Édition du 23 avril 2024

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Afrique du sud : Dulcie September : enfin la vérité et la justice ?

La représentante de l’Anc à Paris était assassinée à la porte de son bureau à Paris le 29 mars 1988 ; cinq balles tirées presque à bout portant ne lui laissaient aucune chance. Après une enquête bâclée en 4 ans, la justice française déclarait le dossier clos par un non lieu en juillet 1992. Cela ne pouvait satisfaire ni sa famille, ni ses ami.e.s, ni les militant.e.s anti apartheid.

Tiré du blogue de l’auteure.

Deux décisions administratives ont été prises par le parquet, une par le Procureur de Paris le 29 mai 2019 et une par le Procureur général le 9 janvier 2020 refusant la réouverture d’une enquête sur les raisons de la mort de Dulcie September.

C’est pourquoi, la famille de Dulcie September a choisi de mener une action judiciaire contre l’Etat français pour déni de justice en demandant la réouverture du dossier et une nouvelle enquête sur l’assassinat de leur tante et belle-sœur. Elle demande aussi que cet assassinat soit considéré comme un crime d’apartheid, donc imprescriptible, puisqu’au moment du meurtre Dulcie September était la représentante du mouvement de libération African National Congress.

Cette demande est soutenue par de nombreuses personnalités et organisations sud-africaines et françaises : la Fondation Mandela, Stephan Aggett, neveu du militant anti-apartheid et syndicaliste Neil Agett, mort en détention, des commissaires de la Commission Réconciliation et Vérité, Evelyn Groeninck , auteure et journaliste qui a enquêté sur ce meurtre depuis 30 ans ; Bachir Ben Barka, Sylvie Braibant, Jacqueline Dérens, ancienne militante anti-apartheid et auteure, le maire de la ville d’Arcueil où Dulcie a résidé, Pierre Laurent, sénateur communiste de Paris et vice Président du Sénat, l’Afaspa, etc. Le dossier a été déposé et la première audience publique aura lieu le11octobre 2021.

En ce mois de mars, consacré à lutte contre le racisme, en mémoire du massacre de Sharpeville le 21 mars 1960 et mois consacré à la lutte pour les droits des femmes, un documentaire réalisé par Enver Michael Samuel, est diffusé en deux épisodes les 21 et 28 mars sur la chaine de télévision sud-africaine SABC 3 ; une conférence était aussi organisée par la fondation Mandela le 18 mars au Freedom Park de Johannesburg, enfin l’Ambassade d’Afrique du Sud à Paris organise une visioconférence le 29 mars.

Le documentaire Murder in Paris fait un portrait très complet et empathique de Dulcie avec les témoignages de la famille, de ses camarades de lutte avant son exil en Grande Bretagne , des ami.es et militant.e.s qui l’ont connue en Grande Bretagne et en France. Mais plus qu’un portrait, le film pose aussi la question brûlante : pourquoi Dulcie ? pourquoi abattre froidement cette responsable de l’ANC à Paris ? Qui avait intérêt à la faire taire ? Qu’avait-elle découvert de si gênant pour que la justice française bâcle l’enquête au plus vite et classe l’affaire par un non-lieu ? Pourquoi la direction de l’ANC à Londres n’a pas répondu à ses appels en envoyant quelqu’un à Paris pour l’écouter, pour la seconder ? Enver Samuel donne la parole à Evelyn Groeninck, une journaliste d’investigation néerlandaise qui a consacré plus de 30 ans à enquêter sur cette affaire. Elle met à nu les relations entre la France et le régime d’apartheid. Relations secrètes en violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui exigeaient l’embargo total sur les ventes d’armes, le matériel sensible et la technologie nucléaire.

La France, en plus de fournir du matériel militaire, a permis à l’Afrique du Sud de se doter de l’arme nucléaire. En Afrique du Sud, des documents déclassifiés qui ont pu être consultés par des journalistes d’investigation apportent la preuve de ces relations illégales et les complicités pour contourner l’embargo sur les armes ou le pétrole. Dans son livre Apartheid, Guns and Money Hennie van Vuuren, qui témoigne dans le documentaire, avait déjà mis en avant ces relations secrètes et illégales comme motif probable de la volonté d’éliminer Dulcie September, la femme qui en savait trop.

Trente trois ans après le meurtre de Dulcie September en plein cœur de Paris, allons nous enfin connaître la vérité et justice sera-t-elle rendue à la famille et aux ami.e.s de cette militante qui a sacrifié sa vie à une cause juste ?

Jacqueline Dérens, Dulcie September, Une vie pour la liberté, Editions Non Lieu 2013.

Jacqueline Dérens, Femmes d’Afrique du Sud, une histoire de résistance Editions Non Lieu 2019.

Jacqueline Dérens

Blogueuse sur le site de Mediapart (France). Ancienne militante contre l’apartheid, fondatrice de l’association RENAPAS - Rencontre nationale avec le peuple d’Afrique du Sud.

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