Édition du 26 mars 2024

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Afrique

Algérie : le Hirak et le virus

Pandémie oblige, les manifestations du vendredi sont suspendues en Algérie. Le pouvoir, fidèle à lui-même, profite de la situation pour réprimer avec
plus de violence encore les militant-es du Hirak. Les peines de prison pour avoir manifesté ou rendu compte de la mobilisation dans la presse, pour des
journalistes, s’alourdissent, notamment dans les procès en appel de ces jours.

Tiré de Europe solidaire sans frontière.

Le journaliste Karim Tabbou en fait les frais, parmi de nombreuses et nombreux autres.

Jusqu’au bout le pouvoir sévira de façon sinistre (voire la déclaration du collectif français de soutien au Hirak dans les lignes qui suivent).

Comme le souligne bien Omar Benderra (1) dans un entretien accordé à Algeria Watch sur le sujet :

« Dans son aveuglement, son cynisme et sa perfidie, ce régime pense étouffer le Hirak en profitant de la pandémie. Sa tête pensante – composée par les généraux de l’état-major de l’ANP – ne mesure toujours pas l’intensité de la colère du peuple et du rejet massif dont elle fait l’objet.
Incapables de se remettre en cause, de renoncer aux avantages matériels du pouvoir et de prendre des initiatives réelles, les « décideurs » ont trouvé l’opportunité de mettre une nouvelle fois en œuvre les moyens d’une répression constitutive de leur culture politique.

Il s’agit donc pour leur bras armé, la police militaire secrète au premier chef, de faire taire tous ceux et celles qui osent exercer leur métier de journalistes comme Khaled Drareni et Sofiane Merakchi, tous ceux qui osent exprimer des
critiques et proposer des alternatives comme Karim Tabbou, tous ceux qui appellent à un changement aussi vital qu’urgent comme Slimane Hamitouche ou Brahim Daouadji et bien d’autres. Les embastillements et procès d’activistes politiques visent évidemment à couper les têtes les plus populaires ou les plus visibles du mouvement populaire.
On le voit bien, il ne s’agit pas seulement de quelques personnalités précisément ciblées, mais bien d’une vague massive d’arrestations qui concerne des centaines de personnes à travers l’ensemble du territoire. C’est une campagne de répression qui vise à paralyser l’activité politique, à tétaniser le peuple et décourager toute mobilisation.
Mais ce choix de la répression est de courte vue, le divorce entre le peuple algérien et ce régime absurde est consommé et irréparable ».

Nous proposons dans ces pages également une analyse originale du Hirak, intitulé « Le mouvement syndical et le Hirak » de Kaddour Chouicha, datant de novembre 2019.

Notes

1. Omar Benderra est économiste et contributeur régulier du site Algeria Watch : https://algeria-watch.org/

Déclaration de syndicats et d’organisations de défense des droits humains
Halte à l’acharnement judiciaire contre Karim Tabbou !
Libération inconditionnelle et sans délai de tou.te.s les détenu.e.s du Hirak !

Face au pacifisme et au sens des responsabilités du Hirak – qui a unilatéralement suspendu toutes les manifestations publiques pour contribuer à freiner la pandémie du COVID-19 –, le pouvoir autoritaire algérien persiste dans sa politique de répression et de déni du droit : sa machine judiciaire ordonne le maintien de nombreux citoyens en détention arbitraire, en organisant une parodie de procès, comme celui du 24 mars qui a été programmé sans que le prévenu, Karim Tabbou, ni ses avocats ne soient informés.

L’objectif est clair : briser l’insurrection démocratique du Hirak, en maintenant Abdelouahab Fersaoui et tant d’autres arbitrairement en détention et, aujourd’hui, en condamnant Karim Tabbou à un an de prison ferme à la suite de l’appel interjeté par le parquet. Karim Tabbou, qui venait de purger sa peine de six mois de prison ferme et six mois en sursis, devait recouvrer sa liberté ce jeudi 26 mars.

La machine judiciaire, aux ordres de la police politique, en a décidé autrement. Refusant de comparaître en l’absence de ses avocats et face à l’acharnement du juge qui a décidé de poursuivre l’audience, il est victime d’un malaise et transféré à l’infirmerie du tribunal. Il est jugé et condamné en son absence à un an de prison ferme.

