Édition du 7 octobre 2025

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Amérique centrale et du sud

Equateur : Chasse aux sorcières contre les dirigeants et militants des mouvements sociaux

L’Équateur est à la croisée des chemins. Tout en accentuant la répression contre les manifestations, Noboa a lancé une chasse aux sorcières contre les dirigeants et les militants des mouvements sociaux.

Tiré de Viento Sur

1er octobre 2025

D’un côté, une nouvelle période de lutte sociale a commencé. Depuis le 23 septembre, la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur) a lancé une série de manifestations qui, pour l’instant, se sont déroulées avec le plus d’intensité dans les provinces d’Imbabura, Pichincha, Cotopaxi et Chimborazo ; il s’agit d’une réponse à l’augmentation des prix du diesel. Mais quelques jours auparavant, le 16 septembre, une manifestation massive rassemblant 100 000 personnes a défilé dans la ville de Cuenca pour défendre l’eau, dont les sources sont menacées par les licences environnementales accordées par le gouvernement à des entreprises transnationales.

Quelques semaines auparavant, à l’initiative du FUT (Front unitaire des travailleurs), une vingtaine d’organisations ont formé le Front pour la défense de la santé, de l’éducation publique, du travail décent, de la sécurité sociale, des droits humains et de la nature. Le FUT et ce nouveau Front ont organisé plusieurs actions, mobilisations et sit-in pour protester contre les lois antidémocratiques sur l’intégrité, la sécurité et le renseignement (qui instaurent une sorte d’état d’urgence permanent et étendent l’espionnage contre les organisations et les dirigeants sociaux), contre une proposition de réforme de la loi sur la sécurité sociale qui ouvrira la porte aux banques privées pour qu’elles puissent contrôler une partie des portefeuilles de crédits de la BIESS (la banque de l’Institut équatorien de sécurité sociale), contre les milliers de licenciements de fonctionnaires (on estime que le gouvernement licenciera 70 000 travailleurs), contre la crise que l’inaction du gouvernement a provoquée dans le domaine de la santé publique.

Mais, d’autre part, la réponse du gouvernement a été la persécution, l’espionnage et la répression. Ce n’est pas surprenant car, depuis janvier 2024, Noboa s’est consacré à la mise en place et au perfectionnement d’un régime autoritaire, qui subordonne et menace les autres fonctions de l’État afin de les mettre au service de la volonté du président et de son groupe : s’il s’est lancé contre sa vice-présidente au début de son premier mandat, ces derniers mois, il s’en est pris de préférence à la Cour constitutionnelle. Si la Cour a donné son feu vert au référendum populaire de Noboa et à sa proposition d’Assemblée constituante, avec laquelle il espère supprimer tous les droits qui subsistent, elle n’a en revanche pas accepté tous les articles des lois antidémocratiques de Noboa ; le président se venge en accusant la Cour d’être responsable de la violence liée au trafic de drogue.

Le président a pu faire avancer la mise en place d’un régime autoritaire en se retranchant derrière la « guerre interne » qu’il a déclarée contre le « terrorisme » et en utilisant comme prétexte la peur de la population face à la violence perpétrée par le trafic de drogue ; mais il est désormais évident que cette guerre était en réalité préparée contre les manifestations sociales.

Au lieu d’écouter la voix du peuple, Noboa renforce le caractère antidémocratique de son régime. À peine les manifestations indigènes avaient-elles été annoncées que le président a menacé de « les dénoncer pour terrorisme » et de les envoyer « 30 ans en prison ». Lors des premières mobilisations, Noboa a déclaré qu’il ne s’agissait « pas de protestations, mais d’actes de terrorisme », qu’il s’agissait « de la même mafia que d’habitude » et que les manifestations étaient financées par l’exploitation minière illégale et les cartels de la drogue.

Les mobilisations ont été durement réprimées et l’armée a même perquisitionné des maisons dans des communautés indigènes pour arrêter des jeunes. D’autres personnes ont été arrêtées sans avoir participé aux manifestations. Parmi les détenus figurent 12 jeunes indigènes d’Otavalo qui ont été arbitrairement transférés dans des prisons d’Esmeraldas et de Portoviejo où, quelques heures auparavant, un nouveau massacre avait fait une trentaine de morts ; en les transférant dans ces prisons, le gouvernement met en danger la vie de ces jeunes militants.

Il a immédiatement ordonné le blocage des comptes bancaires des dirigeants de la CONAIE et du Cabildo del Agua de Cuenca. Dans le même temps, il a lancé une procédure judiciaire par l’intermédiaire du parquet. Ces derniers jours, le parquet chargé de la criminalité organisée, transnationale et internationale a « demandé des informations » à Edwin Bedoya, président du FUT (Front unitaire des travailleurs) et de la CEDOCUT (Confédération équatorienne des organisations classistes pour l’unité des travailleurs), à Andrés Quishpe, président de l’UNE (Union nationale des éducateurs), à Gary Esparza, président de la FENOCIN (Confédération nationale des organisations paysannes, indigènes et noires), à Nery Padilla, président de la FEUE (Fédération des étudiants universitaires de l’Équateur).

Dans le même temps, le parquet a ouvert une enquête « pour enrichissement privé injustifié » à l’encontre de 58 militants et dirigeants de la Conaie, du Front national antimines et de plusieurs autres organisations sociales et ONG environnementales liées aux mouvements sociaux.

Marlon Vargas, président de la CONAIE, Leonidas Iza, ancien président de la CONAIE, et Guillermo Churuchumbi, coordinateur de Pachakutik, ont également été accusés par le parquet de la ville de Riobamba d’avoir organisé la grève. Dans le même temps, les médias communautaires, tels que la chaîne de télévision du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi (MICC), sont censurés.
Les mobilisations de ces dernières semaines marquent un nouveau tournant dans la lutte sociale en Équateur, car elles montrent qu’une opposition populaire se structure contre le gouvernement antidémocratique et néolibéral de Daniel Noboa. C’est désormais un fait, indépendamment de l’ampleur et de la profondeur que prendront les manifestations actuelles. Dans le même temps, les luttes cherchent des moyens de se rapprocher et de créer des espaces d’unité plus larges.

Ces deux éléments sont considérés comme une menace par le gouvernement et les oligarchies dominantes, qui agissent donc avec une telle violence et une telle mauvaise foi. Face à cela, il devient urgent de manifester notre solidarité avec les organisations, leurs dirigeants et les luttes engagées.

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