Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Blogues

Au sujet de certaines obsessions sélectives de François Legault

Qui appauvrit vraiment le Québec ?

« C’est important qu’on se dise les vraies choses. »


Une citation de François Legault, (premier ministre du Québec) aux membres du Conseil du patronat du Québec

C’est à l’occasion d’une rencontre avec des membres de son véritable groupe socio-économique d’appartenance que François Legault y est allé, avec une candeur déroutante, d’un aveu au sujet de certaines de ses obsessions sélectives du moment. À ce groupe patronal élitaire, il a déclaré, lors de leur assemblée générale virtuelle, tenue en prime en l’absence des représentantEs des médias, ce qui suit :

«  Moi, mon obsession, c’est d’augmenter le salaire moyen au Québec. »

« À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne moins de 56 000 [dollars], j’empire mon problème. À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne plus de 56 000, j’améliore ma situation ».


François Legault, vendredi le 31 avril 2021, aux membres du Conseil du patronat du Québec (CPQ).

En effet monsieur Legault, pour vous citer à nouveau : « C’est important qu’on se dise les vraies choses.  » En voici, selon nous, quelques-unes qui vous concernent.

Au départ, reconnaissez que votre déclaration est indigne de la fonction que vous occupez. Il y a là-dedans un contenu absolument inacceptable. Voir la main-d’œuvre immigrante uniquement sous l’angle monétaire, relève d’un point de vue comptable borné et abject.


Nous poursuivons.

Il y a en ce moment des négociations dans les secteurs public et parapublic. Des membres de votre gouvernement feignent de négocier depuis plus d’un an maintenant. Dans ce parcours, qui a les apparences d’une longue durée, vous vous autorisez à l’utiliser pour vous montrer comme un homme supposément patient. Ayez la décence de le reconnaître, vous ne négociez pas vraiment avec vos vis-à-vis syndicaux. Tout ce que vous faites, depuis le 12 décembre 2019, c’est de gagner du temps. Dans quel but ? Le même que celui que poursuivait Jean Charest entre 2003 à 2005. Vous accumulez un nombre impressionnant de séances de négociations qui vous servira d’argument pour soit justifier une intervention intempestive de votre part ou soit pour faire signer aux porte-parole syndicaux l’inacceptable.

Vous dites que vos offres sont « raisonnables », vous dites que votre gouvernement ne peut pas, au nom de la limite de la capacité de payer des Québécoises et des Québécois, offrir plus que 5% d’augmentation pour les trois prochaines années, plus un montant forfaitaire dont le pourcentage varie selon le salaire des personnes qui le toucheront.

Monsieur Legault, je suis d’accord avec vous. Il est en effet primordial que nous nous disions « les vraies choses ». Vous ne le réalisez peut-être pas, mais vous avez plusieurs problèmes dans votre propre cour en ce moment. Je suis d’avis que ce qui appauvrit le Québec c’est aussi la politique de rémunération du gouvernement du Québec à l’endroit de ses propres salariéEs syndiquéEs. J’ose vous poser la question suivante : combien y a-t-il de salariéEs syndiquéEs dont le revenu annuel est inférieur à 56 000$ dans les services publics ?

C’est depuis 1979 que les gouvernements qui se sont succédé à Québec n’ont cessé de s’attaquer au pouvoir d’achat de celles et ceux qui dispensent les services essentiels à la population. Depuis les années quatre-vingt du siècle dernier, les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic traversent des rondes de négociations dont le résultat est toujours décevant sur le plan des augmentations salariales. Depuis 1982, combien y a-t-il eu de fois où les augmentations annuelles de salaire ont été supérieures à l’inflation ? Combien y a-t-il eu d’années où l’augmentation salariale a correspondu à 0% ?