Tout indique que la machine judiciaire veut lui infliger le même sort qu’à Kamel Eddine Fekhar et Mohammed Tamalt, tous deux morts en prison victimes de mauvais traitements.

Nous condamnons cette mise à mort programmée d’un militant politique et mettons en garde le pouvoir algérien pour tout ce qui peut lui arriver.
Nous exigeons la libération inconditionnelle et sans délai de Karim Tabbou et de tou.te.s les détenu.e.s du Hirak, qui n’ont fait qu’exercer leurs droits de citoyens, à commencer par le droit de manifester pacifiquement et de s’exprimer librement.

Ces droits, pourtant formellement énoncés dans la Constitution, sont systématiquement bafoués par le régime militarisé en place.

L’Algérie, qui a ratifié les principales conventions internationales de protection des droits de l’Homme, se doit de respecter ses engagements et cesser sa politique répressive de manière générale et, en particulier, à l’encontre du Hirak et de ses acteurs.

L’opinion publique algérienne est mobilisée dans la défense des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

L’opinion publique internationale ainsi que les partenaires étrangers de l’Algérie, notamment l’Union européenne, doivent rappeler au gouvernement en place ses engagements et condamner toutes les violations des droits de l’Homme commises ces derniers mois à l’encontre de citoyens pacifiques qui ne font qu’exercer leurs droits fondamentaux. (24 mars 2020)

Signataires :

Action jeunesse Maroc, Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA), Alliance des démocrates de la diaspora algérienne (ADDA), APEL-Egalité, ASBL Na’oura, Bruxelles, Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT), Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association Vigilance pour la Démocratie et l’Etat civique, Tunisie, Coalition marocaine pour la justice climatique, Citoyenneté, Développement, Cultures et Migrations (CDCMIR), Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), Collectif Debout l’Algérie (Free Algeria), Collectif DZ United (Free Algeria), Collectif de soutien lyonnais au peuple algérien (CSLPA), Comité de réflexion pour une Algérie consensuelle (CRAC), Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA), Confédération générale du travail (CGT), Coordination maghrébine des organisations des droits de l’Homme (CMODH), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Nouveaux échanges culturels franco-algériens (NECFA), Observatoire marocain des libertés publiques, Portail E-Joussour, Plateforme euro-marocaine migration, développement, citoyenneté, démocratie (MDCD), Pour une nouvelle Algérie (PUNA), Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), Réseau algérien contre la répression et pour la libération des détenus, Réseau Euromed France (REF), Réseau syndical international de solidarité et de luttes, Riposte Internationale, SOS Racisme, Syndicat national des personnels des administrations publiques (SNAPAP), Union syndicale Solidaires, Union des Tunisiens pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), Comité de vigilance pour la démocratie en Tunisie – Belgique, Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA), Confédération générale du travail (CGT), Coordination maghrébine des organisations des droits de l’Homme (CMODH), Dzayer 2.0, EUROMED Droits (REMDH), Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Forum de solidarité euroméditerranéen (FORSEM), Forum des alternatives Maroc (FMAS), Mouvement Ibtycar, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Nouveaux échanges culturels franco-algériens (NECFA), Observatoire marocain des libertés publiques, Portail E-Joussour, Plateforme euro-marocaine migration, développement, citoyenneté, démocratie (MDCD), Pour une nouvelle Algérie (PUNA), Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), Réseau algérien contre la répression et pour la libération des détenus, Réseau Euromed France (REF), Réseau syndical international de solidarité et de luttes, Riposte Internationale, SOS Racisme, Syndicat national des personnels des administrations publiques (SNAPAP), Union syndicale Solidaires, Union des Tunisiens pour l’action citoyenne (UTAC).

Le mouvement syndical et le Hirak

Kaddour Chouicha (Coordonateur national du Syndicat des Enseignant-es du Supérieur Solidaires, SESS-CGATA).

Texte écrit en novembre 2019.

CGATA (Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie)

La CGATA est une confédération créée en 2014 autour du SNAPAP (Syndicat national autonome du personnel de l’administration publique) avec la participation du SESS (Syndicat des enseignant-es du supérieur solidaires), d’autres organisations y étaient adhérentes puis se sont retirées.
Sa création est venue pour renforcer la solidarité et dépasser les corporatismes sur lesquels s’est appuyé le mouvement syndical Algérien naissant,surtout que pratiquement toutes les organisations syndicales composant la CGATA avaient soit vécu le refus de l’enregistrement de la part du ministère de travail (le SESS), soit avaient reçu l’enregistrement plusieurs années après, accompagnée par le licenciement des membres de la direction, le SNATEG (Syndicat national autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz), le SNAP (le syndicat national Algérien des postiers).
Le pouvoir Algérien refuse jusqu’à présent l’enregistrement du SESS et de la CGATA mais cela n’a pas empêché la CSI (confédération syndicale internationale) d’accepter son adhésion.

