Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Asie/Proche-Orient

Revue de presse internationale

À propos de la répression au Tibet

Par Thomas CLUZEL

C’est un chapelet, un chapelet de villes de montagne qui court tout le long des hauts plateaux tibétains. Mais depuis quelques heures le collier s’est brisé. Chacune de ces perles, chaque ville est à présent coupée du monde .Depuis hier précise le GLOBE AND MAIL, plus personne ne peut sortir ou entrer. Sur les routes enneigées , seuls patrouillent aujourd’hui des véhicules de police toujours plus nombreux. Les communications ont été coupées , verrouillées. Et tous les appels passés sur place sonnent désormais : occupés …

Toute cette semaine , la préfecture de Ganzi qui borde le Tibet au Sud Ouest de la Chine a connu en effet d’importantes manifestations , les troubles les plus graves en réalité qu’ait connus la région depuis les émeutes antichinoises du printemps 2008 rapporte de son côté le NEW YORK TIMES . Alors le bilan humain de cette répression reste encore difficile à établir . Lorsque le site d’information de la communauté tibétaine PHAYUL relate qu’une dizaine de manifestants auraient été tués et une quarantaine d’autres blessés , les autorités chinoises elles, ne reconnaissent que deux morts : deux émeutiers tués par la police après l’attaque de gangs armés , une foule violente équipée de couteaux et de bonbonnes de gaz selon l’agence d’Etat Chine Nouvelle . Selon les rares témoignages recueillis sur place , des centaines de Tibétains se seraient réunis dans le calme sur la place du centre-ville et la police aurait fait usage de gaz lacrymogènes avant de se mettre à tirer dans la foule . Des Tibétains couraient partout pour se cacher . Mais certains ne pouvaient pas s’enfuir parce qu’ils avaient été grièvement blessés , raconte un témoin . D’autres se souviennent encore que la place était couverte de sang après les coups de feu.

Alors suite à ce nouvel accès de violence , les Etats-Unis ont exprimé leur inquiétude . Le premier ministre du gouvernement tibétain en exil a lui, exhorté hier la communauté internationale à envoyer une délégation pour enquêter sur ces événements et appelé à une journée de manifestations silencieuses le 8 février prochain en signe de solidarité ..." Les tentatives de groupes séparatistes pro-Tibet basés à l’étranger pour travestir la vérité et discréditer le gouvernement chinois ne réussiront pas" a martelé de son côté le porte-parole de la diplomatie chinoise à Lhassa , capitale de la région autonome du Tibet . Les visages de quatre générations de leaders chinois ont été placardés sur les façades des bâtiments officiels . Et plus d’un million de drapeaux chinois ont été distribués dans les temples et les écoles ...

En pleine effervescence , le bureau de la représentation tibétaine installé à Genève s’affaire lui aujourd’hui à rendre compte de ces violences . Et c’est là , au milieu de cette agitation donc, que la journaliste du TEMPS a pu rencontrer Rinchen Sengpo , un moine réfugié qui a quitté les hauts plateaux du Qinghai en 2009 pour échapper à la police chinoise . Il avait dit-elle envoyé une lettre au président Hu Jintao pour protester contre la fermeture de son école dédiée à la transmission de la langue et de la culture tibétaines .Un geste de trop, visiblement pour les autorités chinoises qui ont décidé de l’arrêter avant qu’il ne réussisse à s’échapper grâce à l’alerte donnée par un employé tibétain officiant au poste de police local . Avant de quitter son monastère où il a passé l’essentiel de sa vie , il est allé rendre visite à l’éminent bouddha . Le maître et ami lui a donné des pains de farine d’orge pour tenir sur les routes montagneuses avant de lui dire au revoir . Au terme d’un long périple au Népal , puis en Inde , il est arrivé en avril dernier à Genève . Et depuis , et bien depuis il attend toujours une réponse à sa demande d’asile politique . Si je restais au Tibet dit-il , j’avais deux options : l’exécution ou la prison à vie ...

Il faut dire que ces derniers événements au Tibet se déroulent alors que 16 moines au moins se sont déjà immolés par le feu au cours des derniers mois .16 torches humaines pour protester contre l’étouffement de leur liberté de culte par Pékin rappelle de son côté le site de la DEUTSCHE WELLE ... Les moines s’immolent parce que leur vie est devenue un enfer raconte encore le moine interrogé dans les colonnes du TEMPS . Nous sommes traités comme des bêtes dit-il et l’au-delà vaut mieux que la torture permanente .

Alors, bien entendu , ces immolations ne sont pas sans rappeler celles qui ont marqué le début du printemps arabe l’an dernier ... D’où ce billet à lire ce matin sur le site de la communauté tibétaine PHAYUL . Il y est écrit : les Tibétains sont à l’avant garde de cette vague révolutionnaire . Au cours des 11 derniers mois , 16 moines se sont donné la mort dans les flammes pour protester contre la domination chinoise , mettant ainsi à nu l’échec colossal du projet colonial de la Chine au Tibet . Pékin sait aujourd’hui qu’il peut emprisonner les Tibétains ,mais qu’il ne pourra jamais enfermer leurs idées , leurs paroles ou leurs rêves . Car même si chacun de nous a été meurtri , nous avons aussi été inspirés par le courage et le sacrifice inégalé qui a motivé ces actes . C’est d’ailleurs avec un courage semblable, il y a tout juste cent ans , le 26 Mars 1912 que les Tibétains ont formellement déclaré la guerre à la Chine impériale, mettant fin à l’invasion mandchoue . Un an plus tard, le Dalaï Lama déclarait officiellement l’indépendance du Tibet . Ma croyance en cet avenir est réaffirmée un peu plus chaque jour qui passe . Les Tibétains sont à nouveau prêts à saisir l’instant qui s’offre à eux : restaurer notre indépendance en prenant notre place légitime dans la communauté des nations souveraines.

27.01.2012
(tiré du site de France Culture)

Sur le même thème : Asie/Proche-Orient

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...