Ce que vous ne semblez pas réaliser, monsieur Legault, c’est qu’il commence à y avoir de plus en plus de personnes qui lèvent le voile sur la politique de rémunération sexiste du gouvernement du Québec. Il y a de plus en plus de personnes qui comparent leur rémunération avec ce que les autres salariéEs syndiquéEs obtiennent pour leur prestation de travail. Il y a de plus en plus de personnes qui sont prêtes à vouloir adopter divers moyens de pression pour faire entendre leur voix et leurs revendications salariales réellement fondées et également légitimes. Il y a des personnes qui se demandent, mais comment se fait-il que le gouvernement du Québec accepte que les hausses de salaire soient supérieures à ce qui est accordé dans les services publics dans les entreprises suivantes : Hydro-Québec, Loto-Québec, SAQ, industrie de la construction, universités, etc.? Ne s’agit-il pas là d’employeurs ou de secteurs où les salaires versés se répercutent également sur les finances du gouvernement du Québec ? Il est temps que vos intellectuelLEs organiques du Secrétariat du Conseil du trésor et du ministère des Finances réalisent l’impact négatif de cet indécent maximum 2% d’augmentation monétaire qui s’applique annuellement aux salariéEs syndiquéEs des services publics depuis les années quatre-vingt-dix.

Si vous voulez combattre la pauvreté au Québec, commencez donc par offrir une rémunération respectueuse de la valeur réelle de la prestation de travail à vos propres salariéEs syndiquéEs.

En passant des grèves sont annoncées pour la semaine prochaine parmi différents groupes de salariéEs syndiquéEs des cégeps. Le signataire de la présente comprend votre empressement à vouloir liquider la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic « dans deux ou trois semaines ». Vous n’avez pas le goût de voir, en ce début du mois de mai où tout recommence, 500 000 salariéEs syndiquéEs devant leur établissement, pancarte en mains. Combien y a-t-il de professeurEs, de chargées de cours, d’employéEs de soutien et de professionnelLEs dans les cégeps dont le revenu annuel est inférieur à 56 000$ annuellement ? Parmi les 550 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic, combien y a-t-il de personnes qui ont un revenu qui n’est pas à la hauteur de la valeur réelle de leur prestation de travail ? Avez-vous oublié que dans une société, surtout une société capitaliste, le travail, « Ça se paie » ?

En passant, je vous invite à arrêter de confondre diverses choses. Les montants forfaitaires et les avancements dans les échelons ne correspondent pas à des augmentations de salaire. Il est temps également que vous cessiez de fermer les yeux sur le caractère sexiste et également potentiellement raciste de certaines de vos pratiques ou (et) de vos déclarations.

Yvan Perrier

4 mai 2021

9h50

yvan_perrier@hotmail.com

https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-8442460/ca-francois-legault-immigration-et-salaire-moyen. Consulté le 4 mai 2021.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1789768/immigrants-legault-salaire-penurie-quebec. Consulté le 4 mai 2021.

Statistiques pour déboulonner quelques mythes et mieux comprendre les enjeux de cette négociation :

Moyenne salariale des employés du secteur public (FTQ) : 39 818,76 $ ;
Moyenne salariale des employés occasionnels et temporaires (FTQ) du secteur public (autres que réguliers) : 28 184,06 $ ;
Retard salarial du secteur public (FTQ) : 9,2 % ;
Pourcentage de femmes que nous représentons (FTQ) : 73,8 % ;
Pourcentage de travailleurs et travailleuses qui n’ont pas de permanence ou de poste à temps complet (FTQ) : 42,3 %.
Nous invitons les organisations syndicales présentent dans les secteurs public et parapublic à nous faire parvenir les statistiques pertinentes concernant leurs membres. Nous les reproduirons sans aucune hésitation.

Ajout
10 mai 2021
11h15

Que dire de ces deux données concernant certainEs membres de la CSQ :

« Dans certains secteurs spécifiques, comme le soutien scolaire, la moyenne est de 23 400 dollars. En santé, la moyenne salariale annuelle est de 34 700 dollars. »

Source : https://www.lacsq.org/actualite/monsieur-legault-nous-sommes-plus-que-prets-pour-une-vraie-negociation-sonia-ethier-presidente-de-la-csq/. Consulté le 10 mai 2021.

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Blogues

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...