le gouvernement de la CAQ a également réduit de 31 millions $ le financement des universités pour 2025-2026 et, en limitant le nombre d’étudiant-es étranger-es, a accentué les pressions budgétaires sur l’ensemble du réseau universitaire. [10]
Travail et santé au travail
Au sein de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), le SCFP-Québec dénonce la suppression de 250 postes à temps plein, soit près de 5 % des effectifs. Ces coupes frappent directement les travailleurs et les travailleuses accidentées et celles qui réclament l’équité salariale, alors même que les délais de traitement sont déjà trop longs. La disparition de postes d’enquêteur-ices, de conseiller-es et d’agent-es d’indemnisation allonge les délais, dégrade la qualité du service et accroît la souffrance des personnes blessées. Ces « économies » se traduisent par une détérioration des droits fondamentaux au travail et par l’affaiblissement d’une institution clé de la justice sociale [11].
Habitation et logement social
Les organisations de locataires — le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) — dénoncent une politique du logement fondée sur la dérégulation et la financiarisation. Le gouvernement caquiste poursuit une logique pro-propriétaire : refus du contrôle des loyers, nouveaux règlements favorisant les hausses cumulatives et transfert complet des coûts des rénovations aux locataires. Pendant que les loyers atteignent des sommets, le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) permet désormais des logements dits « abordables » à 150 % du loyer médian, rendant le terme vide de sens. Ces décisions traduisent un choix politique clair : confier la réponse à la crise au marché privé, au détriment du logement social, communautaire et public. Le FRAPRU réclame 10 000 nouveaux logements sociaux par an, la réorientation du PHAQ vers les besoins réels des ménages et la reconnaissance du logement comme droit fondamental [12].
Pauvreté, itinérance et services communautaires
Le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le FRAPRU, le RSIQ, la TNCDC, le RTRGFQ et d’autres réseaux communautaires dénoncent une crise sociale sans précédent : explosion de l’itinérance, paupérisation des ménages, effondrement du filet social. Les organismes sont eux-mêmes au bord du gouffre, étranglés par le sous-financement chronique et le gel de leurs budgets. Le gouvernement a vidé de toute substance sa stratégie en habitation, réduit de quatre fois le budget de son plan de lutte contre la pauvreté et laissé expirer sans suite son plan d’action interministériel en itinérance (2026). Pendant ce temps, les cadeaux fiscaux s’accumulent : 7,4 milliards $ de baisses d’impôts et 6,7 milliards $ de chèques électoralistes depuis 2022, profitant surtout aux mieux nantis. Ces décisions privent les finances publiques des moyens de répondre aux urgences sociales et accélèrent la fracture entre riches et pauvres [13].
Les axes et intentions des politiques caquistes
Les multiples communiqués syndicaux et populaires convergent sur une analyse commune : le gouvernement de la CAQ cache, sous un discours prétendant viser la rigueur financière, une politique d’austérité sociale fondée sur des compressions sélectives ; le transfert de fonds publics vers les grandes entreprises et les mieux nantis ; le démantèlement du filet social par le sous-financement des services publics et communautaires ; et la redéfinition des priorités gouvernementales autour de « l’efficacité », de « l’identité » et de la « sécurité », au détriment de l’égalité et de la solidarité.
Ces politiques traduisent une intention politique de refondre l’État québécois en un appareil gestionnaire et pro-entreprise, où les enjeux sociaux sont traités comme secondaires ou comme des charges. La lutte contre la pauvreté, l’itinérance, la violence conjugale et pour l’accessibilité au logement, à l’éducation et aux services de santé au travail est ainsi remplacée par le soutien à une hypothétique rentabilité des entreprises.
Les discours de Legault sur la responsabilité des travailleuses et travailleurs migrants dans les difficultés de la population du Québec à avoir accès aux services publics nourrissent un nationalisme conservateur et régressif. Cette stratégie du « diviser pour régner » n’est pas nouvelle. En désignant tour à tour des boucs émissaires – immigrant·e·s temporaires, musulman·e·s, demandeurs d’asile, Étudiant·e·s étrangers– comme responsables des difficultés économiques et sociales du Québec, le gouvernement détourne la colère populaire de sa véritable cible : le capitalisme québécois et ses alliés politiques.
Il mobilise une laïcité falsifiée, qui n’a rien à voir avec la neutralité de l’État et la défense de la liberté de conscience, pour présenter les minorités culturelles comme un danger pour la culture et la langue françaises. De principe émancipateur, la laïcité devient un instrument de contrôle culturel, au service d’un projet identitaire exclusif. Ce qui devrait servir à libérer l’espace public des discriminations est désormais utilisé pour les justifier.
Il utilise la notion confuse de « capacité d’accueil » pour appeler à la réduction de l’immigration, au rejet des demandes des réfugié·e·s et pour dresser des obstacles à la régularisation de nombreux travailleurs et travailleuses issus de l’immigration, qui n’ont pas les mêmes droits que les autres Québécois·es. Ces propos démagogiques contre les personnes migrantes cachent une offensive idéologique dirigée contre la gauche, les syndicats, les mouvements féministes et antiracistes — bref, contre toute forme de solidarité de classe.
Un mouvement social en riposte à l’offensive caquiste
Face à cette offensive, les syndicats, les groupes de femmes, les comités logement et les réseaux communautaires s’unissent dans un même front de résistance, à la hauteur des luttes pour les besoins populaires, pour l’égalité, la justice économique et la fin des discriminations ainsi que du racisme systémique. Ce front de résistance appelle à un réinvestissement massif dans les services publics, à un financement stable des organismes communautaires, à une reconnaissance salariale équitable dans les secteurs féminisés et à la mise en œuvre immédiate d’un plan de lutte contre la pauvreté, contre le logement inabordable et contre tous les rapports d’oppression.



Un message, un commentaire ?