La CGATA fait partie de la confédération syndicale Arabe.

Nous considérons tout d’abord que même si les revendications sociales sont exprimées depuis maintenant huit mois que les Algériens et Algériennes sortent en masse dans tout le territoire national, elles restent le parent pauvre car le but commun sur lequel sont dirigées toutes les énergies c’est le retour à la primauté du politique sur le militaire, ce qui passe par la rupture radicale avec ce pouvoir.

C’est pourquoi, de fait, les revendications démocratiques sont celles qui reviennent tout le temps c’est pourquoi la CGATA considère que c’est d’abord une révolution démocratique même si les exclus du système y mettent beaucoup d’espoir et même si les organisations syndicales se doivent de réfléchir comment approfondir cette révolution pour aborder la question sociale si lancinante dans toute la région.

Le syndicalisme autonome doit à l’heure actuelle demander aux travailleurs de ne faire qu’un avec la population tout en apportant son expérience de l’organisation et des luttes ainsi que de partager les réflexions qui traversent depuis plusieurs années le monde du champ syndical.

Il faut noter tout de même que le champ du syndicalisme autonome lui-même n’est pas homogène c’est on trouvera des organisations syndicales qui ont appelé très tôt leurs adhérents à rejoindre le HIRAK (SNAPAP-CGATA, SESS-CGATA) dés le 26 et 27 février 2019 alors qu’il a fallu plusieurs jours sinon semaines ( Mai 2019) pour voir la CSA (confédération des syndicats autonomes) prendre clairement position pour le HIRAK.

Cela rejoint en fait l’attitude des pouvoirs par rapport aux organisations syndicales car le SNAPAP légitime est combattu par l’administration et tous les services de sécurité avec l’appui d’un clone, le SESS reste jusqu’à présent non enregistrée de même que la CGATA.

Par contre l’ossature de la CSA est constitué principalement des syndicats de l’éducation qui sont tous enregistrés en plus d’autres (enregistrés mais ne pesant guère). On ne peut oublier l’UGTA qui n’est en fait, jusqu’à présent et depuis longtemps qu’une organisation de masse du pouvoir et qui, intérêt oblige, se tient silencieux par rapport à tout ce qui touche le HIRAK. Il ne faut pas oublier que l’un des dégâts collatéraux du HIRAK a été le remplacement de l’ancien secrétaire général par un autre apparatchik. La seule position de l’UGTA a été de demander le report, à plus tard, de la finalisation d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui a été compris par la majorité des citoyens et citoyennes comme une corruption dirigée vers les puissances étrangères pour qu’elles continuent de fermer leurs yeux et oreilles sur ce qui se passe en Algérie et notamment le niveau des arrestations arbitraires.

Il est à citer le fait que la CSA a été partie prenante d’une plate forme qui reprend la vision d’une partie de la société civile et qu’elle continue, comme elle le formule, « de jouer son rôle d’associé étroit entre différentes opinions avec responsabilité et efficacité en la liant au mouvement populaire et à ses revendications ». La CGATA avait participé au début puis s’était retiré car même si pendant les débats la question de l’assemblée constituante a été posée elle s’est retrouvée évacué du texte final. Il reste à préciser que la région centre du pays notamment la ville de Tizi ouzou et notamment bejaia verra un travail commun sur le terrain des adhérents à la CGATA et à la CSA vu la politisation habituelle de la population de toute la région. De même, la poursuite des marches et des revendications de la population, si elle se poursuit avec la même constance, mènera à terme à une radicalisation de toutes les organisations syndicales.

La CGATA avait proposé une large concertation (syndicat, partis, associations, comités, personnalités etc.) pour débattre d’une grève générale (une seule journée au début) mais la CSA a proposé une grève le 29 octobre. Pour renforcer la lutte la CGATA a décidé d’appeler à cette grève tout en préparant la grève générale.

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