Édition du 11 novembre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

À propos du programme de Zohran Mamdani

Les campagnes électorales pour les municipales de Montréal et de New York se sont déroulées exactement à la même période, en octobre 2025. Elles se terminent la semaine prochaine, respectivement le 2 et le 4 novembre. La première n’a pas réussi à intéresser les Montréalais·es si ce n’est quand une candidate a proposé de démanteler les rares pistes cyclables au nom de la sécurité des cyclistes. Depuis, elle est largement en tête dans les sondages… La seconde a fait parler d’elle dans le monde entier et plus de 90 000 bénévoles sont venus apporter leur soutien au programme du candidat de gauche Zohran Mamdani, « un fou communiste à 100% » selon Donald Trump.

Ce qui distingue les deux villes comme les pouvoirs respectifs de leurs maires rendent l’exercice de comparaison aussi périlleux que vain. Il est toutefois possible de revenir sur certains points du programme de Zohran Mamdani qui peuvent contribuer à expliquer l’enthousiasme qu’il a suscité non seulement du côté des classes bourgeoises éduquées de New York, mais aussi du côté des catégories sociales plus vulnérables : les travailleurs et travailleuses de la restauration et des livraisons, les personnes migrantes et racisées, la petite bourgeoisie notamment commerçante.

Trois thèmes, largement absents des débats de la campagne municipale de Montréal, méritent l’attention : le financement du budget, la police municipale et les conditions de travail.

Un candidat ouvertement socialiste

Les journaux rappellent fréquemment que Zohran Mamdani est né en 1991 en Ouganda, qu’il est d’origine indienne, qu’il est musulman, qu’il a obtenu la nationalité étatsunienne en 2018, que son père est professeur d’université, que dans sa jeunesse il chantait du rap et du hip-hop dans le métro, qu’il milite depuis longtemps pour la cause Palestinienne, qu’il est membre de Democratic Socialists of America (DSA), qu’il n’ a pas hésité à entamer une grève de la faim en solidarité avec les chauffeurs de taxi surendettés et qu’il a été élu en 2021 député de l’Assemblée de l’État de New York.

Les journaux insistent également sur certaines propositions de sa plateforme, centrée sur l’« Afordability » et la « cost-of-living crisis ». Claire et percurante, résolument à gauche, la plateforme est facilement lisible et traduite en de multiples langues, dont le français. Elle est structurée en 11 points principaux : logement, sécurité, accessibilité, petite enfance et éducation, financement, climat, justice LGBTQIA+, soins de santé, travail, petite entreprise, bibliothèques. Et elle contient une rubrique qui affiche clairement un engagement politique au-delà des enjeux municipaux : « NYC à l’épreuve de Trump ».

Certaines de ces propositions ont fait le tour du monde après que Zohran Mamdani ait remporté, à la surprise générale, la primaire de juin 2025, contre le candidat de l’establishment Démocrate et contre les principaux syndicats qui appuyaient alors son concurrent A. Cuomo. Ces propositions ont aussi hérissé les poils des bourgeoisies de New York, de Paris en passant par celle de Montréal, habituées à des campagnes municipales et nationales sans aucun relief, où l’on débat sur des thèmes qui n’ont jamais rien de réellement populaires, socialistes ou environnementalistes.

Parmi les propositions les plus citées, figurent : la gratuité des bus municipaux ; la création d’épiceries municipales ; l’ouverture de services de garde gratuits pour les enfants de moins de 5 ans ; un salaire minimum de 30 dollars de l’heure dès 2030, le gel des loyers pour les 2 millions de locataires qui vivent dans des logements à loyer dits « stabilisés » ; la décision de faire de New York un sanctuaire pour les immigrant·es « en expulsant l’ICE de toutes les installations de la villes » ; la création d’un « Bureau des Affaires LGBTQIA+ » ; ainsi que l’engagement de consacrer 0,5 % du budget de NYC aux bibliothèques considérant l’importance des lieux publics et de la connaissance pour la vie en société.

Mais le programme contient bien d’autres éléments et notamment sur le financement, la police et les conditions de travail, qui sont moins souvent mentionnés.

Taxer les riches, arrêter de les subventionner, conditionner les aides publiques

Concernant le financement du budget, la plateforme est claire ; c’est aux riches de payer, aux très riches pour être plus précis. Mamdani propose ainsi d’augmenter « le taux d’imposition des sociétés pour l’aligner sur les 11,5% du New Jersey, générant ainsi 5 milliards de dollars ». Il propose également d’imposer aux 1% des New-Yorkais·es les plus riches - c’est-à-dire ceux et celles qui gagnent plus de 1 million de dollars annuellement — un impôt fixe de 2%. C’est une question de justice sociale quand « les taux d’imposition sur le revenu de la ville sont essentiellement les mêmes que vous gagniez 50 000 ou 50 millions de dollars ».

Toujours dans l’idée d’une redistribution, on note son engagement à investir massivement dans les universités publiques de New York (CUNY), « en taxant NYU et Columbia », qui sont richissimes et comptent au nombre des plus grands propriétaires privés de la ville, qui ne paient pas de taxes.

Le financement du budget repose également sur des économies et une réorientation des fonds. Ainsi, en matière de dépenses publiques, le candidat propose de supprimer les millions de dollars actuellement versés en subventions à de riches entreprises, notamment les opérateurs des supermarchés privés. De surcroît, il s’engage à mettre un terme aux subventions secrètes et aux accords protégés par des clauses de « non-divulgation », au prétexte du secret des affaires. Aussi prévoit-il de resserrer les critères dans l’attribution des contrats publics et de lier explicitement l’octroi de subventions à l’intérêt général. Le programme qu’il propose pour faire face à la pénurie des 7 000 à 9 000 enseignant·es en constitue un exemple. Concrètement, il propose d’offrir un soutien financier aux études « en échange d’un engagement de trois ans à enseigner dans les écoles publiques de NYC ». Une solution dont pourrait peut-être s’inspirer le gouvernement Legault, lui qui cherche des enseignant·es et des médecins depuis presque 10 ans.

La police n’est pas compétente pour gérer la misère sociale

Alors que les candidat·es à la mairie de Montréal évitent soigneusement de parler de la police municipale, Zohran Mamdani a choisi de se dissocier des mouvements « defund the police » ou autres ACAB. Sa plateforme est sans ambiguïté sur ce point :

« La police joue un rôle crucial. Mais actuellement, nous comptons sur elle pour gérer les échecs de notre filet de sécurité sociale, ce qui l’empêche de faire son véritable travail ».

Son programme consiste à recentrer les activités de la police sur la résolution des enquêtes et les interventions en cas de crimes et de délits. En revanche, la gestion des questions sociales serait confiée à un Département de la sécurité communautaire qui financerait, notamment, des programmes de santé mentale et le déploiement de travailleuses et travailleurs sociaux à l’échelle de la ville.

Les conditions de travail et les syndicats au cœur de la plateforme

Sur la place accordée aux conditions de travail et aux syndicats dans ce programme, on peut notamment lire :

« La classe ouvrière de New York est exploitée au maximum » ou encore la mairie « travaillera étroitement avec le puissant mouvement syndical de notre ville pour garantir que les travailleuses et travailleurs syndiqué·es et non syndiqué·es connaissent leurs droits au travail et puissent les faire respecter… Facilitera l’organisation des travailleuses et des travailleurs sans crainte de licenciements injustes ou de représailles ».

Entre autres choses, Zohran Mamdani s’engage à exiger le respect de « normes de travail élevées » pour tous les contractants et les projets financés par la ville. Il s’engage également à travailler « étroitement avec les syndicats pour faire passer des lois d’extension sectorielle supplémentaires qui offrent de meilleurs salaires et conditions de travail à travers des industries entières, à l’instar de la loi sur le salaire minimum pour la restauration rapide de NYC ». Et dans le même sens, il propose d’interdire les clauses de non-concurrence, imposées aux travailleurs et travailleuses, qui les empêchent de travailler dans certains secteurs.

S’il est trop tard pour que ce programme puisse orienter les élections municipales, peut-être y a-t-il là matière à réflexion chez nous, pour une gauche québécoise ?

Martin Gallié
31 octobre 2025

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Martin Gallié

Martin Gallié, Montréal, militant internationaliste, professeur à l’UQAM.

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